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Les capitaux y font leur grand retour mais l’Europe du sud est-elle sortie d’affaire ?
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Méditerranée aux îles d'or ensoleillées

Les capitaux reviennent en Espagne, en Grèce, au Portugal et en Italie. Cela signe-t-il la fin de la crise de la zone euro ?

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Atlantico : Selon les chiffres publiés par le journal britannique Financial Times, l'Espagne, la Grèce, le Portugal et l'Italie ont totalisé près de 93 milliards d’euros d’investissements nets durant les quatre derniers mois de 2012, selon des informations publiées par ING, alors que 406 milliards d’euros ont quitté ces pays les huit premiers mois de cette même année 2012, soit près de 20% de leur PIB cumulé, d’après des chiffres publiés. Les pays du Club Med, comme on les appelle, ont-ils réussi à faire revenir la confiance des investisseurs ?

Paul Goldschmidt : Il faut voir exactement ce que recouvrent ces chiffres, mais ils démontrent une bonne nouvelle : il y a un retour de dépôts dans les banques. Ces derniers avaient fui ces quatre pays dans les mois qui précédaient, et cette fuite a été inversée. Plutôt que de parler d'investissement, (qui incluent une perspective à long terme), il faut parler de rapatriement de liquidités placées à l'étranger, au moment où la crise était à son comble. A ce moment-là, les gens voulaient diversifier leurs risques car ils avaient peur d'une implosion de l'euro.

Il est donc important de souligner qu'il faut prendre le mot "investissement" avec des pincettes. Il ne fait aucun doute que les marchés sont aujourd'hui calmés, notamment par les interventions musclées de la BCE, mais aussi par les décisions prises lors du Sommet européen en juin dernier. Il y a eu une prise de conscience des politiciens de la zone euro de la nécessité de faire des réformes profondes et, cela a abouti à l'annonce de la mise en place de l'union bancaire.

Depuis lors, deux choses se sont passées : il y a eu une accalmie, suite aux effets d'annonce de la Banque centrale européenne, ainsi qu'une reprise économique notamment aux Etats Unis, où  beaucoup de facteurs sont venus calmer le jeu. Cependant, tout cela a un effet négatif puisqu'une fois de plus les Européens voyant les choses se calmer semblent ne plus se presser du tout pour mettre en œuvre les décisions dont ils avaient parlé au mois de juin dernier.

Maintenant il s'agit de mettre en œuvre l'union bancaire, ce qui apparaît comme beaucoup plus compliqué que prévu. Or, cette union prévoit trois piliers. La centralisation au niveau de la zone euro de la supervision confiée à la BCE. Au niveau de la mutualisation des garanties des dépôts entre pays de la zone euro,  on en est absolument nulle part.  En matière d'eurobonds ou en matière de garantie des dépôts, la position de l'Allemagne est : chacun pour soi tant que nous n'aurons pas des transferts de souveraineté importante, ainsi qu'une discipline collective mise en place. A l'inverse, La France est absolument opposée à ce transfert de souveraineté. On en est donc au stade des belles paroles.

On avait déjà une ébauche de l'établissement d'un régime de liquidation pour banques en difficulté, mais aucun accord n'a été trouvé sur les modalités, et les progrès sont lents.

L'union bancaire est un point essentiel pour assurer la pérennité de la zone euro. Le volet supervision qui était censé être le plus facile ne sera effectif qu'au printemps 2014 au plus tôt. Entre temps, il pourrait y avoir toutes sortes de problèmes. De plus, il y a certaines contradictions : certains pays ont déjà fait valoir qu'ils étaient contre certains aspects. Enfin, il n'y a aucun accord sur la structure même du projet et ce qu'il va recouvrir.

Le système bancaire espagnol a été tenu pour grand responsable de l'instabilité économique du pays tandis que l'on s'est inquiété de la dette trop élevée de la Grèce, du Portugal et de l'Italie. Quels sont les efforts qu'il reste à faire ?

Il y a un risque très grand, mais qui n'est pas nécessairement lié aux efforts à faire au niveau de la population des pays du club Med. A un moment donné l'accumulation des mesures d'austérité a un effet pervers et contribue en fait à créer une spirale négative qui ne fait que s'emballer dans la mauvaise direction .

Il y a un consensus assez large pour ne pas aggraver les mesures d'austérité pour autant que celles qui ont déjà été prises s'avèrent efficaces. Là vient la question : où réside le plus grand risque ? L'équilibre fragile des pays du Club Med ne pourra résister très longtemps à une hausse des taux. Il suffit de voir ce qui s'est passé le mois dernier. Les taux d'emprunt à dix ans pour l'Allemagne sont passés de 1,40% à 2%.  

Cela se répercute évidemment le long de la chaîne. Les taux espagnols et italiens ont cessé de baisser, les spreads se sont réduits. Mais si les taux continuent de monter, la capacité de ces pays à faire face à un coût de financement de leur dette est très limitée. On est aujourd'hui loin des 7% que l'Espagne a connu au pire de la crise de l'été dernier. Maintenant on est à peu près au-dessus de 5. Mais il ne faudrait pas beaucoup pour que de nouveau on entre en zone rouge.

La crise de l'euro prendra-t-elle fin lorsque la confiance des investisseurs sera revenue ?

Il faut se demander : qu'est ce qu'un taux raisonnable ? Cela dépend de la conjoncture. Il est tout a fait évident que la BCE, la Fed ou la banque d'Angleterre sont confrontées à un moment donné à des anticipations d''inflation, et elles vont devoir remonter les taux. Pour le moment, elles ne l'ont pas fait, mais les taux à long terme indiquent déjà une tendance à la hausse. L'excédent de liquidité fourni par les banques centrales qui avait inondé les marchés n'est pas dangereux en soi, tant que ces liquidités sont largement recyclées auprès des banques centrales elles mêmes.

Lorsque la conjoncture s'améliorera, ce que tout le monde demande car c'est cela qui crée in fine de l'emploi et transforme la spirale négative en spirale positive, les banques centrales vont être obligées d'augmenter les taux  car si elles ne le font pas, l'inflation va exploser. Et c'est là que les pays du club Med sont vulnérables.

Début 2000, la plupart des budgets des pays de la zone euro étaient en équilibre. Dans le pacte de stabilité, il était prévu qu'on irait plus loin pour se créer des coussins de sécurité. Cependant, on s'est arrêté trop tôt, et au final tout le monde a dépassé les 3% de déficit prévus par le pacte de stabilité. La Commission s'est plainte que l'ensemble des pays n'ont pas des budgets en équilibre.

Il va se passer la même chose lorsque les taux vont repartir à la hausse pour les pays comme l'Italie, l'Espagne, la Grèce, la Belgique ou même la France qui ont des montants d'endettement très considérables. Cette hausse sera sera inéluctable dès que la reprise sera avérée.

Ceux qui étaient rentrés dans les clous, comme les pays du club Med, sont restés trop près de la barrière et vont se retrouver très vite au-delà de cette dernière. Ces pays ne sont absolument pas sortis de l'auberge. Cependant, si cette situation ne se reproduit pas, cela signifiera qu'il n'y a pas de reprise. Et sans reprise, le chômage ne va pas diminuer et le risque de troubles sociaux augmente. On est dans une situation extrêmement vulnérable, quelque soit le scénario. Ceux qui disent qu'on est sortis de l'auberge ont tort.

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