Le plastique disparaît mystérieusement des océans, les scientifiques trouvent un début de réponse <!-- --> | Atlantico.fr
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Des milliers de tonnes de plastique pourraient avoir été ingérées par les animaux marins.
Des milliers de tonnes de plastique pourraient avoir été ingérées par les animaux marins.
©REUTERS/Carlos Jasso

Mer de déchets

90 % des déchets présents dans les océans manquent à l'appel. C'est le constat d'une étude menée par des chercheurs espagnols et publiée le 6 juin dernier. Une hypothèse : les animaux marins les auraient ingérés. Et par conséquent, nous aussi.

Atlantico : Au cours d'une étude, dont les résultats ont été publiés le 6 juin dernier, des chercheurs espagnols ont découvert que 90 % des dix millions de tonnes de déchets estimés jusqu'à présent et qui composeraient les cinq océans de déchets de notre planète, avaient disparu. Les chercheurs n'auraient donc retrouvé que 35 000 tonnes de déchets. Une des hypothèses émises concernant cette disparition est que les animaux marins auraient ingéré ces détritus. Etant donné que nous nous situons tout en haut de leur chaîne alimentaire, cela signifie-t-il que nous aurions nous-même ingéré du plastique ? Si cette hypothèse est avérée, quelles conséquences cela peut-il avoir sur notre santé ?

François Gagliani : Les chercheurs de cette étude se sont concentrés sur les microdéchets, à savoir les particules de déchets inférieures à 5 millimètres. L’une de leur hypothèse est effectivement  la disparition des déchets par leur absorption par les poissons et le risque de transfert au sein de la chaîne alimentaire. En toute honnêteté, je ne crois pas cette hypothèse. Si jamais cependant elle était avérée, le risque qu’il pourrait y avoir est si le plastique contient des hydrocarbures. Concernant la particule solide, à savoir les macrodéchets, il est hors de question qu’ils se retrouvent dans la chaine alimentaire, et donc encore moins chez l’Homme, d’autant plus que seuls des poissons planctoniques l’ingèrent, or on n’en mange pas. Quoi qu’il en soit, si jamais on venait à manger du poisson ayant ingéré du plastique, on l’excrétera de toute façon. Ceci étant dit, il est vrai que certaines familles d’animaux ingèrent régulièrement du plastique. Je pense notamment à une famille d’oiseaux particulièrement affectée par cette problématique, les procellariiformes, qui prend ces déchets pour des œufs de poisson, ou peut-être la couleur les attire-t-elle et qui les ingèrent. Les tortues sont dans la même situation. Elles sont des êtres très sensibles et il n’est pas rare de retrouver dans certaines zones 70 % des tortues qui ont jusqu’à 2 kilos de déchets dans l’estomac. La disparition des déchets pourrait notamment venir de là, étant donné que l’ingestion de détritus par ce type d’animaux peut représenter à l’échelle mondiale plusieurs millions de tonnes.

Le poisson que l'on pêche n'est-il pas situé près des côtes, soit à l'écart de tout océan de plastique ?

Les concentrations en plastique sont bien plus importantes près des côtes que dans les zones océaniques. Dans les années 2000, Charles Moore, capitaine de la Fondation de Recherche marine Algalita, a été le premier à parler de mer de plastique. A partir de ce moment-là, la mayonnaise est montée et les gens ont commencé à parler de continent. Si l’on regarde bien l’histoire, on se rend compte qu’en réalité le premier à parler de phénomène de convergence, à savoir le phénomène qui forme les océans de plastique, c’est Jules Verne en 1870 dans le chapitre XI de Vingt mille lieux sous les mers. Le chapitre en question s’intitule Mer des Sargasses. Jules Verne y décrit, par l’intermédiaire de son héros qui cite l’océanographe Matthew Maury, la zone de convergence de la mer des Sargasses avec l’accumulation des cordages, des planches, etc. De plus, cette mer a de particulier que la totalité de sa surface est recouverte d’algues flottantes, les fameuses sargasses. Elles se retrouvent agglutinées au large des côtes américaines grâce aux courants circulaires de l’Antarctique. Et il en va de même pour le plastique, qu’on avait par ailleurs déjà découvert en 1972-74. Dans les années 2000, on a reparlé de ce phénomène de manière différente, c’est-à-dire qu’on a parlé de concentration massive. Certes, il y a plus de plastique dans la mer des Sargasses que dans certains océans de plastique, mais il y en a moins que dans d’autres régions comme la Méditerranée. Tout ça pour dire que l’on parle d’océan de plastique, mais finalement les parties du monde marin les plus polluées sont plus proches de nous qu’on ne l’imagine. Sachant que 290 millions de tonnes de plastique sont fabriquées chaque année dans le monde, 35 000 tonnes restent relativement tolérables. Le problème se trouve vraiment au fond.

Les animaux marins en question n'ont-ils pas eu le temps d'évacuer d'une manière ou d'une autre ces bouts de plastique ?

Oui effectivement. Les travaux les plus récents sur ce sujet montrent que le plancton ou autres animaux marins plus gros comme les tortues excrètent les déchets ingérés. Imaginez un étudiant qui machouille le bouchon de son stylo et en avale un bout. Le plastique ne va en aucun cas passer dans le sang et sera excrété. D’autant plus que la digestion est également faite pour trier. Concernant les poissons, soit ils l’exècrent, soit ils meurent avant. Il n’y a donc une fois de plus presqu’aucune chance que le plastique se retrouve dans la chaine alimentaire.

Quelles autres hypothèses peuvent expliquer la disparition de ces déchets ?

Mon équipe et moi-même allons bientôt publier une étude portant plus ou moins sur la même question et nous avons trouvé le même ordre de grandeur donné, à savoir entre 35 000 et 40 000 tonnes de déchets retrouvées, ce qui est faible. Ce que nous avons conclu de nos recherches est qu’il est plus probable que les déchets aient coulé dans le fond ou se seraient dégradés jusqu'à devenir des nanoparticules, c'est-à-dire des particules quasi-invisibles qu'on ne peut plus doser. Selon moi, il n'est donc une fois de plus pas possible que les poissons aient ingéré ce plastique.

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