Le dernier stade de l'évolution humaine : après l'Homo erectus, après l'Homo sapiens, l'homme au caddie...<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Le dernier stade de l'évolution humaine : après l'Homo erectus, après l'Homo sapiens, l'homme au caddie...
©NICOLAS TUCAT / AFP

Un vendredi pas comme les autres

On fait tout pour que ce nouveau spécimen d'humanité prolifère. Et en même temps, on s’emploie à l'humilier.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

Voir la bio »

Philippe Muray décrivait avec une fougue vengeresse « l’homme au bermuda », l'homme qui partait en vacances avec sa caravane ou en direction d'un camping. Là, il viderait sous la tente les packs de bière dont il a rempli sa voiture. Puis il ferait, tant bien que mal, l'amour à sa compagne.

De nos jours, l'homme au caddie est venu compléter « l’homme au bermuda ». Il marche sur ses deux jambes et ses mains sont appuyées sur un chariot. Son objectif : le remplir au maximum et pour le moins cher possible. Tout a été prévu pour que rien n'échappe à la vigilance des rayons qui le guettent et qui attendent d'être vidés au plus vite pour un réassort juteux. Il y a même des caddies pour les tout-petits. Et les têtes de gondoles, tentatrices et séductrices, lui tendent amoureusement les bras.

L'homme au caddie est universel. Sa version française n'a rien de spécifique : il a des cousins à Berlin, Londres et New-York. Tous communient dans la même extase : acheter pour pas cher, quitte à manger mal, très mal.

Tel qu'en lui même l'homme au caddie n'est pas un modèle enviable. Mais il n'en reste pas moins un homme qui doit être respecté. Un animal triste, certes. Mais au nom de quoi le mépriserait-on ? « C'est un prolétaire », écrit Éric Verhaeghe dans Atlantico. Sans doute. Marx disait que le prolétaire n'a pas de patrie, sauf ses chaînes. On ne peut que regretter que la patrie du prolétaire d'aujourd'hui porte le nom d'une grande surface.

L'homme au caddie n'est pas né de rien. Il est le produit de l'économie financiarisée et mondialisée. Celle-ci est insatiable. Elle veut qu'on consomme toujours plus car telle est la condition de sa survie. Un des champions de cette économie est au pouvoir en France.

Sous Louis Philippe, Guizot disait aux petits bourgeois : « Enrichissez-vous ». Macron dit aux prolétaires de 2019 : « Remplissez-vous ! ». Mais en même temps (il aime cette formule), lui et les siens sont un peu dégoûtés par la créature qu'ils ont fabriquée. Un caddie rempli de pots de Nutella, de rillettes et de pâtes bon marché, ce n'est pas très glamour pour ces esthètes délicates amateurs de nourritures raffinées.

Alors apparaissent les Block Friday, anges exterminateurs et macronistes bien-pensants, qui veulent interdire le Black Friday, jour d'élection de l'homme au caddie dont l'ambition serait de se remplir la panse.

Eux mangent bien, sainement et s'achalandent dans des boutiques bio approvisionnées par le commerce équitable. Et ça bien sûr, ce n'est pas de la merde... On peut rêver du jour où l'homme au caddie mettra dans son chariot des livres (eh oui, on en trouve au supermarché). Cette hypothèse est toutefois peu probable. Une autre est plus vraisemblable. Le prolétaire, méprisé par ceux qui l'ont créé, déposera des bombes dans son caddie et ira les déposer devant les magasins bio.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !