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Les illusions du Green deal européen
©Francisco Seco / POOL / AFP

Pacte vert

L'UE vise à être climatiquement neutre en 2050, mais la méthode choisie laisse à désirer.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : L’Europe prépare son avenir « vert » et dans ses petits papiers figurent l’établissement de nouvelles normes. Ainsi les gérants d’actifs devront bientôt divulguer les caractéristiques environnementales, sociales et de gouvernance de leurs fonds. Quels failles comportent une telle stratégie ? 

Pierre Bentata : Cette stratégie pose plusieurs problèmes et notamment le statut de l’entreprise en tant que tel. On attend, d’un point de vue économique, qu’elle survive et qu’elle fasse du profit. Parfois, il peut arriver dans certains secteurs que les entreprises aient besoin de garder une certaine information, un certain savoir faire. Le premier risque est qu’il y ait une vraie incertitude juridique pour les chefs d’entreprise sur ce qui pourra être protégé. 

Lorsqu’entrera en contradiction l’objectif économique et écologique, qu’est ce qui primera ? L’incertitude réglementaire tend à réduire l’incitation à investir. Certains secteurs vont se trouver ralentis car ils ne sauront pas comment la réglementation sera mise en place. Le problème majeur étant qu’il y a toujours une forme d’arbitraire de la part du régulateur. Celui qui récupère l’information a une forme de marge de manoeuvre dont on ne connait rien au départ. Si le régulateur est convaincu par ce que que fait l’entreprise, il va avoir ses intérêts alignés avec celles de l’entreprise, mais l’économie de marché devient figée et les primes vont aux plus gros, à ceux qui ont été le plus capable de se rapprocher du régulateur. L’effet inverse est que le régulateur utilise toutes ces informations à charge avec une règle qui devient « désintitative » pour l’entrepreneur ou le secteur. On appelle cela une « sur-régulation ». Les critères demandés sont inaccessibles et ici encore c’est une prime au plus gros. C’est ceux qui vont avoir la plus grande assise financière qui se rapprocheront du régulateur. 

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Ceci correspond aux grands risques à chaque apparition de ce type de réglementation. 

Les taxes vertes qui en découleront sont-elles une solution une solution viable pour financer des projets éconergétique et durable ? 

L’idée de la taxe est une idée qui a beaucoup séduit en Europe de l’Ouest et beaucoup moins dans les pays anglo-saxons. Il y a un grand débat en économie pour savoir ce qui est le plus efficace pour aligner des intérêts économique et environnementaux. Il y a deux stratégies : la taxe « pollueur-payeur » et la mise en place d’instruments de marchés afin de faire intégrer aux entreprises le prix de leur impact environnemental dans leur production. Dans cette dernière stratégie, la solution la plus courante est des permis négociable. On fixe au départ un quota d’émission pour un secteur, un pays ou une région. Ensuite on laisse le choix aux entreprises de payer pour polluer avec des permis ou si elle gagne de l’argent en n’utilisant pas les quotas. La société civile par le biais d’association peut venir marquer en achetant elle même des permis. Par la fluctuation de ces permis, on devrait arriver à réaligner des intérêts contradictoires : prix bas, innovation, meilleure qualité, mais aussi moins de pollution. 

Nous préfèrons dans nos pays la taxe. C’est facile à mettre en place, mais le risque est qu'un mauvais calcul se traduise par une augmentation des prix. Alors c’est les consommateurs qui finissent pas encaisser coût.

L’autre risque est la non prise en compte de l’hétérogénéité des entreprises. Certaines sont très performantes, qui ne seront pas pénalisées de la même façon et d’autres qui ne le sont pas. Son problème est qu’elle frappe tout le monde de la même façon. Au nom d’un objectif environnemental, elle facilite la faillite des entreprises les moins performantes alors qu’il y a un volet social qui est pris en considération. Au niveau local, les taxes ont un effet de distorsion du marché. 

Dans ce « deal », si l’on met une taxe au niveau européen, il faut comprendre que nous ne sommes pas seuls au monde. Ici, il y a une stratégie protectionniste mais ceux qui vont être le plus contraint par ces taxes ce sont les pays les moins efficaces au niveau écologique. Au nom d’une volonté de protection de l’environnement, on va en fait renchérir les coûts des entreprises qui sont nos partenaires en Afrique et dans les pays d’Asie de l’Est. On pourrait se dire que l’Europe va imposer sa norme partout dans le monde, mais nous ne sommes pas des faiseurs de normes. Aujourd’hui, les pays qui impose ses normes sont les pays le plus puissants comme les États-Unis et la Chine. 

Les Européens se retrouve entre les deux puissances en ayant renchéri les coûts des importations, une sorte de protectionnisme qui va créer une sorte de distorsion dans le marché et nuit à nos partenaire sans créer un changement au niveau mondial. Nous sommes ambitieux, mais nous sommes trop centrés sur nous-mêmes. Si le problème est global, il faut aider les pays les plus pauvres à s’enrichir le plus vite possible et en facilitant les transferts technologiques de propre. Les vrais pollueurs sont l’Afrique, la Chine, mais ce n’est plus l’Europe. 

Quels exemples de Green Deal seraient intéressant à suivre pour l’Europe ? 

L’idée dans ce Green Deal de créer des distorsions de marché et d’aider les pays plus pauvres en Europe est intéressante. Néanmoins, il faut étendre cette logique au monde. Au lieu de taxer les produits  à l’entrée qui viennent d’ailleurs, il faut subventionner les secteurs dans les pays les plus sales pour faciliter leur investissement dans des technologies propres. Au lieu de voir les pays non-européens comme des suiveurs, il faut les voir comme des partenaires surtout sur un sujet global comme les émissions de gaz à effet de serre. 

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