Les produits laitiers entiers sont-ils finalement meilleurs pour la ligne (et la santé) que le lait écrémé et les yaourts allégés ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les produits laitiers entiers seraient plus appropriés que les allégés pour se prémunir contre la prise de poids.
Les produits laitiers entiers seraient plus appropriés que les allégés pour se prémunir contre la prise de poids.
©Reuters

Paradoxe

Les yaourts au lait entier seraient plus efficaces que les allégés pour garder la ligne selon Walter Willet, de la très sérieuse Harvard School of Public Health.

Patrick Serog

Patrick Serog

Patrick Serog est médecin nutritionniste. Il est membre de la Société française de nutrition et membre du Conseil d’administration de la Fondation Nestlé.

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Atlantico : Walter Willett, chercheur à la Harvard School of Public Health (HSPH), a récemment déclaré dans une interview au magazine NewScientist que les produits laitiers entiers seraient plus appropriés que les allégés pour se prémunir contre la prise de poids (voir ici). N’est-ce pas un peu paradoxal ?

Patrick Serog : Aux Etats-Unis il existe énormément de produits allégés. Les personnes qui cherchent à maigrir se sont naturellement focalisées sur eux, mais ils en mangent beaucoup. En effet les portions américaines sont bien plus importantes que les nôtres. Beaucoup d'Américains ont l’impression qu’en consommant des produits allégés, ils peuvent en manger autant qu’ils veulent.

Cela ne se retrouve pas du tout dans la culture française. Nous avons deux types de produits allégés. Tout d’abord, le lait s’est allégé « naturellement », si j’ose dire. Jusque dans les années 70, on prenait systématiquement du lait entier, contenu dans les bouteilles à bouchon rouge. Puis s’est démocratisé le lait demi-écrémé, qui aujourd’hui est le plus consommé par la population. Cet écrémage s’est d’abord fait pour des raisons économiques, on récupérait la crème pour fabriquer d’autres produits. La question de santé ne se posait pas encore. Ensuite se sont développés chez nous des produits allégés spécifiques, destinés à une population ayant envie de manger moins de calories. Mais ils ne sont jamais devenus les produits exclusifs de l’alimentation française, leur utilisation n’a jamais été massive.

S’est ajoutée à ces deux phénomènes une tendance chez les industriels à alléger l’ensemble de leurs produits pour des raisons de santé, invoquées par les autorités sanitaires : moins de sel, moins de graisse, moins de sucre dans les céréales… C’est ainsi que le produit standard s’est « allégé. »

Pour revenir à votre question de départ, on n’observe pas du tout dans notre population ce que de son côté Willett observe dans son pays. L’assertion selon laquelle il serait préférable d’utiliser des produits entiers plutôt que des produits demi-écrémés ne se vérifie pas chez nous.

Mais l’impression de satiété n’est-elle pas renforcée avec des produits entiers ?

Le problème est que nous, Français, nous ne nous contentons pas d’un seul produit lorsque nous mangeons. Nous prendrons par exemple un plat principal, un yaourt et un fruit. Autrement nous devrions prendre un seul produit, qui serait allégé, pour sustenter notre faim. C’est d’ailleurs beaucoup plus le cas dans les pays anglo-saxons, où l’on mange pour se nourrir, alors que dans les pays latins on cherche à se faire plaisir et à partager une convivialité.

Le caractère allégé des produits laitiers incite-t-il le consommateur à compenser avec des ajouts de sucre ou d’autres aliments ?

Pour certains consommateurs, oui. Mais en France nous avons plus conscience du fait que si nous mangeons des allégés, il ne faut pas en prendre le double ou rajouter force sucre ou autres aliments, car autrement nous perdons le bénéfice recherché. Le consommateur américain, lui, est beaucoup plus naïf.

Au final, peut-on dire que les produits laitiers entiers sont meilleurs pour la ligne et la santé que le lait écrémé et les yaourts allégés ?

Les produits entiers ne sont pas meilleurs, mais ils ne sont pas non plus forcément plus mauvais. En quantité raisonnable, ils ne présentent aucun risque. En revanche si on a des besoins de quantités alimentaires plus importantes, il vaut mieux se tourner vers l’allégé. Le volume à manger sera ainsi plus important, pour une densité énergétique moins forte.

Pourquoi en est-on venu à penser que toutes les graisses étaient mauvaises pour la santé ? Est-ce une erreur ?

Parce que les modes se succèdent en fonction de l’évolution de la population. La population qui mange à sa faim, c’est-à-dire l’Occident et une majeure partie du monde aujourd’hui, a tendance à prendre du poids. Non pas à cause de la spécificité des produits qu’elle mange, mais parce qu’elle fait l’expérience d’une rupture avec son alimentation traditionnelle. Quand une population comme celle des Chinois, pour prendre un cas extrême, passe d’une alimentation traditionnelle à une alimentation occidentale, l’intervalle énergétique est tellement grand que brutalement, ils se retrouvent face à une masse énergétique qu’ils ne parviennent pas à brûler, et que par conséquent ils stockent.

Si la transition nutritionnelle se fait progressivement, on ne rencontre pas tels effets massifs. En France notamment, 14,5% de la population adulte présente une obésité. Aux Etats-Unis, c'est près de 40 % de la population. Dès lors, il est compréhensible que leurs préoccupations soient différentes des nôtres.

Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est qu’il ne faut pas manger une quantité trop importante de graisses saturées. On a tendance à en manger un peu trop, mais elles ne font pas forcément grossir, elles donnent plutôt des maladies artérielles, cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires. C’est la raison pour laquelle on oriente les consommateurs vers les graisses végétales, qui sont moins saturées, de sorte que l’on ait une quantité d’huile suffisante pour que le goût soit agréable, et que cela apporte des acides gras essentiels. Les gens qui consomment beaucoup de mauvaises graisses sont peu éduqués, c’est pourquoi ils se dirigent vers une junk food pas chère. Souvent, ils ont peu d’argent, et pourtant même avec un budget limité on peut très bien manger : œufs, pommes de terre, fruits et légumes de saison, boîtes de conserve. Sauf que la vie sociale étant ce qu’elle est, on veut paraître riche, et on sacrifie la nourriture saine au bénéfice de smartphones et autres signes extérieurs de richesse...

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