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Une vue des inondations dans l'Aude.
Une vue des inondations dans l'Aude.
©SYLVAIN THOMAS / AFP

Adaptation face aux dangers climatiques

Le coût économique des inondations, des tempêtes et des incendies de forêt s'est accéléré depuis 1970, selon un rapport de l'Organisation météorologique mondiale (WMO). Mais de meilleurs systèmes d'alerte et de gestion des catastrophes dans les pays en développement ont permis de limiter le nombre de victimes.

Cyrille Honoré

Cyrille Honoré

Cyrille Honoré est directeur de la branche réduction des risques de catastrophe et des services publics à l'Organisation météorologique mondiale (WMO).

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Atlantico : Vous avez publié l’étude Economic costs of weather-related disasters soars but early warnings save lives. Quels sont les principaux enseignements de cette dernière ?

Cyrille Honoré : Le principal point important pour nous est qu'au fil des années et des décennies écoulées, nous constatons que les pays qui mettent en place des systèmes d'alerte précoce obtiennent des résultats notables en termes de réduction de la mortalité. Les alertes publiques visent à permettre aux gens d'adopter un comportement sécuritaire et d'éviter des actions qui pourraient les mettre en danger. Cela fonctionne plutôt bien. L'idée est de changer de paradigme en passant d'une approche réactive à une approche préventive, afin de minimiser les coûts de reconstruction et de réponse immédiate en cas de catastrophe. Si nous intervenons de manière préventive, à l'échelle d'un pays, d'une région ou d'une communauté, en prenant des mesures préventives, nous aurons beaucoup moins de travail à faire en termes de reconstruction, et surtout, nous pourrons sauver des vies humaines.

Les phénomènes extrêmes ont causé 11 778 catastrophes entre 1970 et 2021, avec un peu plus de 2 millions de morts et 4,3 trillions de dollars de pertes économiques. Les décès enregistrés pour 2020 et 2021 (22 608 décès au total) indiquent une nouvelle baisse de la mortalité par rapport à la moyenne annuelle de la décennie précédente. Tout cela grâce aux systèmes d’alerte ?

Il y a en fait deux aspects à considérer lors de la mise en place d'un système d'alerte précoce digne de ce nom. Tout d'abord, il est crucial que les populations et les autorités locales adhèrent à cette réponse anticipée face aux avertissements, ce qui permet de limiter les risques. Au fil du temps, et même si les événements se multiplient, l'action préventive devient de plus en plus efficace, car les gens comprennent de mieux en mieux les avantages et deviennent plus familiers avec ce type de procédure. Cela soulève la question des endroits où l'on observe des phénomènes inhabituels. Par conséquent, il est nécessaire d'investir dans la sensibilisation aux risques et d'autres mesures similaires, mais dans l'ensemble, on constate un impact positif, ce qui est encourageant étant donné la multiplication des événements.

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Cependant, il est important de noter qu'il n'y a pas seulement des extrêmes dans la vie. Malheureusement, il y a des événements d'une intensité climatologiquement non remarquable mais tout de même sévères, causant des dégâts et pouvant entraîner des décès. Il est donc essentiel d'adopter des réponses et des anticipations habituelles face à ces situations.

Par ailleurs, il convient de souligner que l'impact économique s'accroît au fil des décennies, ce qui s'explique en partie par l'augmentation significative de la richesse globale. Lorsque l'on constate la proportion des pertes attribuées aux pays les plus riches, il devient évident pourquoi cela se produit. Malheureusement, bien que certaines mesures simples permettent aux individus de se mettre en sécurité, la situation devient beaucoup plus complexe lorsqu'il s'agit d'infrastructures et de moyens de subsistance, car cela nécessite des actions plus structurelles qui prennent du temps.

Cependant, il existe des initiatives permettant aux individus de renforcer leurs habitations de manière relativement simple afin de les protéger contre les éléments, comme éviter qu'elles soient emportées par les vents d'un cyclone, par exemple. Des ONG aident, dans certains pays, les gens à renforcer un petit peu la structure de leurs habitations de fortune.

Comment expliquer que le nombre de victimes diminue alors même que les dégâts matériels augmentent et que le nombre d’évènements est lui aussi en augmentation ?

Au cours des 50 dernières années, nous avons développé des moyens de communication et de partage de l'information qui nous permettent de toucher davantage de personnes. Ainsi, la proportion de la population potentiellement impactée par un événement dangereux et informée de celui-ci augmente. Cependant, il reste encore beaucoup de progrès à faire, en particulier dans les communautés rurales côtières isolées. Il n'est pas toujours facile d'atteindre les gens dans de telles régions.

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Nous avons connu quelques cas intéressants, y compris en France, il y a quelques années, lors d'événements intenses dans l'Aude, si je me souviens bien. Par exemple, un habitant d'un petit village de l'Aude a reçu un message d'avertissement de Météo France et a fait le tour de ses voisins, principalement des personnes âgées qui n'étaient pas forcément connectées à leur smartphone, pour les informer de la situation. Ainsi, il existe des mécanismes de relais de l'information qui ne dépendent pas entièrement des technologies de communication et d'Internet, mais il est essentiel de renforcer ces mécanismes partout.

Dans l'ensemble, les gens sont de mieux en mieux informés de manière proportionnelle, notamment grâce aux systèmes d'alerte en place, ce qui leur permet de mieux se protéger. Cependant, ils ne peuvent pas toujours protéger leurs moyens de subsistance, leurs habitations, leurs troupeaux ou leurs entreprises. Il y a donc de nombreux enjeux à prendre en compte dans ce domaine.

Faut-il estimer que le développement à la fois économique et technologique permet de protéger des vies humaines ?

Oui et non, le développement tel qu'il s'est déroulé ces dernières années a conduit à un repositionnement de la population. Ainsi, dans les grandes agglomérations, on peut se retrouver avec des situations où les populations sont finalement assez fragiles, installées de manière peu sûre dans des ensembles urbains denses. De plus, l'urbanisation elle-même peut être un facteur de risque, notamment en termes d'imperméabilité des sols qui favorisent les crues et autres phénomènes similaires. Par conséquent, le développement n'est pas automatiquement synonyme de réduction des risques, à moins d'adopter une approche durable et résiliente face aux impacts naturels, qui sont en partie liés au changement climatique.

En effet, le changement climatique amplifie ce genre de problématiques, et c'est là toute l'importance d'un développement soutenable.

Quelles sont malgré tout les régions les plus touchées par la mortalité ?

Il y a plusieurs endroits où les choses sont très compliquées. En Afrique, de manière générale, on fait face à une combinaison d'événements naturels potentiellement catastrophiques qui ne sont pas uniquement liés aux conditions météorologiques, mais également au climat. Cela se manifeste par des saisons trop sèches et des problèmes de sécurité alimentaire. Les petits États insulaires des Caraïbes sont également très vulnérables, surtout avec l'amplification du réchauffement climatique, qui accentue les événements ayant une composante océanique. Les variations du niveau de la mer, même minimes en millimètres ou centimètres, ont un impact sur ces événements, entraînant des inondations côtières, par exemple.

Les petits États insulaires ne sont pas les seuls concernés. Il existe également des hotspots bien connus, tels que la ceinture de feu dans le Pacifique, où la présence de volcans complexifie davantage la situation. En somme, il existe plusieurs endroits compliqués à gérer en raison de ces facteurs.

Cela veut-il dire que nos efforts devraient être consacrés à une plus grande résilience des territoires ? Une meilleure adaptation aux dangers climatiques ?

La leçon, c’est celle qu’a donnée récemment le secrétaire général des Nations unies. Il a souligné l'importance de mettre en place des systèmes d'alerte précoce pour protéger tout individu sur Terre : on a des capacités de prévision mais qui ne sont pas mises en œuvre au profit de tous, et il faut qu’elles le soi. Il est nécessaire que chacun prenne des initiatives en ce sens. En 2019, la Commission globale pour l'adaptation a révélé que chaque dollar investi dans les systèmes d'alerte précoce pourrait générer un retour sur investissement d'un ordre de grandeur de 10. Cela confirme l'importance des investissements préventifs pour éviter autant que possible les dégâts, la nécessité de reconstruire et de réhabiliter après les catastrophes.

L'adaptation au changement climatique est désormais essentielle, et il est crucial de prendre des mesures dès maintenant. Nous ne pouvons pas attendre jusqu'en 2050 pour nous adapter. L'adaptation présente plusieurs enjeux majeurs. Par exemple, il est primordial d'éviter que dans de petits États insulaires, tels que ceux du Pacifique, le passage d'un cyclone tropical ne cause des dévastations qui dépassent largement le produit national brut du pays. Ces événements uniques peuvent anéantir tous les efforts de développement réalisés, replongeant le pays dans une situation qui remonte parfois de plusieurs années en arrière. Dans de telles conditions, le développement ne peut pas être durable.

Et peut-être une dernière question, un peu plus politique, entre guillemets, est-ce que vous avez le sentiment que ce constat est suffisamment partagé ?

Oui, je suis plutôt optimiste à ce sujet. La prise de conscience a progressé considérablement au cours des dernières années, et cette initiative en est un exemple concret. Alerte pour tous est une initiative mondiale, où l'Organisation météorologique mondiale (OMM) joue un rôle de leader en collaboration avec d'autres agences des Nations unies et la Fédération Internationale de la Croix-Rouge. Ensemble, nous travaillons à combler les lacunes existantes, car environ 45 à 50% des États membres de l'OMM ou des Nations unies ne disposent pas de systèmes d'alerte adéquats pour leur pays.

Il est essentiel d'avancer collectivement. Dans de nombreux pays, les services météorologiques et les agences hydrologiques sont de petites structures disposant de ressources limitées et peu reconnues pour leur travail. En collaborant avec le Bureau des Incendies pour la réduction des catastrophes et l'Union internationale des télécommunications, nous pouvons ouvrir des portes que nous ne pourrions pas ouvrir seuls du point de vue de la Communauté hydrométéorologique. Cela facilite la dissémination des alertes en adoptant des approches réglementaires sur les télécommunications, comme cela a été fait en Europe avec l'implémentation du système de diffusion sur les réseaux mobiles. Il existe donc de nombreuses actions que nous pouvons entreprendre collectivement, qui seraient extrêmement difficiles à réaliser individuellement. C'est pourquoi nous restons résolument optimistes quant à notre capacité à améliorer la situation.

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