Les Monuments Men en Syrie : une brigade d’archéologues au secours du patrimoine menacé par la guerre <!-- --> | Atlantico.fr
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La grande Mosquée d'Alep ravagée par les pillages.
La grande Mosquée d'Alep ravagée par les pillages.
©Reuters

Alerte rouge

Des six sites syriens classés patrimoine mondial de l’Unesco, la guerre civile n'en aura épargné aucun. Aujourd'hui, de nombreuses associations se mobilisent pour protéger les derniers trésors archéologiques du pays des bombes et des pillards.

Le patrimoine archéologique de la Syrie est l'un des plus riches au monde. Grecs, Romains, Byzantins, Sassanides,  Perses,  Arabes, Omeyyades, croisés, Ottomans... tous ont laissé une trace de leur passage dans ce pays. Mais les combats qui opposent les milices du président Bachar al-Assad aux rebelles depuis 2011 ont conduit à la destruction et au pillage de nombreux sites classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Le dernière victime en date : le site archéologique de Doura-Europos. En juin, le département d'Etat des Etats-Unis a diffusé des images satellites montrant l'ampleur de la dévastation. Aujourd'hui, archéologues et activistes luttent au mieux pour préserver ce qui reste encore de l'Histoire de la Syrie. Ils apprennent notamment aux locaux à sauver les collections des musées et les sites historiques des ravages de la guerre. Tant bien que mal.

Ci-dessous le site de Doura Europa en 2012 puis en 2014, après les pillages 

Des organisations comme l'University of Pennsylvania's Cultural Heritage Center, l'International Council on Monuments and Sites (ICOMOS) ou Heritage for Peace, un réseau de volontaires et d'activistes base en Espagne, organisent des ateliers pour entraîner les archéologues syriens, les conservateurs et les activistes aux "premiers secours pour les objets et les sites". Selon, les archéologues, il faut absolument préserver le passé de la Syrie pour attirer les touristes quand le pays aura récupéré de la guerre civile. Car avant 2011, le tourisme culturel représentait une part importante de l'économie du pays.

Récemment, des conservateurs et des experts en restaurations ont organisé un atelier en Turquie, près de la frontière syrienne. Ils ont enseigné aux Syriens des techniques de conservations d'urgence comme par exemple emballer les mosaïques et céramiques dans du Tyvek, un matériau synthétique non-tissé fabriqué à partir de fibres de polyéthylène, avant de les enterrer et de les recouvrir de sable.

Si le site archéologique de Doura Europos,sud-est de Deir Ez-Zor, est particulièrement abimé, il est loin d'être le seul. La Syrie compte six sites classés sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco : les vieilles villes de Damas, d’Alep et de Bosra, le site de Palmyre, le krak des Chevaliers et la forteresse de Saladin ainsi que les villages antiques du nord. La guerre civile n'en aura pas épargné un seul. 

Ci-dessous, des syriens manifestent contre le régime de Bachar al-Assad dans les ruines de Palmyre

A la mi-janvier, à Raqqa, des djihadistes de l'Etat islamique ont détruit à coup de bulldozer un mausolée soufi à l’intérieur de la cour de la mosquée abbasside Al-Mansour et une mosaïque byzantine. À Damas, le 19 novembre 2013, un obus a détruit une partie de la mosaïque située au-dessus de la grande porte de la mosquée des Omeyyades. Egalement en 2013, l'armée de l'air syrienne a bombardé le krak des Chevaliers, une forteresse du XIIIe siècle aujourd'hui occupée par les rebelles.

À Alep, les incendies et les violents combats entre les loyalistes et les forces rebelles ont détruit le souk Al-Madina. Le minaret de la mosquée des Omeyyades a fini par s’effondrer en avril dernier. Les musées ne sont pas plus épargnés. L'année dernière, le musée de Maarra al Numan, situé dans la province d'Idlib, qui hébergeait des collections de mosaïques datant des ères Chrétienne et Byzantine, a subi plusieurs bombardements et raids de l'Etat islamique et des rebelles d'Al Nusra.

Les images satellites de Doura Europos et d'autres sites du genre suggèrent que les pillards sont loin d'être des amateurs. "Il doit y avoir des douzaines de personnes impliquées et ils ont sans-doute trouvé des choses qui les encouragent à creuser sans relâche", imagine John Russel consultant au département d'Etat américain qui aide les pays à protéger leurs trésors archéologiques. "C'est assez spectaculaire de creuser sous une ville entière (Doura Europos nldr)".  "Piller est une opportunité de travail provoquée par la guerre", déclare Salam al Kuntar, un archéologue syrien qui a fui le pays en 2012. "Mais cela prend du temps d'établir des réseaux et de comprendre les contextes locaux".

En Irak, le pillage post-invasion avait rempli le marché noir de tablettes d'argiles babyloniennes et sumériennes, attirant l'attention des autorités internationales. Mais les pillards syriens, eux, semblent surtout s'intéresser à des sites romains ou de la Grèce antique. "Les objets classiques sont plus faciles à voler, parce que des figurines romaines pourraient venir de n'importe où", explique Salam al Kuntar. "Les tablettes sont un marché plus difficile à cause d'Interpol".

Pour aider les autorités internationales comme Interpol à tracer des artefacts acquis illégalement, le Département d'Etat Américain a remis 600 000 dollars à The American Schools of Oriental Research. Le but étant de fournir une documentation complète des collections de musées syriens et des sites culturels. Ce catalogue devrait aider les agents de la douane et autres officiels à repérer les objets pillés et à appréhender les coupables.

De son côté, l'Unesco travaille à instaurer un observatoire du patrimoine syrien. Avec le soutien du ministère français des affaires étrangères, un comité a été formé pour coordonner la réalisation d’une carte archéologique de la Syrie avec la participation de la Maison de l’Orient et de la Méditerranée (MOM, Lyon), du CNRS, de l’Institut français du Proche-Orient (Ifpo), de l’université britannique de Durham, de l’Institut archéologique allemand et du Musée d’art islamique de Berlin.

Nombre des sites aujourd'hui détruits en Syrie étaient les symboles d'un pays autrefois diversifié et tolérant. Avant sa récente destruction, Doura Europos en était l'exemple parfait, selon Simon James, archéologue à l'Université de Leicester. "Doura semble avoir été un lieu multiculturel, multi religieux et tolérant. Les Chrétiens, les Juifs et ce que nous pourrons appeler les Païens vivaient tous ensemble ". 

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