Le droit du sol français est-il vraiment un dogme qu'aucun contexte historique n'ait jamais changé ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le premier défenseur du droit de sol était Bonaparte lui-même, adversaire du droit du sang imposé par l'Assemblée de l'époque. Il faut donc se mettre en garde contre toute interprétation hâtive sur le sujet.
Le premier défenseur du droit de sol était Bonaparte lui-même, adversaire du droit du sang imposé par l'Assemblée de l'époque. Il faut donc se mettre en garde contre toute interprétation hâtive sur le sujet.
©wikipédia

Questions de nationalité

Dans les pages de Valeurs Actuelles, Nicolas Sarkozy a frappé un grand coup en envisageant d'assouplir le droit du sol. Ce principe, existant depuis Napoléon - il servait alors à remplir la Grande Armée - n'est ni un dogme, ni un synonyme de générosité.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : "Je veux qu’on le garde, mais pas de manière automatique" a déclaré Nicolas Sarkozy à propos du droit du sol. Il propose notamment la mise en place d'une "présomption de nationalité, permettant de ne pas attribuer la nationalité à quelqu’un qui aurait un casier judiciaire à sa majorité, ou dont on pourrait prouver que ses parents étaient en situation irrégulière au moment de la naissance". Quelle idéologie originelle se trouve derrière le droit du sol ? Quelles évolutions/aménagements a pu connaître ce droit depuis son instauration ?

Eric Verhaeghe : Il faut mesurer le lien étroit qui existe entre droit de la nationalité et politique migratoire. L'un ne peut être compris sans l'autre, et disons même que l'un exprime les besoins et les stratégies de l'autre. Dans le cas de la France, par exemple, le recours au droit du sol, ou son développement date essentiellement de la fin du XIXè siècle. Les raisons qui ont guidé cette orientation n'ont rien d'humanistes, et il suffit de reprendre les textes des figures éminentes de la IIIe République pour se souvenir que ceux qui ont opté pour le droit du sol à l'époque étaient profondément racistes et méprisaient les peuples des colonies. Simplement, la France accusait un retard démographique par rapport à ses voisins, et spécialement à l'Allemagne, et il fallait donc bien combler le vide dans l'armée sans dépeupler les campagnes ou déforcer l'économie nationale. Les raisons du droit du sol tiennent donc d'abord à des nécessités démographiques. Il ne faut surtout pas oublier ce point. Dans la pratique, il a existé une concurrence démographique entre les puissances européennes. Il y a quatre cents ans, la France était le pays le plus peuplé d'Europe, et de loin. Aujourd'hui, elle est concurrencée par la Grande-Bretagne, et surclassée par l'Allemagne. Ce phénomène de surclassement apparaissait déjà il a cent vingt ou cent trente ans, et le développement du droit du sol constitue une réponse parmi d'autres à cette problématique. 

Existe-t-il une idéologie derrière le droit du sol ? De mon point de vue, pas initialement. Postérieurement à sa mise en place, certains y ont vu une sorte de signe d'amitié envoyé aux nouvelles populations, par opposition au droit du sang qui serait "racial". Cette interprétation me semble un anachronisme. Rappelons une fois encore que les adeptes initiaux du droit du sol sont globalement des radicaux socialistes pétris de racisme. Le premier défenseur du droit de sol était Bonaparte lui-même, adversaire du droit du sang imposé par l'Assemblée de l'époque. Il faut donc se mettre en garde contre toute interprétation hâtive sur le sujet. 

La proposition faite par Nicolas Sarkozy a suscité de vives protestations de la part du gouvernement, comme celle de J-C Cambadélis qui a parlé de "tutoiement avec le FN".  Comment expliquer le fétichisme de certains autour de ce droit du sol ? Est-ce raisonnable au regard du contexte actuel ? 

Le fétichisme du droit du sol n'a, de mon point de vue, rien à voir avec un quelconque amour spontané pour l'humanité ou pour les étrangers. Il tient à un calcul politique beaucoup plus sordide et bien plus raciste ou racialiste que la défense du droit du sang. Dans leur grande majorité, les élus qui défendent le droit du sol sont essentiellement mus par une préoccupation électoraliste. C'est très largement le cas de Jean-Christophe Cambadélis, dont la circonscription (qu'il n'habite pas) est savamment repeuplée par des immigrés qui obtiennent la nationalité. L'enjeu, pour lui, est évidemment de garantir sa réélection (ininterrompue depuis 1989!) sans avoir à s'occuper de sa circonscription ni même de la moindre affaire parlementaire. Le bilan de Cambadélis en plus de 30 ans de présence à l'Assemblée Nationale est absolument nul et inexistant, et Cambadélis est député de la circonscription où le taux de chômage est le plus élevé à Paris, avec le plus faible nombre d'entreprises. Pour le Premier secrétaire du Parti Socialiste, l'interruption d'un processus qui consiste à attribuer la nationalité à des gens qui n'ont aucune expérience politique et qui ont avec lui un simple rapport de clientélisme est évidemment un risque majeur. Imaginer un député aussi absent, aussi transparent, s'exposer au risque de soumettre sa réélection à une population stable et consciente de ses défauts... Ce n'est pas possible. Des élus comme Cambadélis ont structurellement besoin du droit du sol pour préserver leur poste malgré leur incompétence ou leur dilettantisme.  

Comment repenser la question du droit du sol quand on sait qu'un certain nombre de personnes nées en France ne se reconnaissent pas des valeurs françaises ? 

Je poserai la question de façon différente. De mon point de vue, le droit du sol, ou le choix entre le droit du sol et le droit du sang, est un épiphénomène. Le droit du sang ne protège pas contre l'immigration, et, dans tous les cas, il est malsain de laisser vivre sur notre territoire une communauté qui n'accepte pas nos valeurs. En même temps, beaucoup d'entreprises seraient en difficulté sans ces communautés. Il faut donc trouver un moyen terme satisfaisant pour combiner les contradictoires, en particulier pour préserver notre identité collective sans dénaturer les libertés publiques auxquelles nous sommes attachés. Droit du sol ou pas, la France ne fera donc pas l'économie d'un immense effort d'assimilation de ces populations en les instruisant, en les formant, en leur transmettant nos valeurs et notre vision du monde. L'effort doit viser les adultes mais aussi et surtout les enfants qui sont aujourd'hui victimes, comme nos propres enfants, d'une éducation publique débilitante et destructrice. Plutôt que de se passionner pour le droit de la nationalité, il me semble beaucoup plus urgent, beaucoup plus significatif, de s'intéresser à la question de l'éducation et de la transmission des valeurs. C'est un chantier plus ingrat, car il suppose une reprise en main des cursus éducatifs et des enseignants. Mais c'est un chantier fondamental. 

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