Le néo-féminisme, une idéologie totalitaire ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux Editions de Paris Max Chaleil.
Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux Editions de Paris Max Chaleil.
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Bonnes feuilles

Jean Gabard publie « Le néo-féminisme contre la famille » aux éditions de Paris Max Chaleil. L'immense majorité de la population de nos pays est prête à mettre fin au sexisme subsistant dans la société patriarcale et soutient le mouvement de libération des femmes. Mais les néo-féministes veulent imposer leur nouvelle idéologie et avancent des revendications extrémistes. Plus soucieuses de combattre que de débattre, elles surenchérissent dans la radicalité et appellent à une « déconstruction » totale. Extrait 2/2.

Jean Gabard

Jean Gabard

Après une jeunesse marquée par la culture libertaire soixante-huitarde, Jean Gabard a enseigné pendant 30 ans en collège et lycée. Passionné de voyages et de sciences humaines, il se consacre maintenant à l’écriture et à l’animation de conférences-débats en France, en Belgique, en Suisse… sur l’éducation des enfants, les relations hommes-femmes... A déjà publié aux Éditions de Paris : "Le féminisme et ses dérives / Rendre un père à l’enfant roi". 

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Pour une grande partie de la population, l’ancienne idéologie, développée dès la préhistoire par les hommes, et pour leur domination, est aujourd’hui dépassée, ridicule. Sa dénonciation paraît tellement indiscutable que la vision du monde néo-féministe s’impose comme celle de toute personne dotée d’un peu d’intelligence.

Après plus de cinq siècles de luttes, les bouleversements apportés par les conquêtes, même récentes, sont devenus la norme. Avec la certitude de défendre le camp du bien contre des conservateurs et des réactionnaires d’une autre époque, des néo-féministes (comme les nazis et les staliniens), veulent créer un « homme nouveau » et en arrivent à ne plus concevoir qu’elles risquent, elles aussi, de se tromper. Alors que, sur des sujets de société aussi complexes, personne ne peut prétendre connaître la vérité, elles se persuadent que toute idée différente des leurs est forcément sexiste et réactionnaire. Ce qu’Elena Gianini Belotti reprochait, en 1973, à l’idéologie patriarcale, s’applique maintenant à la nouvelle idéologie dominante : « L’insécurité humaine a besoin de certitudes, et les préjugés en fournissent… Ils sont présentés comme vérités indiscutables depuis l’enfance et ne sont jamais plus remis en question par la suite. » Cette assurance, renforcée par l’adhésion du plus grand nombre, donne la conviction à beaucoup d’adeptes, que leur doctrine est la seule à défendre la démocratie. Ils en font une idéologie, même si le mot « idéologie » semble, pour eux, réservé à un passé dont ils se seraient libérés. Comme dans toute guerre, pour attirer des partisans, il faut, à ces révolutionnaires, exhiber un danger contre-révolutionnaire. La cohésion indispensable se fait autour de formules concises et frappantes, mais forcément simplistes, et d’autant plus provocatrices qu’ils croient devoir demander beaucoup pour espérer obtenir un peu. Le dopage idéologique permet une mobilisation des énergies efficace et rapide. Les combattants retrouvent ensemble une unité rassurante : une même voix pour une même voie, le même combat contre le même ennemi, un même élan partagé, les mêmes sentiments d’unité éprouvés. La certitude est un bon tranquillisant. Au lieu d’échanger des opinions susceptibles de faire réfléchir et diviser, la propagande préfère marteler des slogans plus fédérateurs. Alors que, comme le dit Edgar Morin, « on a besoin d’une clarification complexifiante », « la confusion simplificatrice est à son comble. » Finis les interrogations, les doutes, les angoisses. Le discours simple, extrémiste, adopté par les adeptes, devient imperceptiblement parole d’Évangile. Plus il rencontre de l’opposition, plus il réagit et s’exacerbe. L’idéologie néo-féministe s’enferme ainsi dans des dogmes et n’accepte plus la moindre remarque, qui devient une hérésie dangereuse qu’il faut étouffer dans l’œuf. Le dialogue devient impossible. C’est le règne de la pensée binaire, et le projet progressiste devient idéologie totalitaire.

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Comme dans tout régime totalitaire, la remise en question de l’idéologie en place est impossible. Il suffit d’avoir un point de vue différent du crédo égalitariste pour être, sans jugement, condamné. En URSS, celui qui osait dénoncer la dictature communiste était envoyé au goulag, comme un dangereux réactionnaire à la solde des impérialistes et, dans les dictatures d’Amérique Latine, celui qui luttait contre les injustices sociales était emprisonné comme communiste. Aujourd’hui, alors que l’extrémisme démocrate donne le droit de tout discuter, chez n’importe qui (surtout s’il s’agit d’une autorité), dans n’importe quel lieu, à n’importe quel moment et sous n’importe quelle forme, celui qui ose avancer la moindre critique de l’orthodoxie « néo-féministe », surtout si c’est un homme, ne peut être qu’un « masculiniste », sexiste et réactionnaire.

La nouvelle « armée rose néo-féministe » veille à l’ordre et isole le dissident pour qu’il ne contamine pas les autres. Alors qu’elle lutte contre de véritables réactionnaires qui, pour s’opposer à l’avortement, n’hésitent pas à assassiner des médecins pratiquant l’IVG, des militants néo-féministes usent de méthodes, certes, moins radicales, mais tout aussi totalitaires. Ils condamnent sur des on-dit, sans connaître ses arguments, celui qu’ils ont classé « ennemi de l’égalité femmes-hommes qui passe son temps […] à défendre le maintien des rôles de genre et donc de la domination masculine ». Quand ces détenteurs de la Vérité n’ont pas d’arguments valables pour répondre et justifier leur idéologie, ils changent de sujet et lancent un autre procès, celui qui les arrange, et pensent prouver ainsi qu’ils ont raison sur tout. Certains de défendre le camp de la démocratie contre le camp du mal absolu, tout est bon pour discréditer l’opposant, le rendre infréquentable, l’ostraciser. Ayant la condamnation avant d’avoir pris connaissance de ses thèses, ils lui font tenir celles qui, inadmissibles pour tout démocrate, attireront le plus la réprobation générale. Ils emploient la technique de « l’homme de paille » dont parle Odile Fillod : ils sortent de son contexte une citation, ou l’interprètent de façon erronée : ils font l’amalgame avec des positions, faciles à réfuter, de personnages unanimement reconnus détestables, et ainsi diabolisent l’adversaire. L’étiquette « réactionnaire », « masculiniste » suffit à faire de celui qui dérange, un pestiféré, à entraîner sa mort sociale et à disqualifier définitivement sa parole.

Toujours prêt à dénoncer « l’imposture intellectuelle » des « masculinistes », dont je ferais partie, Jean-Raphaël Bourge, chercheur universitaire à Paris 8, va encore plus loin, dans « Masculinisme et relativisation des violences faites aux femmes : détournement et instrumentalisation des recherches féministes » des Actes du Colloque « Violence envers les femmes enjeux politiques, scientifiques et institutionnels ». N’ayant pas pris la peine de lire mes propos, forcément « masculinistes », il ose les inventer ! Et, pour paraître crédible, il cite même les numéros de pages où il prétend avoir trouvé les phrases incriminées qu’il n’hésite pas à mettre entre guillemets. Précisons que ma plainte, déposée pour fausses citations et diffamation, n’a toujours pas été étudiée !

De la même façon, des activistes néo-féministes refusent non seulement de lire ou d’entendre l’impie que je serais (que peut-on espérer apprendre d’une personne à qui on attribue un discours sexiste indéfendable ?), mais aussi que d’autres soient influencés. Si la diabolisation ne suffit pas, des militants, qui revendiquent pourtant la liberté d’expression (pour Charlie Hebdo, pour Salman Rushdie…), trouvent légitime, pour m’empêcher de m’exprimer, de faire pression sur des organisateurs de conférences, en menaçant de perturber celles que j’arrive encore à programmer. Le cas de Sylviane Agacinski, censurée à l'université de Bordeaux Montaigne en octobre 2019, n’est malheureusement pas le seul. Si ces femmes et hommes néo-féministes n’hésitent pas à s’opposer à une telle personnalité, ils ont encore moins de scrupules à faire taire l’orateur moins connu que je suis. Ils trouvent légitime que l’État subventionne les Études de genre et leur propagande à l’école, mais scandaleux que des conférenciers puissent donner un avis critique. Ils veulent bien défendre la liberté d’expression à condition qu’elle ne soit accordée qu’aux personnes allant dans leur sens !

« Le féminisme n’a jamais tué personne », mais des néo-féministes n’hésitent pas à « tuer » psychiquement, médiatiquement et socialement ceux qui contestent leur idéologie ! Et toujours avec la bonne conscience du défenseur de la démocratie qui ne se sent pas concerné par les propos de la philosophe Élisabeth Badinter. En effet, celle-ci, dans une tribune du Journal du dimanche du 5 septembre 2020, dénonçait « les dérives autoritaires du féminisme » et pointait du doigt celles qui « déclarent la guerre des sexes » et, pour gagner, utilisent tous les moyens « jusqu’à la destruction morale de l’adversaire ». Élisabeth Badinter fait la différence entre le féminisme qui a « procédé sans goulag » et où il est « toujours resté une possibilité de débattre » et un néo-féminisme « autoritaire et totalitaire » « qui n’a pas sa place dans le mouvement de libération des femmes ».

Extrait du livre de Jean Gabard, « Le néo-féminisme contre la famille », publié aux Editions de Paris Max Chaleil

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