Le principe de subsidiarité, cet atout majeur qui vise à limiter l'ingérence des Etats sur les territoires locaux<!-- --> | Atlantico.fr
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Ismaël Benslimane et Raul Magni-Berton publient « Libérons nos communes ! Une défense de la subsidiarité ascendante » aux éditions PUF.
Ismaël Benslimane et Raul Magni-Berton publient « Libérons nos communes ! Une défense de la subsidiarité ascendante » aux éditions PUF.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Bonnes feuilles

Ismaël Benslimane et Raul Magni-Berton publient « Libérons nos communes ! Une défense de la subsidiarité ascendante » aux éditions PUF. À l'heure d'une Europe en crise, les communes pourraient être la source de stabilité et de prospérité. La subsidiarité ascendante peut conférer davantage de pouvoir décisionnaire aux villes, leur permettant ainsi de gagner en souveraineté, à l'État en efficacité, et de satisfaire davantage les citoyens. Extrait 2/2.

Ismaël  Benslimane

Ismaël Benslimane

Ismaël Benslimane, docteur en philosophie politique, est président de l'Institut de recherche territoire démocratique (IRTD). Il a récemment fondé la Subsidiarity Academy LLC dans la zone économique spéciale Próspera ZEDE.

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Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Petit lexique introductif

Efficience : renvoie à la tendance à produire l’effet désiré avec un minimum d’effort ou de dépenses.

Subsidiarité : à efficience égale, le plus petit échelon territorial a autorité à agir par rapport aux strates supérieures.

Subsidiarité ascendante : l’évaluation de l’efficience revient à l’échelon territorial inférieur.

Subsidiarité descendante : l’évaluation de l’efficience revient à l’échelon territorial supérieur.

Souveraineté : droit de décider de qui a le droit de prendre quelles décisions.

Autonomie : droit de décider de tout le reste.

État centralisé : l’État est souverain, les sous-divisions ne sont pas autonomes.

État décentralisé : l’État est souverain, les sous-divisions sont autonomes.

État fédéral : l’État et les sous-divisions partagent la souveraineté.

État confédéral : les sous-divisions sont souveraines.

Qu’est-ce que la subsidiarité ?

Le principe de subsidiarité stipule que l’échelon territorial le plus petit doit toujours avoir une priorité politique : s’il peut résoudre un problème aussi efficacement qu’un échelon supérieur, il doit prioritairement avoir les compétences pour le faire. Il s’agit d’un principe général, qui vise à limiter l’ingérence des États sur les territoires locaux ou des entités supranationales (comme l’Union européenne) sur les États. Ce principe affirme l’existence de deux valeurs politiques et une priorité entre ces deux valeurs. Les deux valeurs promues sont, d’une part, l’efficience et, d’autre part, la proximité géographique entre le lieu où la décision est prise et le lieu où vivent les personnes auxquelles elle s’applique. L’efficience est prioritaire, puisque toute décision doit être prise à l’échelon territorial qui permet de prendre les décisions les plus efficientes. Bien que le concept d’efficience soit relativement vague, l’idée qu’il transmet est claire : produire à moindre coût des politiques qui remplissent un objectif déterminé. La mutualisation, par exemple, est souvent un bon moyen de produire l’efficience. Par exemple, une grande armée commune assure mieux la défense qu’une multitude de petites armées. La coordination, également, est un argument d’efficience. Par exemple, pour assurer le respect des contrats, il est utile que la valeur d’un contrat sous une législation soit reconnue dans les autres législations. Si ce n’est pas le cas, beaucoup de gens refuseraient de signer des contrats de peur que, moyennant un simple déménagement, l’autre contractant cesse d’y être engagé. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été créée.

Si l’efficience est prioritaire pour répartir les compétences entre territoires, à égalité d’efficience, la proximité doit permettre de trancher qui a la compétence pour faire quoi. Autrement dit, les communes, par défaut, doivent prendre l’ensemble des décisions. Mais ces décisions peuvent être prises au niveau régional, national ou supranational dès lors que ces niveaux s’avèrent plus à même de produire des politiques efficientes. La proximité des habitants, comme seconde priorité, se justifie pour deux raisons principales : tout d’abord, il faut que les règles s’adaptent le mieux possible aux individus qui doivent les respecter. De cette manière, on s’assure qu’elles seront effectivement respectées. Ensuite, il faut que les règles puissent être influencées le plus possible par les personnes qui devront les suivre, selon le principe démocratique appelé en anglais le « all-subjected principle », qui permet de légitimer démocratiquement les décisions. Rapprocher les citoyens des centres de décisions est un moyen d’augmenter leur influence dans les règles communes mises en place.

Dans cette image, les habitants bleus préfèrent investir dans les écoles, les jaunes préfèrent investir dans les hôpitaux. Dans la figure de gauche, chacun votera pour une politique nationale, alors que dans la figure de droite, la décision se prendra au niveau local, représenté par les cercles plus petits. Les habitants qui sourient ont vu leur choix préféré se réaliser et sont mécaniquement plus nombreux dans les systèmes où les décisions se prennent au niveau local.

L’image reproduite ci-dessus représente une manière simple de comprendre pourquoi la décentralisation produit de la légitimité. Supposons que nous ayons à choisir d’investir soit dans le financement des écoles, soit dans celui des hôpitaux. Sept personnages bleus souhaitent investir dans les écoles, six personnages jaunes préfèrent investir dans les hôpitaux. Dans un système centralisé et démocratique, les sept personnages bleus l’emporteront à la majorité, et les six personnages jaunes devront accepter une décision qui ne leur convient pas. Dans les systèmes décentralisés, le choix se fera au niveau plus local. Pour peu que les populations locales ne reflètent pas la composition de la population nationale, dans certaines régions la majorité sera en faveur de l’investissement dans les hôpitaux (cercle du haut), et dans d’autres la majorité sera favorable à l’investissement dans les écoles (cercles du bas). Bien qu’au niveau de la population nationale, la majorité soit pour l’investissement dans les écoles, les habitants du cercle d’en haut choisiront majoritairement d’investir dans les hôpitaux. Dès lors, le nombre d’habitants insatisfaits par les décisions prises sera égal à cinq, soit un de moins que dans les systèmes centralisés. Cela revient à dire que, de façon mécanique, le nombre d’insatisfaits est toujours égal ou inférieur dans les systèmes décentralisés. Voilà pourquoi la prise de décision au niveau local est synonyme de légitimité, comme l’affirme le principe de subsidiarité.

Cet argument théorique n’est pas qu’un simple jeu de l’esprit. Dans les faits, il reçoit régulièrement des confirmations empiriques. Par exemple, les représentants politiques les plus proches géographiquement des citoyens sont partout aussi ceux qui bénéficient, en moyenne, de plus de confiance des citoyens, dans la mesure où leurs décisions produisent moins d’insatisfaits. En France, l’enquête produite par le Cevipof en juin 2019 montre que plus les élus sont locaux, plus ils bénéficient de la confiance de leurs concitoyens (voir figure 3).

En quelques mots, donc, le principe de subsidiarité peut être décrit avec le slogan suivant : « d’abord l’efficacité, ensuite la légitimité ». Ce principe est devenu central dans la gouvernance de l’Union européenne pendant les années 1990. Dans le traité de Lisbonne, actuellement en vigueur, le principe de subsidiarité fait partie, avec les principes d’attribution et de responsabilité, des trois principes fondamentaux qui régissent les relations entre différents échelons territoriaux. En vertu de l’article 5 du traité de Lisbonne (voir encadré page suivante), ce principe ne concerne que les domaines où il n’y a pas de compétence exclusive (autrement dit, les domaines pour lesquels seule l’Union européenne est habilitée à prendre des décisions). Dans un tel cas, le principe de subsidiarité de l’Union européenne affirme que « l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union ». Autrement dit, l’Union européenne n’intervient que si elle est plus efficiente que les États membres ou leurs territoires. Dans le cas de l’UE, il y a de nombreuses compétences partagées avec les États, allant de l’environnement aux transports, de l’énergie à la protection du consommateur, et elles sont bien plus nombreuses que les six compétences exclusives de l’Union européenne.

Extrait du livre d’Ismaël Benslimane et de Raul Magni-Berton, « Libérons nos communes ! Une défense de la subsidiarité ascendante », aux éditions PUF.

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