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Les Européens ne financent plus l'achat de leurs voitures comme avant. Et ça ne présage rien de bon pour l'industrie automobile
©Reuters

LOA

60% des voitures neuves sont aujourd'hui payés à crédit. Les mutations structurelles du marché de l'automobile, fortement liées à la crise de 2009, ont entraîné un changement important dans le mode de consommation des Français qui abandonnent de plus en plus l'idée d'être propriétaire d'un véhicule, pour en devenir de simples usagers.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : Selon un récent article de Bloomberg, l'acquisition par leasing dans le secteur de l'automobile est de plus en plus populaire en Europe. Mais ce changement du mode de consommation s'accompagne d'une chute des prix sur le marché de l'occasion. Comment expliquer, aujourd'hui, la popularité du leasing? Entraîne-t-il réellement une chute des prix?


Jean-Pierre Corniou : Le mode de financement de l’acquisition d’un véhicule est étroitement dépendant de l’évolutions structurelle du marché. Depuis la violente crise qu’il a traversé en 2009, le monde de l’automobile est entré dans une longue période de turbulences qui se manifestent sous des formes multiples. En effet, si les volumes ont pour l’essentiel retrouvé leurs références de 2007, les formes du marché, comme la nature des produits, ont beaucoup évolué dans tous les grands marchés automobiles mondiaux. La voiture est confrontée à l’urbanisation de la population mondiale, qui se traduit par des contraintes croissantes sur son usage, aux aléas de la production pétrolière, qui stimule les voitures hybrides et électriques, au rejet du diesel, et à l’intérêt pour les voitures connectées. Mais la vraie transformation de fond n’est pas technique, elle est culturelle. Les consommateurs sont en train de glisser d’un modèle de possession en pleine propriété, qui a été le modèle dominant depuis les origines, à un modèle d’usage. La voiture se normalise et le lien affectif entre les automobilistes et leur voiture se distend au profit d’une plus grande rationalité qui va ouvrir à des formes multiples de « consommation » d’automobile. Covoiturage, autopartage, prêt entre particuliers, location sont autant de formules que les clients explorent en fonction de leur besoin de l’instant.  Devenue moyen de transport, la voiture va être choisie de façon contextuelle grâce à une offre multiple que le web rend lisible, attractive et surtout facile à déclencher en situation de mobilité grâce au smartphone.  Mais c’est en ville que ces usages évoluent le plus vite, alors qu’en périphérie et en zone rurale les consommateurs sont très dépendants de leurs véhicules et privilégient le coût. Le covoiturage s’y développe, mais la dispersion des utilisateurs ne facilite pas une transformation rapide alors que le covoiturage est privilégié pour les transports à longue distance.
Le marché de l’automobile neuve, avec des véhicules dotés de perfectionnements technologiques et beaucoup moins polluants, est devenu un cas minoritaire par rapport aux transactions totales sur le marché des VP. Il s’est vendu en France aux particuliers en 2016 environ 1,5 millions voitures, sur un marché total de véhicules neufs qui a franchi la barre des 2 millions. Mais c’est surtout le marché de l’occasion qui a été actif, avec un grand nombre de véhicules anciens diesel, alors que le diesel tend à s’effondrer dans les ventes aux particuliers (37 % seulement).
Or 60% des voitures neuves sont payées à crédit, alors que les véhicules d’occasion sont le plus souvent réglés comptant. La part des véhicules âgés de plus de dix ans ne cesse de croître en Europe, passant de 33% en moyenne entre 2000 et 2009 à 42% en 2015.  De fait le kilométrage moyen au compteur par véhicule ne cesse de croître pour atteindre 105 000 km en 2015 contre 69 000 en 1990. Les voitures d’occasion représentent en France un marché en croissance continue, trois voitures sur quatre sont d’occasion. Les Français conservent leur voiture de plus en plus longtemps (5,5  années) et les voitures de plus de dix ans représentent un quart du marché des véhicules d’occasion. De fait, 67 % des ventes de véhicules d’occasion sont diesel. Dans un marché saturé, les consommateurs vont surtout privilégier l’utilité, et le coût, puisqu’en zone rurale et périurbaine 93% des ménages sont motorisés contre 73% en centre-ville. On voit donc s’opposer deux marchés de véhicules, un tiré par l’innovation et sensible aux potentialités de la location et l’autre par le coût d’usage et au financement plus conventionnel..


Quel est, aujourd'hui, l'intérêt pour le consommateur de préférer le leasing à l'achat? Quel est l'intérêt pour le concessionnaire, et les marques automobiles? 


Le crédit automobile classique est resté dominant jusqu’en 2015 avec 40% des achats, mais ne cessait de reculer au profit de la location qui finançait 35% des voitures neuves en 2015, essentiellement en LOA (location avec option d’achat) pour 94% des transactions. 2016 a encore vu la LOA progresser de 38% à un rythme bien supérieur à la croissance du marché (+ 5,1% en 2016) et dépasser le crédit classique. Ce basculement est un évènement dans un secteur habitué aux évolutions lentes, même si la location a depuis longtemps rencontré un grand succès sur les marchés automobiles matures, comme en Amérique du Nord. La progression de la location est continue depuis 2010 où elle ne représentait que 12,8% des transactions. Elle est fortement soutenue par les captives financières des groupes automobiles, qui vont jusqu’à supprimer tout apport initial. La bataille entre les banques classiques et les constructeurs est très intense, au profit du client.  Le succès de cette formule, qui n’est pas financièrement toujours la plus favorable pour le client, est liée au souci de réduire le risque de coût de possession du véhicule en globalisant l’achat et l’entretien. Cette simplification - qui ne laisse que l’essence et l’assurance à la charge du client - va clairement dans le sens de la banalisation de l’usage de l’automobile et supprime le seuil psychologique de l’épargne préalable. De plus le client n’a plus à se soucier de la revente de son véhicule au terme du contrat de 3 à 6 ans. Cette sécurisation est un facteur majeur de la remontée des ventes de voitures neuves. Elle conduit aussi les automobilistes à renouveler plus fréquemment leur véhicule et à rester fidèle à la marque en fin de contrat, car c’est simplement plus facile.


A long terme, l'achat traditionnel d'une voiture auprès d'une concession peut-il disparaître?


Le marché automobile en Europe a résisté à la vague des ventes sur le web, car il est protégé par le règlement européen qui permet aux constructeurs d’imposer à leurs distributeurs des contraintes . En revanche, le marché de l’occasion y est très dynamique avec des sites comme Le Boncoin et PAP. De plus, tous les achats en concession sont maintenant préparés par une longue recherche sur le web, les clients devenant très précis dans leurs attentes. Mais les formes classiques restent robustes dans un secteur qui pour l’essentiel est conservateur mais sait s’adapter à l’évolution des attentes.
Ce qui protège les concessionnaires, c’est la certitude de bénéficier d’un service reconnu par le constructeur pendant la période de garantie, et au-delà. Mais d’autres réseaux offrent également ce service.  Les ventes automobiles par les réseaux de concessionnaires ont représenté 77 milliards € en 2015. Les réseaux ne cessent de se concentrer en quelques grands groupes offrant aux clients un service de plus en plus sophistiqué et protégeant ainsi leur position à long terme. A terme, après la LOA, c’est la location longue durée (LDD) que les concessionnaires pourront proposer à leurs clients, sans option d’achat. On entre là dans une évolution du marché où la possession d’un véhicule ne sera plus qu’un souvenir, ce qui ve de pait avec la diffusion de véhicules autonomes que les indivis n’auront pas de raison d’acheter !
Acheter, ou surtout louer, sa voiture sur le web deviendra parfaitement concevable avec un public averti et rompu aux techniques de vente sur le web. Ce sera d’autant plus facile que les véhicules connectés disposent d’ores et déjà de fonctions avancées de diagnostic qui permettent un service à distance. Un constructeur comme Tesla qui n’a pas de concessionnaire modifie régulièrement les réglages de ses véhicules à distance.

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