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Les jeunes Japonais sont désormais majeurs à 18 ans plutôt que 20. Mais il n’y en a jamais eu aussi peu (et ils n’attendent pas grand chose de l’avenir…)
©ODD ANDERSEN / AFP

Précurseurs de notre destin démographique ?

Selon les derniers chiffres officiels, le nombre de Japonais âgés de 20 ans au 1er janvier 2022 a chuté de 40 000 par rapport à l'année précédente pour atteindre environ 1,2 million, soit le chiffre le plus bas jamais enregistré. Un véritable casse-tête pour les autorités.

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine

Jean-Marie Robine est directeur de recherche à l’Inserm et directeur d’Etude à l’EPHE. Au sein du laboratoire MMND de l’Université de Montpellier, il dirige l’équipe Longévité & vitalité.

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Atlantico : Comme le soulignent de récentes données, les jeunes Japonais n’ont jamais été aussi peu nombreux. Quelle est l’ampleur du phénomène ? Quelles en sont les causes ? 

Jean-Marie Robine : Le Japon, comme l'Allemagne en Europe, fait partie des pays où le taux de fécondité est extrêmement faible. Il y a un nombre très peu important de naissances par rapport au nombre de décès. Chaque femme doit avoir 2,05 enfants pour qu'il y ait un renouvellement des générations. S'il naît un peu plus de garçons que de filles, 105 pour 100 par exemple, il faudra trouver ce chiffre de 2.05 pour remplacer la totalité des femmes et des hommes dans une génération. Pendant très longtemps les pays étaient au-dessus, et donc on avait une croissance de pays considérable. Puis, dans les années 70, on a eu peur avec l'arrivée des contraceptions, l'arrivée du comportement moderne pour réduire ce nombre d'enfants. L'idée et l'espoir étaient de faire diminuer ce taux à 2. Nous nous sommes beaucoup félicités dans les années 2000 de voir que le taux avait diminué, sauf que dans les pays où il diminuait fortement, lorsque ce taux a atteint une valeur de 2, il a continué à diminuer pour aller à 1, 5, et puis sur des valeurs de renouvellement très faibles. Dans le même temps, la population vit de plus en plus longtemps, ce qui la fait durer à des âges très élevés. Cette somme donne une part d'enfants en baisse dans nos sociétés. Nous pouvons y voir une certaine inversion de la pyramide des âges, avec l'idée d'une énorme population d'enfants puis d'une diminution croissante des individus en fonction de l'âge. Ici, la pyramide s'inverse, où d'un côté, on a des générations entières qui vieillissent très longtemps (celle du baby boom), et en même temps un déficit de jeunes. 

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Mais pourquoi les économistes (et les gouvernements) ignorent-ils le défi du vieillissement de la population ?

Dans un article du Financial Times, on peut lire le manque d’optimisme pour l’avenir que partage la population et notamment la jeune génération. Dans quelles mesures la démographie façonne nos mentalités ? Et inversement dans quelle mesure nos mentalités jouent sur la démographie ? 

Le taux s'est plutôt stabilisé vers 2 en Occident, mais on a des pays comme l'Allemagne, le Japon, l'Italie ou l'Espagne où les taux ne se sont pas arrêtés, et on tombe à des taux très faibles. On peut trouver le même phénomène qu'au Japon à Hong Kong ou en Corée. Les jeunes femmes, aujourd'hui, ont très peu d'enfants.

Ces transformations se sont passées très vite, en parallèle d'une forte élévation du niveau d'instruction, d'une augmentation du taux d'activité des femmes et d'un grand gain de confort. Les femmes étudient comme les hommes, accèdent au même marché du travail, et forment une masse de consommatrices. D'un autre côté, culturellement, ça n'évolue pas aussi vite que dans l'économie. Dans la société asiatique et Japonaise, la culture reste très conservatrice, en particulier quand une femme a un enfant, il est de bon ton que la femme s'occupe de son enfant. La société voit d'un mauvais œil qu'une femme puisse avoir un enfant et un travail en même temps. Le même phénomène se retrouve en Allemagne. Tout ça rend le coût de l'enfant très élevé.

La diminution de la fécondité ira alors bien au-delà de ce ratio de 2. Cette valeur est statistique, mais dans la réalité, soit les femmes ont des enfants, soit elles n'en ont pas. Il y a de plus en plus de femmes au Japon par exemple, qui décident de ne pas avoir d'enfants parce que ça coûte trop cher. Donc, il faut vraiment voir la moyenne statistique dans ces taux de fécondité, entre des femmes qui décident de ne pas se marier ou de ne pas avoir d'enfants, et des femmes qui créent des familles avec deux ou trois enfants.

La situation japonaise peut-elle préfigurer de notre avenir ? Peut-on y voir des similitudes ? Quelles sont les divergences et les points communs ? 

On observe bien les divergences, en premier lieu sur le conservatisme traditionnel dans les sociétés asiatiques, qui pèse sur les femmes : une femme qui a un enfant doit s'en occuper. Pour bien s'en occuper, elle doit cesser de travailler. C'est le même frein que l'on peut retrouver dans certains pays d'Europe, mais pas en France. La pression qui s'exerce sur les femmes s'amoindrit avec le temps, il faut juste attendre que les révolutions culturelles ainsi que les révolutions socio-économiques se fassent. 

Quid des mentalités françaises et de leur rapport avec la démographie actuelle et future de l’Hexagone ?

En entrant en campagne électorale, nous entendons que les bons scores en taux de fécondité de la France sont dûs à des populations migrantes ou de provenance d'Afrique du Nord, ayant conservé un haut taux de fécondité, il permettrait de rehausser la moyenne française. Sans cette immigration, le taux serait plus bas qu'il ne l'est. Cela nous pose la question de l'Angleterre ou des Etats-Unis, très ouverts sur l'immigration aussi. Est-ce que les taux importants de fécondité qui persistent dans ces pays et en France ne seraient pas dûs à l'apport de population étrangère, nouvellement installée ?

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