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Le PS parisien, coupable ami du billard à 15 bandes
©wikipédia

Les malheurs de Flanby

Dans la tectonique des plaques accélérée par la victoire écrasante du Front National dimanche, l’évolution des forces internes au Parti Socialiste constitue probablement l’un des dommages collatéraux les plus inattendus.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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En annonçant leur désistement dans trois régions « risquées », Valls et Cambadélis viennent en effet de révéler au grand jour une fracture béante entre le PS parisien au sens large, moins menacés qu’ailleurs, et des régions où les militants locaux se sentent floués par les décisions nationales. De là à dire que les bouleversements politiques français sont d’abord un combat de la province contre Paris, il n’y a qu’un pas.

Le PS parisien aux premières loges

L’ironie du sort, et peut-être la crise la plus profonde à gauche, tient d’abord au poids de Paris dans ses instances décisionnaires aujourd’hui. Jean-Christophe Cambadélis est député de la capitale, d’une circonscription où il donne libre cours à des logiques communautaristes telles qu’il en existe à Molenbeek, et telles qu’elles sont combattues par le Front National. S’il existe un Premier Secrétaire peu légitime pour imposer des désistements dans les régions face au Front National, c’est bien lui: le PS en Ile-de-France se porte électoralement plutôt mieux qu’ailleurs, et les renoncements du Premier Secrétaire n’engagent pas sa fédération.

La même remarque mérite d’être formulée à propos de Manuel Valls: élu francilien, ancien maire d’Evry, membre du microcosme parisien, le Premier Ministre peut difficilement se vanter d’être un bon connaisseur de la province. On comprend le ressentiment des militants locaux face aux décisions expéditives qu’il peut prendre.

Le PS parisien et les parachutés

Les mauvais esprits noteront d’ailleurs que l’annonce du désistement au second tour au titre du « front républicain » s’est faite sans bronchement de la part des élus « parachutés ». Martine Aubry dans le Nord, mais parachutée parisienne, n’a manifestement guère de problème pour endosser le discours bobo de la lutte à tous crins contre le FN. Christophe Castaner, qui a commencé sa carrière politique comme directeur de cabinet de Tony Dreyfus, maire du 10è arrondissement de Paris, non plus.

En revanche, Jean-Pierre Masseret, que les états-majors parisiens ne tiennent pas, fait de la résistance. Là encore, le combat entre Paris et la province est éclatant.

Le PS parisien et la cohérence face au FN

Pour justifier leur décision de ne pas prendre part au second tour dans trois régions (mais pas dans les autres), Valls et Cambadélis invoquent le principe du front républicain. C’est un choix conforme à la doctrine officielle. Selon la formule consacrée, et dont le sens paraît de plus en plus dérisoire et vain, « il faut faire barrage au Front National ». Cette obsession justifie que les hiérarques socialistes appellent publiquement à voter pour les ennemis d’hier contre les ennemis de demain.

Soit dit en passant, cela fait quand même bizarre d’entendre le Premier Secrétaire du Parti Socialiste dire solennellement: « J’appelle à voter Xavier Bertrand », et plus encore: « J’appelle à voter Christian Estrosi ». Il est parfois des mots simples qu’on prononce parce qu’ils semblent évidents, mais dont on mesure mal la portée. En l’espèce, le « barrage contre le Front National » se justifie au nom de la démocratie. Mais c’est quoi une démocratie où Manuel Valls s’écharpe avec Christian Estrosi à l’Assemblée Nationale, en échangeant régulièrement des noms d’oiseau, et où ils font alliance au moment des élections.

Les responsables des partis de gouvernement ont-ils clairement mesuré que cette pratique de combinazioni constitue un cancer aussi grave que le mal dont ils prétendent nous prémunir? En tout cas, ils voudraient décrédibiliser la parole politique qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.

Le PS parisien et ses deux poids deux mesures

Selon la tradition du PS parisien, les lignes avancées au niveau national sont forcément à géométrie variable. On se désiste dans le Nord, en Provence et en Lotharingie, mais pas dans le Centre, ni en Franche-Comté, ni dans le Languedoc, ni ailleurs. Vérité en-deçà de la Loire, erreur au-delà.

Inévitablement, ces ruptures d’égalité interrogent le citoyen qui voit bien que, derrière les apparences de cohérence, le calcul politicien a repris ses droits. Pendant un moment, on a sorti les mouchoirs et porté la main sur le coeur en signe de respect. Mais réflexion faite, la manoeuvre est puante: elle constitue un énième calcul dont le PS parisien est coutumier, et dont il asperge désormais les puissantes fédérations du Nord et du Bouche-du-Rhône qui furent à une époque des faiseuses de rois. Et l’on se dit: indécrottablement, le PS parisien agit avec des plans compliqués, des intentions cachées qui font la fortune du FN.

Le PS parisien et 2017

A long terme, on devine la logique qui est à l’oeuvre ici. Le PS parisien sacrifie trois régions pour mieux demander, en 2017, la réciproque aux Républicains. La machination est ici vue de longue date. François Hollande a laissé la désunion à gauche s’installer depuis plusieurs mois, histoire de montrer à ses troupes les risques encourus en cas de persévérance dans l’erreur. Continuez comme ça et 2017 sera un remake de 2002. Vous voyez bien que le bon sens est de se rassembler dès le premier tour.

Dans cette seule hypothèse, Hollande se dit qu’il a une chance d’être au second tour face à Marine Le Pen. S’il veut gagner face à elle ce jour-là, il aura bien besoin du soutien des voix de droite. Il le sait et il prépare d’ores et déjà le terrain face à un Sarkozy bien décidé à ne pas s’en laisser compter.

Dans ce bel ordonnancement machiavélique, François Hollande oublie une seule donnée: ce que les Français rejettent, c’est d’abord cette façon-là de faire de la politique. Et rien ne lui prouve qu’une éventuelle consigne de vote donnée par Sarkozy en 2017 sera mieux suivie que celle que ses sbires donnent à ses troupes aujourd’hui.

Mais parfois on se demande si les dirigeants socialistes ont encore une claire conscience de ce qu’est le billard à 15 bandes, leur sport favori.

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