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Le jour où Antoine Griezmann est entré dans le club très privé des légendes du foot français
©LLUIS GENE / AFP

Bonnes feuilles

Rejeté par tous les centres de formation français à cause de sa taille et de son physique frêle, Antoine Griezmann s'exile au Pays basque espagnol dès l'âge de quatorze ans, la Real Sociedad de Saint-Sébastien étant le seul club à croire en lui. Il lui faudra une persévérance à toute épreuve pour atteindre les sommets. (Extrait de "Derrière le sourire" d'Antoine Griezmann publié aux éditions Robert Laffont 1/2)

Antoine Griezmann

Antoine Griezmann

Antoine Griezmann est footballeur professionnel.

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Il paraît qu’au moment de mourir, on voit sa vie défiler. Rassurez-vous, je ne suis pas pressé de connaître cette expérience. En revanche, j’ai déjà eu un aperçu de mon existence en accéléré. En décembre 2016, ma sœur Maud, qui s’occupe à ma demande de mes relations avec la presse, m’appelle pour affiner les détails d’une interview programmée deux jours plus tard. Le magazine France Football doit me remettre le trophée de Joueur français de l’année, une élection issue des votes récoltés auprès des anciens vainqueurs, de Zinédine Zidane à Raymond Kopa2 , de Thierry Henry à Jean-Pierre Papin, de Michel Platini à Karim Benzema. Et j’imagine qu’elle cherche à me contacter pour m’indiquer la duréede l’entretien et l’endroit où il sera réalisé. J’achève tout juste l’entraînement quand je constate qu’elle a essayé de me joindre à trois reprises. C’est très rare de sa part. Souvent, Maud se contente d’un message en me communiquant les informations nécessaires pour m’organiser. Cette fois, donc, pas de message mais trois appels rapprochés. Mystère. Bon, pas de quoi m’affoler non plus. Ni bouleverser mes habitudes. Ainsi, après la séance, je bois mon maté dans la calebasse en tirant sur la bambilla, en compagnie de Diego Godín, José María Giménez, Nicolás Gaitán et Ángel Correa, mes partenaires sud-américains de l’Atlético Madrid. J’enchaîne, pour soigner ma récupération, par un bain chaud de trois minutes, puis un bain froid de huit minutes.

Enfin, je prends ma douche. Même si je ne change rien à mon rituel, je ne suis pas totalement tranquille. Ces appels me trottent dans un coin de la tête. La douche est plus rapide qu’à l’accoutumée. Je me rhabille et je m’en vais. «Hasta mañana, amigos » – «À demain, les amis.» Je grimpe dans la voiture, je m’éloigne du centre d’entraînement et je rappelle Maud. Pendant que ça sonne, les questions se bousculent dans ma tête. Qu’est-ce qu’elle a ? Est-ce qu’il s’est passé quelque chose de particulier ? Maud décroche et entame la conversation d’un interrogateur : «Ça va Toinou?» Ouf! Je suis rassuré. Quand elle m’appelle Toinou, c’est bon signe. Cela veut dire que tout va bien. Elle enchaîne par unclassique : «Jeudi, tu as rendez-vous à 14 heures à l’hôtel AC La Finca.» Parfait, c’est ce qui était prévu. L’endroit, situé dans la banlieue de Madrid, est convivial et pas loin de la maison. Avant de prendre congé, Maud veut me dire quelque chose. «Tu dois garder l’info secrète. Personne ne doit savoir», annonce-t-elle avec fermeté. La suite est plus confuse. «Tu es... » Quand Maud termine sa phrase, mon cœur monte en pulsations comme jamais auparavant. Plus fort encore qu’au moment de tirer le penalty face à Manuel Neuer en demi-finales de l’Euro 2016 contre l’Allemagne, au Vélodrome. Mon esprit s’échappe, je ne pense plus à rien. Il s’écoule une moitié de seconde avant qu’elle répète «Tu es...» La phrase est courte. Pourtant, on aurait dit que Maud l’avait sciemment arrêtée, la suspendant pendant cinq minutes. Finalement, mes pensées se téléscopant, je n’ai entendu que la fin de ce qu’elle souhaitait me révéler. Ce qui donne un étonnant : «Tu es ... sième ! — T’as dit quoi ?» Et Maud de crier : «Tu es troisième du Ballon d’or! » J’explose : «Yeeeeessssssss, p***, quel bonheur! J’y suis arrivé, dans ce top 3! » La joie est énorme. Je suis dans ma voiture, je crie, je hurle. Les gens que je croise doivent se demander ce qui se passe. Sur le moment, je m’en moque complètement. Il faut bien mesurer ce qui m’arrive, quelle a été ma trajectoire.

Moi, Antoine Griezmann, ving-cinq ans, natif de Mâcon, refusé dans toute la France à cause de ma taille, je figure parmi les trois meilleurs joueurs au monde ! Depuis mes quatorze ans, installé à Bayonne et formé par la Real Sociedad, j’ai souffert de la distance qui me séparait de ma famille. Une nouvelle langue, l’espagnol, à apprendre et à employer avec mes coéquipiers, connaître d’abord le sort de rempla- çant, m’échauffer toute la deuxième mi-temps pour ne finalement pas entrer en jeu, les passages à vide devant le but, les défaites, mes deux finales perdues en l’espace de quelques semaines, en Ligue des champions puis à l’Euro... Une vie de footballeur riche en sacrifices qui ont fini par payer.

Extrait de "Derrière le sourire" d'Antoine Griezmann publié aux éditions Robert Laffont

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