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Les dessous stratégiques de la réforme
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Retraites

Repousser l’âge légal de la retraite après 60 ans : une mesure qui présente plusieurs avantages politiques et électoraux pour Nicolas Sarkozy

Nicolas Colin

Nicolas Colin

Nicolas Colin est ingénieur en télécommunications, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, ancien élève de l’Ecole nationale d’administration, inspecteur des finances. Il est actuellement associé fondateur de la société d’investissement TheFamily. Il est également administrateur de la branche numérique du Groupe La Poste et commissaire à la Commission nationale de l’informatique et des libertés, où il a été nommé par le Président de l’Assemblée nationale en janvier 2014. Auteur spécialisé dans la transition numérique de l’économie, il a co-écrit, avec Henri Verdier,L’Âge de la multitude, Entreprendre et gouverner après la révolution numérique (éd. Armand Colin, mai 2012) et, avec Pierre Collin (conseiller d’Etat), un rapport d’expertise sur la fiscalité de l’économie numérique, remis au Gouvernement en janvier 2013. Il est également enseignant à l’Institut d’études politiques de Paris. 

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Nicolas Sarkozy aime le risque. Il vient de le prouver en s’attaquant à la retraite à 60 ans. Pourquoi remettre en cause un tel "acquis social", qui plus est en reniant sa promesse explicite de ne pas remettre en question l'âge légal de départ à la retraite ? Comme souvent chez Nicolas Sarkozy, la stratégie et la tactique comptent autant que l'opportunité économique et financière.

Mettre bas l'institution de la retraite à 60 ans représente un coût politique auprès des nombreux Français qui y sont sincèrement attachés. Mais cela présente aussi trois avantages indéniables.

Focaliser l’attention

D’abord, à elle seule, la mesure focalise l'attention et détourne les regards d’un enjeu autrement important, le pouvoir d'achat des générations nées après 1970 lorsqu’elles parviendront à l’âge de la retraite. Au lieu de porter sur l’ensemble de la réforme et sur ses implications de long terme, le débat s’est focalisé ces derniers mois sur la question largement symbolique de la fin de la retraite à 60 ans. Or l’âge légal de départ n'est qu'un élément parmi d’autres dans l'organisation et le fonctionnement du système dans son ensemble. C'est une institution, mais pas le paramètre ou l’indicateur le plus important.

Faire passer le PS pour un parti d’incapables

Ensuite, si la réforme de 2010 est adoptée malgré son impopularité, c'est bien la preuve de l'incapacité du Parti socialiste à s'opposer efficacement. Or comment porter au pouvoir un parti d’opposition qui n'a pas su contrer une mesure réputée politiquement suicidaire ? Projeter une image d’impuissance est un handicap considérable pour qui prétend exercer demain le pouvoir. Nicolas Sarkozy l’a bien compris et se plaît à embarrasser la gauche en la forçant, par ses efforts vains, à se discréditer aux yeux des électeurs.

Supprimer l’un des atouts électoraux de la Gauche

Enfin, si la retraite à 60 ans disparaît, le Parti socialiste sera privé de l'un de ses plus puissants systèmes de défense électorale. Jusqu'à 2010, quiconque voulait défendre la retraite à 60 ans votait pour la gauche. Voter à droite n'était envisageable qu'en présence d'un candidat promettant, comme Nicolas Sarkozy en 2007, de ne pas la remettre en cause. Mais si l'institution disparaît, le cliquet cesse de faire son effet : il n'y a plus rien à défendre et donc plus cette raison particulière de voter pour le Parti socialiste. Bien sûr, la gauche promet déjà de rétablir la retraite à 60 ans lorsqu’elle reviendra au pouvoir. Mais ce sont là deux stratégies différentes : c'est facile de rallier des électeurs pour défendre une institution en danger; ça l'est beaucoup moins de les intéresser à la promesse vague et peu crédible de rétablir ce qui n'est déjà plus qu’un lointain souvenir.

En faisant disparaître la retraite à 60 ans, Nicolas Sarkozy empêche donc la gauche de vouer un culte à son passé glorieux. Avant, la gauche pouvait dire : «Nous sommes la retraite à 60 ans, cette institution qu'il faut défendre contre la droite». Demain, tout à leur deuil de cette institution du passé, les Français iront jusqu’à tenir la gauche pour co-responsable de sa disparition et, à l’inverse, récompenseront la prise de risque de Nicolas Sarkozy.

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