Les additifs dans le rosé présentent-ils un risque pour la santé ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Les vins rosés et blancs sont les vins qui nécessitent le plus d'additifs.
Les vins rosés et blancs sont les vins qui nécessitent le plus d'additifs.
©Reuters

L'ivresse des sulfites

Les Français consomment 36% de la production mondiale de rosé. Pourtant, c'est avec le vin blanc la catégorie d'alcool nécessitant le plus d'additifs conservateur. Et selon un rapport de l'Anses, à fortes doses ils seraient très néfastes pour la santé.

Fabrizio Bucella

Fabrizio Bucella chronique la science et le vin. Docteur en physique et professeur des universités à l'université libre de Bruxelles, il tient une chronique pour Le Point "Le prof en liberté". Chaque semaine, on le retrouve dans le poste de radio et télévision belge de service public (RTBF). Sur les réseaux sociaux, il publie quotidiennement une vidéo ludique sur le vin et la science. Ses comptes sont suivis par plus de 200 000 abonnés.

Voir la bio »

Atlantico : Les vins rosés et blancs sont les vins qui nécessitent le plus d'additifs. On y trouve par exemple de grandes quantités de sulfites, ainsi que des intrants. En quoi ces derniers peuvent-ils être nocifs pour la santé ?

Fabrizio Bucella : Les vins blancs et rosés possèdent peu de tannins, voire presque pas du tout en comparaison des vins rouges (on compte environ 50 fois plus de tannins dans les vins rouges que dans les vins blancs). Les vins blancs sont donc particulièrement sensibles à l’oxydation car les tannins du vin rouge le protègent naturellement contre celle-ci. Le SO2 est un intrant technologique qui possède notamment des propriétés antioxydantes et antiseptiques. La réglementation européenne prévoit que la quantité de SO2 total autorisée exprimée en mg/litre de vin est d’un tiers supérieure pour les vins blancs et rosés que pour les vins rouges secs (soit 200 mg/l pour les blancs et rosés et 150 mg/l pour les rouges). On peut également utiliser quelques intrants alternatifs en combinaison avec le dioxyde de soufre comme de la vitamine B1 ou C ou du lysozyme, une enzyme extraite du blanc d’œuf, afin de limiter l’utilisation de SO2.

La réglementation européenne oblige effectivement que l’ajout de sulfites soit signalé au consommateur, lorsqu’elle est présente à hauteur de 10mg. Pourquoi ne pas demander à ce que ce soit le taux qui apparaisse, afin que le consommateur sache s’il y en a 10, ou 400mg ?

On pourrait penser que le débat est de nature technique, qu’il n’est pas tout à fait évident de connaître le taux de SO2 total (libre et combiné) qui se situe dans la bouteille de vin mais ce n’est pas vraiment exact. En réalité, l’objectif de réglementation européenne est de prévenir la population vis-à-vis de substances considérées comme allergènes. Le législateur a souhaité éviter que des personnes qui présentent des intolérances à ces intrants, notamment par le développement d’affection respiratoires ou cutanées, n’entrent en contact avec le produit. Des études épidémiologiques ont donc été réalisées afin d’établir les seuils minimaux et maximaux. Il est apparu qu’une personne qui présentait des allergies pouvait les présenter à partir du seuil minimal (10 mg/litre) et que donc le fait de savoir s’il y en avait 10, 100 ou 150 importait peu. Concernant le seuil maximal, il est apparu que le dépasser pouvait provoquer des inconforts pour une partie non-négligeable de la population. Ceci étant, le sens de l’histoire et de la réglementation européenne relative aux aliments est de donner de plus en plus d’informations au consommateur, surtout si celles-ci sont connues par le producteur. On pourrait donc envisager la mesure que vous proposez, à savoir celle d’un étiquetage en teneur nominale ou en classe (entre 10 et 50, entre 50 et 100, etc. …).

Certaines études révèlent que les sulfites seraient la cause de maux de tête, ainsi que de nombreux désagréments ressemblant aux symptômes allergiques. Selon un rapport de l'Anses, près d'un million de français dépasserait les seuils de consommation de sulfites à cause du vin (voir ici). Existerait-il un laxisme de la part des gouvernants quant à la toxicité des sulfites ?

Ce que le rapport évoqué énonce explicitement est la constation suivante : " Cependant, une faible proportion des adultes (3 %) dépasse la DJA des sulfites, principalement en raison de la consommation de vin (environ 70 % des apports de sulfites) et de certaines boissons alcoolisées. " Nous sommes donc loin d’une mise en garde pour l’ensemble de la population. Le rapport préconise plus loin la mesure à prendre concernant les sulfites: " Nécessité de diminuer les usages des sulfites et pour les forts consommateurs, réduire  la consommation de vin et de certaines boissons alcoolisées. " Un rapport n’est pas l’Evangile bien entendu, mais nier qu’il serait sans-doute utile d’encore diminuer l’utilisation des sulfites ne serait pas vraiment honnête car, à la base, si on les utilise ce n’est pas parce que notre organisme les réclame. C’est également le sens des démarches des vignerons bios par exemple dont le règlement les force à utiliser 50 mg de moins de sulfites par rapport à la quantité autorisée pour la même catégorie de vin sec.

Quelles sont les vins à privilégier si l'on souhaite diminuer sa consommation d'additifs conservateurs ?

Un ami qui a montré récemment une intolérance aux sulfites (attention personne n’est à l’abri et les désagréments peuvent apparaître à tout âge) est maintenant obligé de consommer des vins sans dioxyde de soufre ajouté (la mention "sans sulfites ajoutés" est utilisée car certaines levures produisent naturellement des sulfites lors de la fermentation). Le choix n’est pas très large et si on aime le bon vin, on sera un peu déçu, forcément, non pas que ces vins soient mauvais, mais vous ne trouverez pas aujourd’hui de grands crus produits de cette manière. Le plus simple pour les personnes qui souhaitent être plus attentives est de se tourner vers les vignerons bios ou en biodynamie, ou encore vers toute la gamme des vins dits naturels. Ces vins, même s’ils contiennent des sulfites ajoutés, en contiennent bien moins que les vins traditionnels.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !