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Le renouveau (mais pas) pour tous : LREM face à la même difficulté que les "vieux partis" à intégrer les catégories populaires dans la vie politique
©Reuters

Plouf

Le déficit de représentation des catégories populaires, caractéristique de notre Assemblée nationale depuis plusieurs dizaines d'années, se traduit, d'une certaine manière, par une moindre connaissance de leurs difficultés.

Olivier Rozenberg

Olivier Rozenberg

Olivier Rozenberg est chargé de recherche au Centre d’études européennes (CEE) de Sciences Po, spécialisé dans l'étude des parlements en Europe.

 

 

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Atlantico : Comme l'indiquait Libération le 11 mai dernier sur la base des documents issus du #MacronLeaks, les donations au mouvement En Marche ! sont principalement issues des start-ups et autres réseaux bancaires. De plus, l'émission "C Politique" du 15 mai indiquait que les investitures En Marche ! voyaient une représentation forte de chefs d'entreprises (26%), de cadres issus du privé (17%), de personnes exerçant une carrière médicale (10%) ou juridique (15%). Outre les députés, et en se concentrant plus précisément sur l'entourage d'Emmanuel Macron, quelle est la capacité d'une sociologie aussi "homogène" de pouvoir "dépasser" le cadre de pensée de cette même sociologie ?

Olivier RozenbergCe qui est frappant, c'est que la sociologie des candidats d'En marche ! est assez proche de la composition de notre Assemblée nationale depuis plusieurs dizaines d'années. Ainsi, le profil des candidats du mouvement du nouveau président est assez similaire à celui que l'on retrouve dans les grands partis dits de gouvernement. De ce point de vue-là, il n'y a pas de renouvellement sociologique.

Dans l'Assemblée sortante, nous avons un élu ouvrier sur 577, alors que les ouvriers représentent entre 1/5 et 1/4 de la population française. Mais de ce point de vue-là, la France n'est pas exceptionnelle. Dans les autres démocraties européennes, on remarque cette difficulté à faire entrer en politique des personnes issues des catégories populaires.

Avec En Marche !, ce qui pourrait constituer la nouveauté, c'est le fait que le mouvement puisse faire entrer en politique des novices. Il va donc y avoir un renouvellement, de ce point de vue, sans précédent. Mais ce renouvellement ne se fera que dans le rapport à la politique, à la société, mais pas sur la représentation de catégories populaires. 

La France est marquée par une forte présence de fonctionnaires au Parlement. Ceci pourrait changer, bien que nous ne disposions pas du chiffre exact relatif aux candidats La République en marche qui seraient fonctionnaires. Toutefois, je sens qu'il y en aura moins que d'habitude. Nous pourrions ainsi nous rapprocher de la moyenne européenne, aux alentours d'1/3. 

D'un point de vue historique, notamment dans le cas du "grand renouvellement" de 1981, ou en faisant référence à d'autres épisodes contemporains, que peut-on dire de la capacité des élus à sortir du cadre de leur propre sociologie ? 

En France, le scrutin est majoritaire, ce qui pousse à un enracinement local des parlementaires. On touche à un paradoxe qui est, en général, celui de la démocratie représentative : la promesse faite que tout le monde pourra accéder théoriquement au pouvoir et le constat selon lequel les catégories populaires ont plus de difficultés que les autres pour cela.

À travers l'exemple de certains députés, on voit qu'il est possible de parvenir à sortir de la pensée relative à la catégorie socio-professionnelle à laquelle on appartient. C'est le cas notamment de Christian Jacob, un professionnel de l'agriculture, qui, non seulement n'est pas spécialement connu pour cela, mais qui ne s'est pas non plus spécialisé sur ce sujet. Ceci étant dit, le déficit de représentation des catégories populaires, mais aussi des femmes et des minorités ethniques, se traduit tout de même par une moindre connaissance de leurs problèmes, un moindre intérêt. Quelques études ont été réalisées au Royaume-Uni sur les élus issus de minorités ethniques, qui montrent qu'ils tendent à s'intéresser davantage aux problèmes des minorités dont ils sont issus, si et seulement si ces minorités sont très représentées dans la circonscription. 

Une hétérogénéité sociologique permet-elle un tel dépassement ? S'agit-il d'une garantie de pouvoir intégrer les intérêts de chacun dans la structuration d'une offre politique, ou bien d'un leurre ?

Les Parlements ne sont pas du côté de l'efficacité mais dans celui de la représentation, dans cette volonté de donner à la Nation un portrait de sa diversité et de son pluralisme. Dans ce cadre-là, il est mieux pour un Parlement de donner à voir une hétérogénéité sociale et partisane.

Il n'y a pas d'effet mécanique en la matière, mais plus il y a de groupes différents représentés, plus les chances sont grandes que leurs intérêts soient pris en compte. On le voit sur les questions relatives aux femmes : à chaque fois, il y a de plus en plus de femmes qui font leur entrée à l'Assemblée nationale, et l'on remarque que les lois portant sur des enjeux relatifs aux femmes sont un peu plus nombreuses qu'avant.

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