Les élections de mi-mandat américaines qui n’intéressaient personne alors qu’elles nous impacteront directement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
Les élections américaines de mi-mandat rencontrent peu d'écho dans la sphère médiatique française.
Les élections américaines de mi-mandat rencontrent peu d'écho dans la sphère médiatique française.
©Reuters

Ça nous concerne tous

Dans deux semaines le personnel élu de la Chambre des Représentants sera renouvelé, tout comme un tiers des cent sièges du Sénat. Face à une administration Obama perçue comme impuissante, notamment sur les questions de politique extérieure, les Républicains pourraient être majoritaires.

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel

Patrick Chamorel est professeur à l'université de Stanford.

Il y enseigne les sciences politiques, à l'aulne des relations transatlantiques et des différences de systèmes politiques européens et français. Il collabore réguliérement au Wall Street Journal, Die Welt et CNN. Dans les années 90, il était conseiller politique dans plusieurs cabinets ministériels, à l'Industrie et auprès du Premier ministre.

 

Voir la bio »
Steven Ekovitch

Steven Ekovitch

Steven Ekovitch est professeur de Sciences Politiques et d'Histoire à l'Université Américaine de Paris.

Voir la bio »

Atlantico : Les élections américaines de mi-mandat rencontrent peu d'écho dans la sphère médiatique française. Pourtant, et bien que les Etats-Unis aient moins d'influence dans le monde, de nombreux sujets seront susceptibles d'influencer nos propres intérêts et problématiques. En quoi ces élections sont-elles essentielles à la mise en place de la politique interne et extérieure du pays, et de quelle manière les débats qu'elles suscitent laissent-ils présager qu'elles nous impacteront ?

Patrick Chamorel : Même aux Etats-Unis, les midterm ne sont pas très visibles dans la presse, y compris à Washington qui vit normalement au rythme de l'effervescence politique. Malgré tout la perspective d'une victoire par les Républicains capte l'attention. Les conséquences seraient importantes, mais à relativiser car la production législative est relativement faible depuis la paralysie suscitée par l'échec d'Obama à faire voter ses réformes sur l'immigration, le salaire minimum et les inégalités notamment.

Il n'y aurait donc pas de changements majeurs, mais ceux que l'issue du vote provoquerait seraient effectivement problématiques pour Obama, qui conserve son veto.

Steven Ekovich : Beaucoup de pays, y compris la France, ne suivent pas les élections de mi-mandat, parce que les élections présidentielles ont beaucoup de plus de visibilité. Après tout, le pouvoir exécutif en matière de politique extérieure se trouve dans les mains du président. Une élection de mi-mandat peut avoir une influence sur la majorité en présence dans les chambres mais vraisemblablement selon les sondages les Républicains vont renforcer leur présence dans la chambre basse. Et, toujours selon les sondages, les Républicains vont reprendre la majorité au Sénat. Si les Républicains contrôlent effectivement les deux chambres, cela leur confère un pouvoir de blocage. Cela peut effectivement changer la donne mais n'oublions pas qu'aux Etats-Unis, le président dispose d'un droit de veto constitutionnel. Il est très difficile d'outrepasser un veto du président. Pour cela, il fait une majorité qualifiée à deux tiers, ce que ne possèdent pas les Républicains.

Nous allons donc plutôt nous trouver dans une situation de paralysie. Le législatif peut tenter de faire obstacle à la politique étrangère mais les grandes lignes, tout comme les décisions ponctuelles,  sont prises à la Maison Blanche. Si Obama décide en effet d'impliquer davantage le pays en Irak et en Syrie, je crois que ce serait un peu facile avec deux chambres à majorité républicaine.

Les derniers sondages d'opinion publique, montrent que la majorité des Américains sont pour le dispositif en Irak à condition qu'il ne s'agisse pas d'un déploiement massif de troupes. La possibilité d'aider davantage l'opposition en Syrie et d'aider le gouvernement irakien, devrait être plus facilement acceptée. Mais la politique étrangère reste l'apanage de l'exécutif. Les élections ne changeront rien dans ce domaine.

Dans quelle mesure l'issue du scrutin pourrait-elle influer sur la politique extérieure américaine par exemple, et notamment sur son implication dans la coalition contre Daesh ? Existe-t-il d'autres sujets de politique extérieure qui pourraient être concernés ?

Patrick Chamorel : Effectivement, les Républicains ont été très critiques à l'égard de la "mollesse" de Barack Obama en matière de politique étrangère, de l'Isis à l'Ukraine, en passant par Gaza. Il a montré des difficultés à statuer et à prendre des décisions sur ces sujets, ce qui a été exploité à la fois par les Républicains, mais aussi par les démocrates. La politique étrangère pèsera de toute manière sur les élections, car elle a souligné sa faiblesse et son manque d'aptitude à prendre des décisions.

Le parti républicain a quant à lui proposé une coalition plus ferme contre Isis. Bien que le président conserve l'initiative principale, une victoire des républicains pourrait aboutir à une plus forte représentation de leurs idées, comme la vente d'arme aux kurdes, et un débat sur la place des Etats-Unis dans les conflits régionaux et notamment au Moyen-Orient, mais pas encore sur l'envoi de troupes au sol, qui demeure un sujet sensible. On peut imaginer aussi un retour sur les coupes budgétaires dans la défense.

Steven Ekovich : Le désengagement en matière de politique extérieure sera toujours le résultat d'une décision commune. Le Congrès n'a pas le pouvoir de décider, il finance. Et bloquer un financement est un instrument lourd et il détient très peu d'outils simples pour influer sur la politique étrangère des Etats-Unis. N'oublions pas que le président peut toujours opposer son veto.

Comment définir la position des Républicains vis-à-vis de l'Europe ?

Patrick Chamorel : Ce qui les intéresse, c'est que l'Europe soit en phase de croissance, qu'une nouvelle crise de l'euro soit évitée, ce qui les amène naturellement à ne pas adhérer à la position allemande. Même parmi les Républicains sensibles à l'équilibre budgétaire, l'austérité et la rigueur n'obtiennent que des soutiens théoriques. En réalité, ils désirent avant tout que l'Europe croisse. Idéologiquement et politiquement, ils ne pourront pas conseiller à l'Europe d'augmenter les déficits publics, bien qu'ils soient quand même favorables à une relance économique.

Steven Ekovich : Au regard de l'Europe, les Républicains et les Démocrates, partagent le sentiment que les Européens n'en font pas assez en matière de défense. En effet, ils réduisent les budgets. Les Etats-Unis estiment que le Vieux continent doit davantage s'impliquer en Irak et en Syrie afin d'épauler les Etats-Unis. En ce qui concerne le Tafta (TransAtlantic Free Trade Area), les représentants américains sont pour, c'est aux Européens que revient désormais la décision. Les Républicains y sont favorables car avoir des standards transatlantiques crée un rempart partagé et ouvre les marchés européens. Il faut surtout avoir à l'esprit le mode de fonctionnement aux Etats-Unis, basé sur des coalitions. En fonction de la question, des Républicains vont s'allier avec des démocrates et inversement. Certains Républicains sont tout aussi résistants à une certaine globalisation que certains Démocrates de gauche.

Selon les sondages, les électeurs américains sont une majorité à estimer que les Républicains sont plus aptes à redresser l'économie du pays, et ils sont d'ailleurs en avance sur les Démocrates. Qu'est-ce que cela laisse présager ?

Patrick Chamorel : Oui, il y a fondamentalement des différences entre Républicains et Démocrates en termes de politique monétaire. Les premiers ont été très critiques à l'égard de la gestion de la crise par la Fed, mais compte-tenu du fait que la création monétaire s'atténue, et comme cela va dans le sens des Républicains, ces derniers n'ont plus trop de grain à moudre.

Steven Ekovich : La Fed est indépendante, le Congrès et la Maison blanche pourront toujours essayer de mettre la pression sur les questions de politique monétaire, mais cela ne relève pas de leurs prérogatives. La Fed décide en fonction des indices économique et de sa stratégie pour doper l'économie. Encore une fois, les élections générales ne changeront pas grand-chose.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !