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"Les Paravents" de Genet : l’escalade dans l’escalier
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De : Jean Genet Durée 4h (avec entracte) Mise en scène : Arthur Nauzyciel Avec : Hinda Abdelaoui, Zbeida Belhajamor, Mohamed Bouadla, Aymen Bouchou, Océane Caïraty, Marie-Sophie Ferdane, Xavier Gallais, Hammou Graïa, Romain Gy, Jan Hammenecker, Brahim Koutari, Benicia Makengele, Mounir Margoum, Farida Rahouadj, Maxime Thébault ...

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan pour Culture-Tops

Alya Aglan est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.)

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THÈME

La célèbre pièce de Jean Genet, créée en 1966 par Roger Blin, qui se situe “en-dehors de toute morale” selon ses propres mots, provoqua de violentes attaques des défenseurs de l’Algérie française. 

Le texte évoque, dans un récit à plusieurs voix, éclaté, à la fois cru et poétique, les tensions des sociétés dans l’Algérie française au moment même où éclatent « les événements ». 

Dans une guerre qui ne veut pas dire son nom et qui mène le pays à l’indépendance, on suit les pérégrinations d’un couple issu d’un mariage arrangé, Leila et Saïd, « une laide et un pauvre », allégories de la misère, de la petite délinquance et de la révolte.

POINTS FORTS

Un texte d’une puissance captivante dans un décor d’une apparente simplicité : immense escalier blanc sculpté par des lumières, des images et habité par des corps hiérarchisés et déformés qui se contorsionnent en fonction des situations.

La mise en scène fourmille d’inventivité, sans perdre sa limpidité dans une chorégraphie implacable dont le sens n’est jamais perdu mais, au contraire, se déploie en même temps que le verbe.

Les comédiens miment en même temps qu’ils jouent de la voix et impriment à leurs mouvements toutes les torsions du langage.

Le spectaculaire tient au fait que l’ensemble de la pièce allie esthétisme et violence avec des accès de crudité scatologique, dans un ballet de personnages emblématiques d’une position coloniale dont les destins finalement convergent dans la mort et la désolation engendrées par la guerre.

Un grand moment de théâtre comme il s’en trouve trop rarement sur les scènes nationales.

QUELQUES RÉSERVES

Quelques longueurs après la lecture des lettres d’un appelé en Algérie qui fait office de long aparté, avec un effet de rupture, malgré l’intérêt des documents exhumés.

ENCORE UN MOT...

La hiérarchisation consubstantielle aux sociétés coloniales participe à la misère pérennisée par les déséquilibres économiques, les injustices, les préjugés de classe et de race (“les Arabes sont des voleurs“) quand la propriété d’un pays entier est captée par les Européens.

Le langage et l’univers de Jean Genet présentent tout l’éventail de la comédie humaine sous l’implacable ordre colonial :

les militaires sont arrogants, cruels, froussards ou efféminés, qui entrent en scène à reculons ; 

les gras colons propriétaires terriens sont cyniques et précieux, familiers et autoritaires ; 

 les femmes, riches ou pauvres sont en lambeaux, à l’exception des prostituées, toutes d’or vêtues ;

les Arabes ne peuvent se tenir debout, corps tordus et recroquevillés que seule la révolte fait se redresser. 

UNE PHRASE

« Mère-poule ou mère-chien ; femme-poule ou femme-chien. »

« Vis ta mort, moi ma vie. »

« Confiance et méfiance sont les deux mamelles de la victoire. »

« Votre force ne peut rien contre notre haine. »

L'AUTEUR

Jean Genet (1910-1986) est un écrivain, poète, à la vie anticonformiste qui choque et dérange par son homosexualité et la violence de son langage. Enfant adoptif, il passe de la maison de redressement à la Légion, qu’il déserte en 1938 pour s’installer à Paris, où il vit en marginal avec de réguliers séjours en prison. 

Autodidacte, Jean commence alors à écrire ses premières poésies en 1942. Mais ses
premiers romans, publiés après la guerre - censurés car jugés pornographiques et provocateurs - circulent sous le manteau, avant d’être encensés par Cocteau, Sartre et les artistes parisiens. 

Sa pièce la plus célèbre, Les Bonnes, est jouée en 1947. Viendront ensuite Le Balcon (1956) et Les Nègres (1958). Il commence un journal, Le Captif amoureux, publié en 1986 quelques mois après sa mort. 

Sa tombe se trouve au vieux cimetière espagnol de Larache au Maroc. 

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