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Les affaires courantes, et le reste… Les deux scénarios très noirs qui pèsent sur la fin du quinquennat Hollande
©Reuters

François renonce, le reste du monde continue de tourner

Alors que les cinq prochains mois du gouvernement seront forcément marqués par les échéances électorales à venir en 2017, la menace terroriste et le risque de crise financière au sein de la zone euro pourraient bien plomber la fin du quinquennat de François Hollande.

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot

Rémi Bourgeot est économiste et chercheur associé à l’IRIS. Il se consacre aux défis du développement technologique, de la stratégie commerciale et de l’équilibre monétaire de l’Europe en particulier.

Il a poursuivi une carrière d’économiste de marché dans le secteur financier et d’expert économique sur l’Europe et les marchés émergents pour divers think tanks. Il a travaillé sur un éventail de secteurs industriels, notamment l’électronique, l’énergie, l’aérospatiale et la santé ainsi que sur la stratégie technologique des grandes puissances dans ces domaines.

Il est ingénieur de l’Institut supérieur de l’aéronautique et de l’espace (ISAE-Supaéro), diplômé d’un master de l’Ecole d’économie de Toulouse, et docteur de l’Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS).

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Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Alors que l'agenda politique des cinq derniers mois du quinquennat de François Hollande sera inévitablement tourné vers l'élection présidentielle à venir, l'hypothèse de voir une ou plusieurs attaques terroristes se dérouler sur notre territoire est-elle crédible selon vous ? Comment cela pourrait-il arriver ?

Alain Rodier : J’espère de tout cœur me tromper mais je pense que des actions terroristes sont non seulement possibles mais inévitables dans les prochains mois, si ce n’est dans les semaines à venir. Tous les éléments d’alerte sont au rouge : menaces réitérées et très claires (dont beaucoup en français) sur les réseaux sociaux, déclarations de haine de notre société par des résident(e)s, désir de venger les combattants qui sont actuellement en difficulté sur le front syro-irakien et en Libye, etc. A noter que nous ne sommes pas les seuls menacés, loin de là, car tous ceux qui participent à la coalition anti-Daech sont considérés comme des cibles potentielles (1).

Les actions peuvent provenir de deux sources :

  • des commandos infiltrés - Europol parle de plusieurs "douzaines" en Europe - qui sont capables de lancer des opérations en cascade sur différents lieux ; leur pouvoir létal est extrêmement important car ils sont entraînés et sans doute bien armés généralement avec la complicité d’organisations criminelles qui leur auraient fourni la logistique nécessaire ;

  • des résidents qui, répondant aux différents appels au meurtre lancés sur les réseaux sociaux se décident à passer à l’action. Le problème pour les services de renseignement se situe à ce niveau : qu’est-ce qui fait basculer un suspect (il y en a beaucoup) dans l’action ?

Pour leur part, les migrants peuvent servir à deux choses pour les terroristes :

  • des filières pour pénétrer en Europe en se mélangeant aux vrais réfugiés ;

  • des viviers où des recruteurs peuvent venir faire leur "marché" pour créer de futurs réseaux ou trouver des activistes à bon compte. En effet, les "déçus de l'exil" étant très nombreux.

(1) Même si les chiites, en particulier les Iraniens et les Russes, sont aussi souvent cités comme cibles prioritaires.

Pour en savoir plus à ce sujet, lire aussi : Alerte aux actions terroristes imminentes en Europe : où et comment auront-elles lieu ?

Quelles seraient les conséquences d'un tel scénario pour la France et le gouvernement en particulier ?

Alain Rodier : Je pense que, comme lors des évènements tragiques de l'année dernière, passé un effet de sidération, les Français connaîtraient une phase d’union nationale sachant que personne ne peut apporter "LA" solution tout simplement parce qu’elle n’existe pas. 

La France serait plongée dans le dernier stade du plan Vigipirate (qui en comporte trois) : "Urgence attentat". L’état de vigilance maximal serait déclenché sur tout ou partie du territoire national. Cela devrait, dans la théorie, être assez court mais la population en ressentirait les effets avec des blocages de certains moyens de transports (trains, métros, bus), des pénuries possibles (carburant) et des mesures contraignantes telles des interdictions de manifestations publiques ou même de pénétrer dans certaines zones jugées sensibles.

Nos amis allemands conseillent aux ménages d’avoir trois jours de vivres et d’eau pour "le cas où" il y aurait une catastrophe naturelle ou des actions terroristes d’envergure. Sans entrer dans une phase de paranoïa exacerbée (car il faut avant tout garder un maximum de calme), il s’agit de prendre de simples mesures de bon sens qui sont déjà souvent appliquées dans nos campagnes ; alors pourquoi pas en zones urbaines ? Les citoyens sont naturellement en droit d’attendre que l’Etat fasse tout pour leur venir en aide en cas de catastrophe majeure mais il est aisé de comprendre qu’il ait besoin d’un "certain temps" face à des évènements d’ampleur très importante. Chacun devrait apprendre à adopter les bonnes réactions pour ne pas ajouter à la pagaille (par exemple se précipiter au dernier moment sur les stations service ou dans les supermarchés). Dans l’armée, les véhicules sont toujours garés les pleins faits. Pourquoi ne pas faire la même chose dans le civil ? La solidarité de voisinage devrait aussi être mise en œuvre. Là aussi, elle existe globalement dans nos campagnes mais que dire des zones peri-urbaines et urbaines ?

Pour résumer, chacun doit se sentir "responsable" et ce n’est pas un gros mot et ne pas attendre la bouche ouverte que l’Etat vienne lui donner immédiatement la béquée.

Par ailleurs, la démission de Matteo Renzi en Italie suite à son échec lors du référendum de ce dimanche a remis sous le feu des projecteurs le risque de crise financière au sein de la zone euro. Une telle crise est-elle possible selon vous ? Comment pourrait-elle se déclencher ?

Rémi Bourgeot : Avec 360 mds d’euros de prêts douteux à son actif, le secteur bancaire italien inquiète à juste titre. En même temps, un certain nombre de banques d’autres pays, comme la Deutsche Bank, sont aussi en grande difficulté et seraient affectées par une crise systémique en Italie.

Alors que les créances des banques italiennes ne peuvent que se détériorer davantage tant que l’économie ne rebondit pas réellement, l’Italie est confrontée à la nécessité de recapitaliser les institutions au bord du gouffre, comme Monte dei Paschi di Sienna (à hauteur désirée de 5 mds d’euros pour l’heure). Les nouvelles règles européennes de l’union bancaire obligent à mettre à contribution les créanciers de la banque (souvent de simples épargnants auprès de qui on a fait passer de la dette bancaire pour des dépôts) avant toute intervention publique. Un compromis entre l’Italie et l’UE consistait à attirer des investisseurs extérieurs, notamment le Qatar, et tenter de limiter les dégâts pour les créanciers.

Sans gouvernement présent dans la durée, un tel projet vole en éclat aux yeux de la plupart des actionnaires potentiels. La perspective de recapitalisations en douceur s’évapore pour MPS et s’éloigne pour l’ensemble des banques italiennes. On en revient à l’alternative d’une injection d’argent public et d’une application stricte des règles de l’union bancaire. Dans le contexte de faiblesse actuelle, la généralisation de ce mécanisme entraînerait une vague de pertes financières et de tension qui se propagerait à travers le secteur bancaire européen et, union bancaire ou pas, aux Etats. L’équation politique étant particulièrement complexe, les marchés patientent pour l’heure tout en espérant que Mario Draghi les maintiendra sous perfusion, avec l’accord de Berlin.

Quelles seraient les conséquences d'une telle crise pour la France ?

Rémi Bourgeot : La France ne serait naturellement pas épargnée. Elle est largement exposée économiquement et financièrement à l’Italie. De plus, bien que la structure du secteur bancaire français, très concentré, diffère de celle du secteur bancaire italien, le problème de la rentabilité se pose comme partout en Europe avec l’héritage de la crise, l’absence de rebond économique véritable et les effets pervers des taux négatifs. Une crise financière viendrait défaire le processus de normalisation progressive des volumes de crédit et affecterait la timide amélioration économique qui a été encouragée par la dépréciation de l’euro.

Face à un emballement de la crise bancaire italienne, on évoquerait à nouveau les fonds européens. Néanmoins, on se retrouverait dans une situation avec des gouvernements fantômes en Italie et en France face à un gouvernement allemand en pleine campagne électorale rigoriste. Un cocktail pour le moins toxique qui montrerait, de façon encore plus crue que dans le passé, l’absence de gestion de la zone.  La BCE aura beau tenter d’éteindre une nouvelle fois l’incendie sous un déluge de liquidités, les failles du dispositif politique en seront d’autant plus visibles, mettant de nouveau en doute la viabilité de la monnaie unique.

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