Le plan de relance européen est-il délibérément retardé pour de petits calculs électoraux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Christine Lagarde appelle à accélérer la mise en place du plan de relance. L’agenda électoral d’Angela Merkel et Emmanuel Macron ne sont-ils pas en cause ?
Christine Lagarde appelle à accélérer la mise en place du plan de relance. L’agenda électoral d’Angela Merkel et Emmanuel Macron ne sont-ils pas en cause ?
©Fabrice COFFRINI / AFP

Calendrier électoral

Christine Lagarde appelle à accélérer la mise en place du plan de relance. L'agenda électoral français comme allemand ne pousse-t-il pas Emmanuel Macron comme Angela Merkel à décaler les mesures à l’automne prochain pour soutenir l’économie au printemps 2022?

Atlantico : Christine Lagarde presse l’Europe d’accélérer la mise en place de son plan de relance, alors que les Etats-Unis ont pris de bonnes longueurs d’avance. Quels sont les risques de ce retard européen ? 

Sébastien Laye : Force est de constater que l'Europe reste engoncée dans les dogmes technocratiques qui ont régi la construction européenne depuis 30 ans, avec l'insuccès que l'on sait: politique désinflationniste, favorisant la stabilité financière à l'emploi et à la croissance, critères théoriquement draconiens de finances publiques jamais respectés du fait de l'anémie de la croissance. Ce dogme est ébranlé depuis la dernière crise financière mais les esprits sont lents à faire la révolution ! Les Etats Unis, pays du libéralisme mais aussi du pragmatisme, ont accompli un aggionarmento complet de leurs dogmes monétaires. Au risque de susciter un peu d'inflation (dans un monde structurellement déflationniste, c'est ma thèse personnelle depuis longtemps), les plans de relance et d'investissement prévus sont massifs. Regardons les chiffres. En 2020, les USA auront engagé des mesures de soutien pour 10% de leur PIB, la France 5% (en promesses, non en décaissements). Si on intègre les derniers plans annoncés, au sens large, la relance représente 25% du PIB: nous sommes dans une répétition du New Deal version post Covid. Il ne s'agit pas simplement pour les Américains de corriger le Covid, mais bien de relancer une croissance sous optimale au cours des quinze dernieres années. Les autorités politiques et monétaires (qui travaillent main dans la main, le trumpiste Jerome Powell ayant déjà accompli cette mue qui est cautionnée aujourd'hui par la Secrétaire d'Etat démocrate à l'économie, et sa prédecesseur, Janet Yellen) veulent remettre les Etats Unis sur une tendance potentielle de 3-4% par an, un chomage inférieure à 5%, et ne pas laisser la Chine rattraper les USA au cours des prochaines années. Les autres objectifs (stabilité de la monnaie, controle de l'inflation) sont sacrifiés à court terme. La France, malgré le discours officiel du quoi qu'il en coute, se contente de soutenir les entreprises fermées (ce qui n'empechera pas certaines de faire faillite) ce qui a engagé environ 85 milliards (3,5% du PIB); mais au delà, il n'y a aucun investissement pour le futur, aucune volonté de corriger une trajectoire de croissance atone. Notre hypothétique plan de relance repose sur le plan européen, encore dans les limbes, et qui de toute facon, si on regarde la portion francaise, représente 1% de PIB pour les cinq prochaines années. Le risque est un décrochage général du continent européen, surtout pour des pays comme la France qui combinent absence de relance monétaire et budgétaire avec une incapacité à faire de vraies réformes structurelles en matière de fiscalité, cotisations sociales, Etat Providence et droit du travail.

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L’agenda électoral d’Angela Merkel et Emmanuel Macron ne sont-ils pas en cause ? Par un calcul électoraliste, n’ont-ils pas un intérêt à décaler les mesures à l’automne prochain pour soutenir l’économie au printemps 2022 ?

Rocard, homme perspicace s'il en est, disait qu'il fallait toujours faire l'hypothese de la connerie plutot que du complot, car la première est chose beaucoup plus partagée que l'intelligence. Angela Merkel s'en va prochainement avec une élection à la rentrée. Pour Emmanuel Macron, le début des difficultés économiques commencent à peine. Le plan européen va etre long à mettre en place avec peu de déblocage de crédit en 2021, donc les Francais n'en verront pas l'impact, et de toute facon les premières mesures ne feront que tenter de compenser la réouverture de l'économie et ce que l'on constatera alors en termes de faillites et perte de pouvoir d'achat. On ne peut pas l'accuser de faire preuve de cynisme, plutot de ne rien comprendre aux enjeux économiques. Cyniquement, il eut mieux valu pour lui charger la barque en 2020, accepter une envolée du chomage au lieu de le maquiller avec le chomage partiel: il aurait pu alors dès l'été 2021 se prévaloir de bons chiffres, un chomage en recul, un retour de l'économie au niveau pré Covid, ce qui eut été excellent pour sa réélection, surtout si en meme temps il s'était battu pour un plan européen opérationnel dès le début 2021. Or il court le risque d'une avalanche de mauvaises nouvelles économiques et sociales du déconfinement à la fin de l'année. Les Etats Unis vont revenir à leur niveau de PIB de début 2020 d'ici quelques semaines....en France, au mieux, on n'attend ce point d'inflexion qu'au deuxième trimestre 2022, peut etre après le premier tour de l'élection...

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Ils le sont déjà ce qui explique que le rattrapage du CAC40 n'a pas été de meme degré que celui des indices américains, ou que les investisseurs internationaux ne soient pas de retour en France. Une moins bonne gestion de la vaccination et une moindre relance budgétaire et monétaire expliquent ce décalage. Mais surtout, les investisseurs sont déjà dans l'après Covid, et vont regarder les perspectives de croissance des différentes zones. Les ménages américains, sur fond de rebond rapide et d'aides fédérales, vont connaitre en 2021 leur plus haut niveau de pouvoir d'achat depuis 1999! La croissance, au delà de l'année 2021 du rebond à 6%, est attendue à 3-4% sur plusieurs années. Si on prend l'exemple de la France, si rien n'est fait pour enfin réformer notre pays et la gouvernance européenne, après un rebond étalé sur dix huit mois, nous risquons de rapidement revenir à notre rythme de croissance atone d'environ 1% d'avant crise.

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