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Le e-commerce est surtout recherché pour ses prix avantageux et pour sa praticité.
Le e-commerce est surtout recherché pour ses prix avantageux et pour sa praticité.
©Reuters

En ligne, tout est possible

D'après un récent sondage Ipsos, 7 Français sur 10 préfèrent acheter en boutique plutôt que sur internet. Le e-commerce est-il structurellement borné à certains secteurs ?

Philippe Moati

Philippe Moati

Philippe Moati est professeur agrégé d'économie à l'Université Paris-Diderot. Ses axes de recherche privilégiés sont les transformations du système productif et, plus généralement, les mutations du capitalisme (en prenant en compte les dimensions sociétales). Au cours des 23 ans passés au Crédoc, il a développé une expertise reconnue sur le secteur du commerce ainsi que sur les comportements de consommation. Il assure la co-présidence de l'Association L'Observatoire Société et Consommation.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages tels que L'Avenir de la grande distribution et La nouvelle révolution commerciale en 2011 aux éditions Odile Jacob.

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Atlantico : Selon un récent sondage Ipsos, 72 % préfèrent effectuer leurs achats en magasin plutôt que sur internet. Quelles sont les raisons qui peuvent l'expliquer ? 

Philippe Moati : Le e-commerce est surtout recherché pour ses prix souvent moins chers sur certaines catégories de produits, ainsi que pour sa praticité. Les magasins eux, offrent des possibilités que la vente en ligne ne permet pas : c'est l'occasion d'une sortie, d’interactions humaines, d'un rapport direct avant achat qui est un aspect primordial les produits impliquants pour lesquels existe une incertitude au moment de l'achat quant à leurs caractéristiques. 

Les consommateurs expriment aujourd'hui le besoin de retrouver du lien social, ce que permet l'achat en boutique. Ce besoin d'authenticité et d'ancrage explique aussi que les grandes surfaces sont aujourd’hui en difficulté alors que le commerce de proximité se renforce. Le e-commerce est souvent perçu par les consommateurs comme une offre de commerce déshumanisé.

Cependant, les acheteurs ont aujourd'hui appris à jongler entre les deux circuits, et à ne plus se contenter de l'un ou de l'autre.

Cette préférence pour l'achat en boutique est d'autant plus importante pour l'alimentation (89 %) et les vêtements (60 %). Comment l'analyser ? 

Concernant l’alimentaire, il faut distinguer les « courses » (le fond de placard) et les produits frais. Les enquêtes ont souvent montré que les courses sont davantage perçue comme une corvée que comme un plaisir. Une chance donc pour le e-commerce qui permet d’éviter la corvée de pousser son caddie. Mais le e-commerce alimentaire propose souvent des prix plus chers : soit sur le prix du produit, soit sur la livraison...Et souvent, il faut habiter dans une grande agglomération pour pouvoir se faire livrer. Ajoutons que les groupes de la grande distribution n’ont pas montré beaucoup d’empressement à promouvoir le e-commerce avec livraison à domicile... Les choses sont en train de changer avec le « drive », qui connaît une croissance spectaculaire : le drive permet d’alléger la corvée des courses avec des prix identiques à ceux des magasins.

Cependant, concernant les produits frais, il y a et il restera une préférence pour la vente en magasin, car ils s’inscrivent davantage dans une logique d’achat plaisir et ce sont des produits que les consommateurs préfèrent voir avant d’acheter.

Concernant l'habillement, il convient d’être prudent : c'est un des secteurs qui a connu la plus forte hausse des ventes sur internet, et le e-commerce a capté plus 10 % de part de marché. Dans ce secteur, les leaders du e-commerce ont compris l'angoisse majeur du consommateur lié à l'achat sur internet : la grande majorité propose aujourd'hui le retour gratuit, en plus de photos de plus en plus réalistes. Les sondages mesure des attitudes, mais dans la pratique, le commerce physique recule et le e-commerce continue de progresser.

A l'inverse, les produits culturels ne sont achetés en boutique que par 40 % des sondés, et représentent le type de produits les plus consommés via internet. Peut-on dire que le e-commerce est actuellement réservé à ce type de produits ? Pourquoi ? 

Internet offre souvent des prix plus avantageux pour certains types de produits, dont les produits culturels. De plus,l'incertitude sur les caractéristiques des produits est quasiment nulle (c’est même Goncourt que l’on trouve sur la toile ou dans les librairie) et les coûts de livraison limitésLe e-commerce continue de progresser sur ce types de produits, mais aussi sur des catégories beaucoup plus impliquantes, et moins évidentes a priori, comme le meuble dont la croissance est impressionnante.

Le e-commerce peut-il se développer dans tous les secteurs ? Le e-commerce a-t-il des limites ? Y a-t-il des types de produits pour lesquels il n'est pas envisageable d'organiser un site de vente en ligne ? 

Quasiment tous les produits peuvent être vendus en ligne. Plus ou moins… Mais surtout, il est de moins en moins pertinent d’opposer le e-commerce et le commerce en magasin. Ils sont de plus en plus complémentaires dans le « parcours client ». Les consommateurs ont appris à exploiter les spécificités de chacun des circuits et passent de l’un à l’autre avec une facilité déconcertante. Du côté des marques et des enseignes, on ne jure plus que par le « cross-canal », c’est-à-dire l’organisation d’une fluidité du parcours clients entre les différentes formes de contact, en s’efforçant d’hybrider le virtuel et le réel (le « web to store », le « store to web »…).

Bien que le consommateur semble être très attaché aux boutiques, la vente sur internet représente 8 % des ventes totales, et cette part ne cesse d'augmenter. Peut-on imaginer que le e-commerce remplacera malgré tout à terme les boutiques physiques ? 

Il n’est pas raisonnable de penser que les boutiques en ligne conduiront à la disparitiondu commerce physique. Ceci dit, avec la baisse du pouvoir d'achat des Français, tout point de part de marché conquis par le e-commerce est pris sur les ventes en magasin. Nous serons donc bientôt confrontés à une surcapacité commerciale, et donc à un début de rationalisation et à des réaménagements de l’appareil commercial physique.

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