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L’attachement du salarié à l’entreprise, sa fidélité est une condition forte de la productivité.
L’attachement du salarié à l’entreprise, sa fidélité est une condition forte de la productivité.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Atlantico Business

La France a la meilleure assurance chômage en Europe, et du côté de l’exécutif, on s’est convaincu que cette générosité expliquerait la difficulté des entreprises pour embaucher. Ça n’est pas totalement faux, mais ça n’est pas totalement vrai.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Il y a bien dautres raisons pour lesquelles une grande partie des chômeurs ne veut pas revenir travailler, en dépit dun marché de lemploi qui en aurait besoin. Il y a bien dautres raisons que cette oisiveté que la générosité sociale française aurait tendance à encourager.

La situation du marché de lemploi est assez paradoxale actuellement. La France est encore aujourdhui le pays en Europe où le taux de chômage serait le plus élevé : 7% de la population active. Mais la France est aussi le pays en Europe où la majorité des entreprises se plaignent de ne pas trouver de salariés. Leurs offres demploi dans la restauration, lhôtellerie, le bâtiment, lindustrie, le commerce, le digital, et même lagriculture, ces offres ne trouvent pas preneur, à tel point que certaines entreprises sont obligées de fermer partiellement leur activité ou de se résoudre à en changer carrément.

Cette situation est difficilement supportable parce que depuis la fin du covid, lactivité a considérablement progressé. Le covid a fini par tuer beaucoup dentreprises et beaucoup demplois. Mais depuis la sortie, le système français a permis de créer plus dentreprises qu’il y en a eu de détruites.  Par ailleurs, on a créé lannée dernière plus dun million d’emplois. Aujourdhui, le système économique est en risque de ralentissement à cause des menaces de récession, de la guerre en Ukraine et aussi des pénuries de main-d’œuvre.

Bref, la croissance est hypothéquée par le manque de salariés.

Doù lidée que le commissaire San Antonio aurait pu découvrir: « si on ne trouve pas demplois, cest que les chômeurs seraient mieux au chômage quau travail ».  Moralité: réduisons les conditions de lallocation chômage et vous dissuaderez les chômeurs de rester au chaud.  Cest en gros le contenu de la réforme que prépare le gouvernement, en pensant que les chômeurs ne se mobiliseront pas contre et que les partis politiques manifesteront une opposition molle à une réforme qui est dans la tête de beaucoup de Français qui sont eux au travail. 

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Alors, ce raisonnement nest pas complètement faux, dautant que le système chômage est perçu comme une assurance à laquelle on cotise quand on travaille. Lallocation, quand on perd le travail, est donc un droit et les Français qui savent compter savent aussi qu’ils cotisent beaucoup, donc ils cherchent à épuiser leurs droits. Si lallocation à taux plein est de 8 moins, le chômeur a presque intérêt à refuser un emploi pendant une grande partie de cette période. Il va sans doute commencer à sagiter au bout de six mois de chômage et encore, pour tous les salaires proches du smic - 1100 euros par mois, le différentiel avec lindemnité maximum dallocation (900 euros en moyenne pour les salaires au smic, nest pas suffisant compte tenu des dépenses contraintes liées au salaire (transport, garde denfant.)

Donc il y a beaucoup de raisons qui expliquent que des chômeurs hésitent effectivement à reprendre un job.

Mais ça nest pas seulement à cause de cette générosité de l’État providence que tous ceux qui ont quitté leur travail, au moment du Covid notamment, ne sont pas revenus dans leurs entreprises.  Il faut sinterroger sur les conditions de travail qui nont pas évolué.

Le télétravail na jamais été considéré comme la panacée du bonheur. Il nempêche que, pour beaucoup de télétravailleurs, cette forme dorganisation a représenté un progrès sans pénaliser pour autant lentreprise qui sy est adaptée en acceptant un télétravail partiel mais réel.

Par ailleurs, beaucoup de nouveaux chômeurs ont pris conscience que leur travail navait aucun sens et visent les horaires (insupportables dans la restauration notamment), lorganisation des équipes, le rôle de la hiérarchie qui a mis très rapidement sous le "chapon »sa responsabilité, le fonctionnement des RH, les plans de carrière, les plannings, bref tout ce qui fait le stress chez des salariés qui attendent une désirabilité plus grande de leur entreprise et de leur direction. 

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Cest une affaire dorganisation, mais aussi de formation. La question du salaire nest pas primordiale. Le niveau de salaire est important certes, mais il a tellement de modalités démoralisantes autour du salaire que ça nest pas parce quon augmentera les salaires de 20% quon rendra la vie au travail plus agréable.

Cest donc à toutes ces questions auxquelles les chefs dentreprise sont confrontés aujourdhui, pour la plupart, bien décidés à les traiter. Lattachement du salarié à lentreprise, sa fidélité est une condition forte de la productivité.  

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