Les grèves, combien de souffrances, combien de morts ?<!-- --> | Atlantico.fr
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©Flickr - Saturne

Un bilan lourd ...

Depuis le début de la grève contre la réforme des retraites, les médias se sont beaucoup tournés vers les problèmes de transports. Alors, une question nous taraude l'esprit, le nombre de morts a-t-il considérablement augmenté car la fluidité du trafic est fortement impactée ?

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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C’est l’affolement ; des milliers de personnes ne vont pas pouvoir sacrifier à l’épreuve annuelle de la "réunion familiale" avec ou sans messe de Noël. C’est le fait marquant qui semble un peu (mais pas trop) entamer le "soutien" des personnes interviewées à la radio ou à la télévision. Elles prennent toutes garde de se montrer "solidaires" des grévistes  dont elles "comprennent le combat", surtout celui des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP. C’est à se demander si elles n’ont pas toutes quelqu’un dans leur famille qui leur offre des voyages en train gratuits, un des "avantages acquis" qu’il convient de ne pas toucher. Celui qui m'amuse le plus est de "découcher". Il faut aller demander aux représentants de commerce, aux CRS, aux pompiers, aux militaires, aux personnels de santé et à bien d'autres ce qu'ils en pensent.

Mais en dehors du désagrément - certes très dommageable - des réunions de familles réduites ou de vacances au ski remises aux calendes grecques, il y a beaucoup plus grave et personne n’est capable d'en mesurer encore l’impact. Les embouteillages ont causé combien de morts?

Les statistiques avec de savants camemberts multicolores que personne ne comprend mais "çà fait savant" dans un rapport, sortiront après coup mais pour le moment, c’est parfois une question d'urgence vitale. A savoir, quid des urgences médicales en Île de France (mais aussi dans les autres grandes agglomérations, certes très légèrement moins impactées) entre 08 H 00 et 10 H 00 le matin et entre 18 H 00 et 21 H 00 le soir?

En effet, une personne qui a une crise cardiaque ou un AVC (pour un blocage urinaire, ce n’est la plupart du temps pas vital mais extrêmement douloureux) dans ces créneaux horaires a très peu de chances de s’en sortir vivante - ou au minimum sans séquelles - car, primo, les secours ont le plus grand mal à intervenir jusqu’au lieu du problème, secundo, l’évacuation rapide vers un hôpital devient une chose ardue même avec sirène -. Aux Français des campagnes qui se plaignent de ne pas avoir un hôpital à moins de 60 kilomètres de chez eux, il faut savoir qu'il est parfois plus rapide pour eux de le rallier que de rejoindre le CHU Bichât (ou autres, mais c'est celui que je connais le mieux) aux mauvaises heures.

Je n’ai pas cité dans cette réflexion tous les accidents domestiques qui peuvent être extrêmement graves, ni ceux des déplacements en deux roues (trottinettes, vélos, scooters) conduits par des personnes qui n’en n’ont pas l’habitude mais qui veulent bien logiquement aller travailler (bien sûr je ne parle pas des piétons renversés par ces engins circulant sur les trottoirs). Selon quelques sources journalistiques, ils auraient été multipliés par quatre en région parisienne (à vérifier).

Pour ne rien arranger, la Mairie de Paris qui a trouvé astucieuse de développer un circuit de tramway qui bloque encore un peu plus la fluidité du trafic. Priorité aux transports en commun, certes, résultats des courses, aux heures d'affluence, tout est coincé et en particulier les services d'urgence... Pour ceux qui ne sont pas convaincus, je les invite à venir Porte d’Asnières aux heures d’affluence... C'est encore pire que pendant les travaux (j'ai bien conscience qu'il y a plein d'autres points pareils mais je les fréquente moins souvent).

Donc déjà quand cela circule extrêmement mal en temps normal, c'est devenu impossible. La situation actuelle est à l'évidence imputable aux syndicats au premier rang desquels se trouve n’inénarrable Monsieur Philippe Martinez à la moustache stalinienne(1), son modèle d’inspiration sans doute. Pour un vieux communiste comme lui, quelques morts au dessus de la moyenne habituelle, ce n’est pas grand chose comparé à ce qui se passait du temps de la grande époque en URSS. Alors je comprends qu’il se déclare très fier de l’action de ses troupes. La Révolution est en marche camarades ! Alors attendons que l’affaire se calme et que les chiffres sortent comme pour lors de la canicule de 2003. Mais je me fais sans doute des illusions, personne n’osera se lancer dans des calculs macabres (comparer le nombre de morts suite à un transport tardif au service des urgences en période de grève par rapport au même temps mais hors période de grève). Il ne faut surtout pas espérer des ouvertures d’enquête pour mise en danger de la vie d’autrui voire pour homicide involontaire (c'est le terme juridiquement utilisé lors d'autres occasions). Dans cette affaire, je n'ose parler de l'impact écologique pourtant si à la mode. 

Je pense aussi aux malades qui doivent subir des séances de radiothérapies tous les jours, se faire dialyser deux à trois fois par semaine sans compter les soins indispensables qui ne peuvent être repoussés indéfiniment. Je n'ose évoquer, en cette période de fêtes, les familles qui souhaitent aller visiter des proches hospitalisés pour leur apporter un peu de réconfort...

Je tiens à souligner mon estime sans bornes pour les personnels soignants à qui tout le monde, M. Martinez y compris, aura à faire un jour. Ces personnes font la grève pour des raisons légitimes - leurs avantages acquis ne rejoindront jamais ceux de la SNCF et de la RATP - mais continuent néanmoins à assurer leur service pour soulager leurs concitoyens.  En dehors des difficultés pour rejoindre leur point de travail, regardons les difficultés pour eux d'assurer les soins et l'hospitalisation à domicile... Ils savent bien qu’ils se retrouveront un jour, à leur tour, en position de faiblesse et de dépendance.

1. Les marxistes-léninistes aiment bien ce style. Ainsi, M. Edwy Plenel porte la moustache fort élégamment. Mais si Martinez-Staline parvient un jour au soviet suprême, j’ai peur qu’en tant que trotskiste, M. Plenel ne connaisse le même "accident" de jardinage.

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