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Le durcissement des allocations chômage ne règlera pas les problèmes de pénuries de main d’œuvre
La France a la meilleure assurance chômage en Europe, et du côté de l’exécutif, on s’est convaincu que cette générosité expliquerait la difficulté des entreprises pour embaucher. Ça n’est pas totalement faux, mais ça n’est pas totalement vrai.
Il y a bien d’autres raisons pour lesquelles une grande partie des chômeurs ne veut pas revenir travailler, en dépit d’un marché de l’emploi qui en aurait besoin. Il y a bien d’autres raisons que cette oisiveté que la générosité sociale française aurait tendance à encourager.
La situation du marché de l’emploi est assez paradoxale actuellement. La France est encore aujourd’hui le pays en Europe où le taux de chômage serait le plus élevé : 7% de la population active. Mais la France est aussi le pays en Europe où la majorité des entreprises se plaignent de ne pas trouver de salariés. Leurs offres d’emploi dans la restauration, l’hôtellerie, le bâtiment, l’industrie, le commerce, le digital, et même l’agriculture, ces offres ne trouvent pas preneur, à tel point que certaines entreprises sont obligées de fermer partiellement leur activité ou de se résoudre à en changer carrément.
Cette situation est difficilement supportable parce que depuis la fin du covid, l’activité a considérablement progressé. Le covid a fini par tuer beaucoup d’entreprises et beaucoup d’emplois. Mais depuis la sortie, le système français a permis de créer plus d’entreprises qu’il y en a eu de détruites. Par ailleurs, on a créé l’année dernière plus d’un million d’emplois. Aujourd’hui, le système économique est en risque de ralentissement à cause des menaces de récession, de la guerre en Ukraine et aussi des pénuries de main-d’œuvre.
Bref, la croissance est hypothéquée par le manque de salariés.
D’où l’idée que le commissaire San Antonio aurait pu découvrir: « si on ne trouve pas d’emplois, c’est que les chômeurs seraient mieux au chômage qu’au travail ». Moralité: réduisons les conditions de l’allocation chômage et vous dissuaderez les chômeurs de rester au chaud. C’est en gros le contenu de la réforme que prépare le gouvernement, en pensant que les chômeurs ne se mobiliseront pas contre et que les partis politiques manifesteront une opposition molle à une réforme qui est dans la tête de beaucoup de Français qui sont eux au travail.
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Alors, ce raisonnement n’est pas complètement faux, d’autant que le système chômage est perçu comme une assurance à laquelle on cotise quand on travaille. L’allocation, quand on perd le travail, est donc un droit et les Français qui savent compter savent aussi qu’ils cotisent beaucoup, donc ils cherchent à épuiser leurs droits. Si l’allocation à taux plein est de 8 moins, le chômeur a presque intérêt à refuser un emploi pendant une grande partie de cette période. Il va sans doute commencer à s’agiter au bout de six mois de chômage et encore, pour tous les salaires proches du smic - 1100 euros par mois, le différentiel avec l’indemnité maximum d’allocation (900 euros en moyenne pour les salaires au smic, n’est pas suffisant compte tenu des dépenses contraintes liées au salaire (transport, garde d’enfant.)
Donc il y a beaucoup de raisons qui expliquent que des chômeurs hésitent effectivement à reprendre un job.
Mais ça n’est pas seulement à cause de cette générosité de l’État providence que tous ceux qui ont quitté leur travail, au moment du Covid notamment, ne sont pas revenus dans leurs entreprises. Il faut s’interroger sur les conditions de travail qui n’ont pas évolué.
Le télétravail n’a jamais été considéré comme la panacée du bonheur. Il n’empêche que, pour beaucoup de télétravailleurs, cette forme d’organisation a représenté un progrès sans pénaliser pour autant l’entreprise qui s’y est adaptée en acceptant un télétravail partiel mais réel.
Par ailleurs, beaucoup de nouveaux chômeurs ont pris conscience que leur travail n’avait aucun sens et visent les horaires (insupportables dans la restauration notamment), l’organisation des équipes, le rôle de la hiérarchie qui a mis très rapidement sous le "chapon »sa responsabilité, le fonctionnement des RH, les plans de carrière, les plannings, bref tout ce qui fait le stress chez des salariés qui attendent une désirabilité plus grande de leur entreprise et de leur direction.
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C’est une affaire d’organisation, mais aussi de formation. La question du salaire n’est pas primordiale. Le niveau de salaire est important certes, mais il a tellement de modalités démoralisantes autour du salaire que ça n’est pas parce qu’on augmentera les salaires de 20% qu’on rendra la vie au travail plus agréable.
C’est donc à toutes ces questions auxquelles les chefs d’entreprise sont confrontés aujourd’hui, pour la plupart, bien décidés à les traiter. L’attachement du salarié à l’entreprise, sa fidélité est une condition forte de la productivité.
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