Le dérèglement climatique est là, l’action coordonnée à l’échelle de la planète, non. Vaut-il mieux Gretathunbergiser ou se préparer à faire face ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les 7 dernières années sont les plus chaudes à l’échelle de la planète depuis que les températures sont enregistrées.
Les 7 dernières années sont les plus chaudes à l’échelle de la planète depuis que les températures sont enregistrées.
©WOJTEK RADWANSKI / AFP

Préserver la planète

De nouvelles données européennes montrent que les 7 dernières années sont aussi les plus chaudes à l’échelle de la planète depuis que les températures sont enregistrées.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Isabelle Thomas

Isabelle Thomas

Isabelle Thomas est professeure titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. Vice-doyenne à la recherche et directrice de l’équipe de recherche ARIaction (Notre équipe | Ariaction)

 

Ses réalisations s’arriment à la recherche centrée sur l’urbanisme durable, sur la planification environnementale ainsi que sur les enjeux de vulnérabilité, de gestion de risques et d’adaptation aux changements climatiques pour construire des communautés résilientes face aux risques naturels et anthropiques.

Depuis son arrivée en 2007 à l’université de Montréal, Mme Thomas a été associée à de nombreux projets de recherche où elle a agi en tant que chercheuse principale ou co-chercheure, en particulier avec la collaboration du Ministère de la sécurité Publique et Ouranos. Ses contributions les plus importantes concernent l’élaboration d’une méthode d’analyse de la vulnérabilité sociale et territoriale aux inondations en milieu urbain. Elle s’investit également dans les stratégies concernant la construction innovante de quartiers résilients. Ses résultats se situent au carrefour de la recherche-action et de la recherche fondamentale. Le dernier livre qu’elle a codirigé : La ville résiliente : comment la construire? (PUM) explique les conditions fondamentales pour établir des collectivités résilientes. Elle a créé en 2020 l’équipe de recherche ARIACTION (ARIACTION.com) qui permet de constituer un réseau d’experts locaux et internationaux visant en particulier à un partage de connaissances des meilleures pratiques en termes d’aménagement résilient du territoire.

Ses derniers livres : 

Vers une architecture pour la santé du vivant - Les presses de l'Université de Montréal (umontreal.ca)

Ville résiliente (La) - Les presses de l'Université de Montréal (umontreal.ca)

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Michel de Rougemont

Michel de Rougemont

Michel de Rougemont, Ingénieur chimiste, Dr sc tech, est consultant indépendant. www.mr-int.ch. Par ses activités dans la chimie fine et l’agriculture, il est confronté, sans les craindre, à maints défis liés à la sûreté des gens et l’environnement. Son essai intitulé “Réarmer la raison. De l’écologie raisonnée à la politique raisonnable” est en vente en ligne sur Amazon.
Il a aussi publié un essai critique “Entre hystérie et négligence climatique”. Il anime un blog blog.mr-int.ch, un site sur le climat climate.mr.int.ch et un autre site sur le contrôle biologique en agriculture about-biocontrol.mr-int.ch.

 

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Atlantico : Le changement climatique est une vérité indéniable et les sept dernières années ont été les plus chaudes à l’échelle de la planète depuis que nous effectuons des relevés de température. Comment pourrions-nous tenter d’enrayer cette tendance ? Les efforts actuels sont-ils suffisants

Corinne Lepage : C’est tout l’objet de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, deux politiques doivent se compléter. Premièrement, il faut continuer à accélérer la réduction des émissions et également mener des politiques d’adaptation. Si les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, nous avons également vu des phénomènes tout à fait nouveaux, comme le vortex qui a détruit par incendie un village cet été au Canada. De plus, deux zones, une au Moyen-Orient et l’autre au Pakistan, deviennent trop chaudes et humides pour y vivre. On peut également citer le mois de décembre que nous avons vécu en France, qui était de 5 degrés au-dessus des moyennes de saison. La lutte contre le dérèglement climatique est donc un impératif majeur et nos politiques devraient conduire à sa réalisation sur le long terme. 

Au niveau planétaire, les efforts sont très largement insuffisants. Pour atteindre l’objectif qui est de réduire l'augmentation de température moyenne mondiale à moins de 2 degrés si possible 1° cinq, il faudrait réduire nos augmentations de gaz à effet de serre de 45% alors que nous allons les augmenter de 15% d'ici 2030. Ce que nous allons vivre à cette date est déjà écrit et nous ne pourrons rien faire pour changer la donne car elle résulte des émissions passées. 

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Au niveau européen, un effort considérable a été fait avec le Green New Deal et l’objectif de réduire de 55% nos émissions de gaz à effet d’ici 2030 par rapport à 1990. Cet effort est colossal et je ne sais pas si nous y parviendrons, malgré la volonté de l’Europe pour mettre en place les outils financiers et juridiques qui pourraient nous permettre d’atteindre cet objectif. De plus, nous sommes très loin d’avoir des politiques coordonnées à l’échelle de la planète. L’électricité est encore produite à partir de charbon dans de nombreuses régions du monde et le lobby pétrolier continue de tenter de développer son activité.  

A l’heure actuelle, nous avons de manière régulière des expériences d’événements qui pourraient préfigurer ce que donnera un réchauffement climatique massif. Peut-on savoir aujourd’hui à quels risques nous devrons faire face si nous n’arrivons pas à atteindre nos objectifs ? 

Isabelle Thomas : Nos collectivités doivent travailler sur la résilience et l’adaptation à ces changements climatiques. L’idée est d’arriver à mettre en place des mesures qui vont non seulement permettre de faciliter la diminution des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi, et c’est fondamental, travailler à la réduction des dangers vis-à-vis de l’eau et de la chaleur. Nous pouvons aménager de nouveaux territoires avec cette double stratégie qui est complémentaire et imbriquée. Pour cela, notre adaptation et notre résilience doivent permettre de développer des infrastructures vertes et bleues. Pour y arriver, nous devons prendre des mesures rigoureuses et strictes, tout en conservant une certaine flexibilité.

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On se rend bien compte que l’une des conséquences du réchauffement climatique est l’irrégularité et la violence des évènements, que nous devons anticiper. Cela peut être des tempêtes, des canicules, des inondations… En 2017, à Gatineau, au Québec, nous avons dû faire face à d’importantes inondations. Un pont majeur a failli être fermé, mettant en péril l’accès à un hôpital. En 2019, lors d’une autre vague d’inondations importantes, la municipalité était prête et a su mettre en place des solutions. Au lieu de réagir à une crise, il faut la devancer. Nos tissus urbains doivent s’adapter à ces enjeux et les citoyens doivent être préparés. Il est donc important  de développer une sorte de culture du risque puisqu'en absence de crise, les élus préfèrent parfois développer par exemple de belles places publiques ou des bâtiments emblématiques du point de vue architecturale plutôt que de s’adapter aux enjeux du réchauffement climatique qui persistent. 

Avez-vous le sentiment qu’il y a aujourd’hui une prise de conscience politique de ces enjeux ? 

Isabelle Thomas : Il y a une prise de conscience internationale. Pour autant, cette prise de conscience doit maintenant laisser place à une action. Elle doit être équitable au niveau de la planète car tous les pays n’ont pas les mêmes moyens. Il faudrait donc développer davantage de programmes internationaux. Il est urgent de passer à la mise en œuvre puisque le climat a déjà changé. Il convient alors nous adapter et penser aux générations futures au plus vite. Cela passe également par la culture et les élus doivent prendre conscience de ces enjeux en valorisant les initiatives qui mettent en valeur les projets de résilience et les programmes pour les financer. 

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Nos vies pourraient être fortement changées par le changement climatique mais dans quelle mesure la perspective de disparition de l’humanité portée par exemple par Extinction Rebellion est-elle erronée ?

Michel de Rougemont : Nous trouvant dans une période de réchauffement global du climat, il n’est pas étonnant que les températures soient à leur maximum et non le contraire. La question des changements que cela peut impliquer sur nos vies est complexe car elle rencontre deux difficultés. La première est de bien saisir la dynamique que ce réchauffement global aura sur les divers climats qu’il y a dans le monde, ceux dans lesquels nous vivons. L’autre est d’anticiper la nature des inconvénients que cela puisse avoir sur nos conditions de vie, mais aussi des avantages car il y en a aussi.

C’est en se fondant sur des modèles que, à part devoir vivre plus au chaud, une plus grande variabilité est attendue, concernant en particulier les régimes de précipitation et les fréquences et intensités des événements météorologiques. Ces changements sont lents et leur progression n’est pas évidente, car l’inertie du système climatique est grande. Rien ne montre qu’une sorte de point de rupture devrait soudain être atteint à partir duquel il n’y aurait même plus de possibilité de s’adapter. Il est devenu commun de présenter le scénario du pire comme référence de base, comme si c’était celui-ci qui devrait se réaliser en absence de politiques climatiques. Cette approche n’a rien de scientifique, comme toute prévision de l’évolution de systèmes complexes. D’ailleurs les écarts entre les résultats issus des différents modèles sont si larges que cela permet d’anticiper la réalisation de n'importe quelle prophétie. L’alarmisme proclamé n’est fondé que sur un sentiment qui, présenté comme une certitude, ressemble aux annonces d’une Cassandre de plus, une eschatologie laïque. Tels discours n’ont en fait pas d’utilité car si l’inévitable devait se produire, pourquoi devrait-on s’en soucier. Avec les surveillances et la prudence qui sont de mise, une vie heureuse est aussi possible au pied d’un volcan.  

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Dans quelle mesure l’action coordonnée à l’échelle de la planète qui pourrait être nécessaire pour mener ce défi est-elle inatteignable (convaincre la Chine, le Brésil ou les Etats-Unis par exemple) ? Faut-il se faire à l’idée d'atteindre les objectifs de 2°C est irréaliste ?

Michel de Rougemont : Pour vérifier que cet objectif puisse être atteint, il faut utiliser les mêmes modèles en y simulant tous les engagements pris par les parties prenantes à l’accord de Paris. La déception manifestée par les participants à la fin de la COP26 de Glasgow est le signe que ce n’est pas le cas. Ce n’est pas par manque de conviction que les attentes ne seront pas satisfaites. Même en Chine ou au Brésil il est bien compris qu’à terme, l’utilisation des carburants fossiles devra être éliminée. Cependant, et particulièrement dans les pays émergents et en développement, des arbitrages doivent être faits entre les mesures contribuant à une lointaine correction du climat et celles de la nécessité très actuelle de sortir de la pauvreté et d’améliorer les conditions de vie les plus basiques. La réponse de ces pays est claire : le climat est important mais pas primordial. C’est en étant prospère qu’une société peut mieux protéger son environnement.

D’autre part, il faut se demander si ces engagements pourront être tenus. Au vu de la taille du défi et des moyens à mettre en œuvre il est fort probable que cela non plus ne puisse être le cas, malgré les multiples déclarations volontaristes de « -50% en 2030 » et « net zéro en 2050 ».

Il s’agit là de mettre en place des solutions technologiques dont les dimensions sont énormes et dont l’efficacité doit surpasser ce que nous faisons aujourd’hui. Einstein doit dominer Greta, au contraire de ce que craint et dénonce Jean-Paul Oury dans son dernier ouvrage [1]. C’est à un rythme infernal que doivent se réaliser les investissements nécessaires, en particulier pour électrifier les chauffages et la mobilité et pour assurer la climatisation dans des pays devenant encore plus chauds. Certes, des mesures d’économie d’énergie comme l’isolation des bâtiments peuvent être réalisées mais il ne faut pas se leurrer, la taille du problème dépasse l’entendement. Un simple calcul au revers d’une enveloppe montre que si, dès aujourd’hui et chaque semaine jusqu’en 2050, une grosse centrale nucléaire de 1,6 GWe (comme celle de Flamanville, mais bien moins coûteuse) était mise en service, seulement un tiers des carburants fossiles consommés actuellement dans le Monde pourraient être remplacés. Aucun programme de cette ampleur n’est en cours d’exécution, nulle part. Même si la finance s’est emparée de ces sujets il n’est pas dit qu’elle sauvera la planète pour autant, comme je l’analyse et le critique dans mon dernier essai [2].

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De plus, des technologies importantes ne sont même pas encore disponibles à l’échelle nécessaire, par exemple, la séquestration définitive du CO2 ou la production de carburants liquides de synthèse. La disponibilité des ressources, humaines avant tout, n’est pas non plus infinie. Il faudra donc encore longtemps compter sur les énergies d’origine fossile pour réaliser telles ambitions. À ce jour, elles contribuent pour 83% à l’approvisionnement énergétique de la planète. Ce chiffre n’a baissé que très modestement (-0,34% par an) au cours des dernières années, malgré les ambitieux programmes de transition proclamés partout.

Il y a donc retard à l’allumage et, oui, il faut se disposer à devoir vivre à des températures supérieures à ces 2 °C dont personne d’ailleurs ne sait pourquoi cette limite-là fut choisie. 

En parallèle de la lutte contre le réchauffement climatique et au vu de ce constat, ne devrions-nous pas également, voire en priorité, tenter de nous préparer aux conséquences si nous n’arrivons pas à endiguer le réchauffement ?

Michel de Rougemont : Même en l’endiguant, les effets de correction des températures ne se manifesteront pas avant vingt ou trente ans. C’est ce que le GIEC montre pour la première fois assez explicitement dans son dernier rapport. Il est donc indispensable qu’une stratégie d’adaptation soit définie et mise en œuvre. Cela demande une correction du paradigme de la mitigation à tout prix prônée par beaucoup d’experts et exigée par les activistes du climat. C’est bien moins spectaculaire que des projets pharaoniques concernant des technologies puissantes, mais c’est bien plus réalisable car les moyens à mettre en œuvre sont maîtrisables. Ce sont aussi des actions locales pour lesquelles les grands raouts internationaux n’ont pas d’utilité. Il s’agit d’urbanisation, d’architecture et de gestion énergétique des bâtiments, d’aménagement du territoire, et surtout d’agriculture. C’est dans ce dernier domaine que des progrès importants peuvent se faire, tant pour gérer les sols et l’eau que pour cultiver des variétés de plantes adaptées à de nouvelles conditions climatiques. Les nouvelles techniques d’éditions de gène permettront certainement de les développer à temps. Renoncer à utiliser ces outils serait criminel. 

Corinne Lepage : L’adaptation est absolument indispensable. Il faut comprendre que les deux faces de la médaille, c'est à dire la réduction et l’adaptation doivent être menées de pair et avec des effets complémentaires. 

Pour nous adapter, nous pouvons créer des puits de carbone en ville pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, on pourrait par exemple créer plus d’espaces verts, pour réduire la chaleur. Pour moi, l’opposition croissance/ décroissance est une impasse mais la sobriété est un impératif. On doit massivement investir dans les énergies renouvelables et dans la construction de bâtiments à énergie positive et dans la rénovation de bâtiments. Nous devons également changer nos modes de vie. A ce propos, le Covid a transformé nos habitudes de travail en l’espace de quelques mois. Je considère que le péril climatique, en termes de nombre de vies concernées, est beaucoup plus grave que le Covid, même s’il est moins immédiat. 

Quelles menaces climatiques devrions-nous anticiper afin de mieux nous préparer, de manière à limiter les dégâts ? Comment le faire de manière concrète ?

Michel de Rougemont : La première menace concerne les habitants de littoraux qui, un jour, pourraient avoir les pieds dans l’eau car le niveau des mers monte, bien que lentement. Non seulement il faudra construire des digues ou déménager vers l’intérieur des terres, mais il s’agira aussi de construire des maisons qui résistent mieux aux tempêtes et ouragans. La Hollande a ici quelques leçons à nous donner.

D’ores et déjà, il est nécessaire de sécuriser ou d’évacuer des zones où rien n’aurait jamais dû être construit car inondables. Aucune assurance ne peut être conclue pour couvrir des dégâts qui ne cessent de se répéter. Des mesures similaires s’imposent en régions alpestres où, à la suite de la fonte des glaciers et de la fragilisation des pergélisols, des éboulements menacent. Les stations d’hiver se sont déjà adaptées en aménageant des dispositifs de neige artificielle afin de garantir la bonne utilisation de leurs domaines skiables. C’est le plus souvent sous la contrainte que l’inventivité humaine se manifeste.

Il est aussi recommandé de vivre plus sobrement et ainsi de consommer moins et d’être la cause de moins de déchets. C’est très concret mais, pour que ce soit significatif il faudrait d’abord vivre sur un grand pied, ce qui n’est pas vraiment le cas de tout le monde. Tout au moins cela apportera un sentiment de satisfaction qui compensera les affres apocalyptiques qui nous sont servies continument.

Corinne Lepage : L’un de nos plus grands défis est indéniablement la question de l’eau, qui est centrale. La chaleur entraîne des phénomènes de sécheresse qui poseront des problèmes notamment en matière d’agriculture. L’alimentation est donc une question fondamentale. Nous devons développer l’agroforesterie, notamment en Afrique. Les populations doivent pouvoir trouver des sources de nourriture directement sur leurs lieux de vie avec des produits sains et frais. Nous devons donc engager une révolution agricole. Un autre sujet primordial est celui du digital. Ce domaine est extrêmement énergivore, plus encore que l’aviation civile. Il implique l’utilisation de matériaux rares, ce qui pose de réels problèmes environnementaux et d’approvisionnement, donc de souveraineté. Pour répondre à tous ces défis, il faut d’abord que nous sortions du déni, mais sans tomber dans l’accablement. Nous devons tous nous demander ce que nous pouvons faire et comment agir. C’est le meilleur vecteur pour lutter contre l’éco-anxiété et développer de nouvelles activités économiques et sociétales compatibles avec notre objectif. 

Si nous arrivons à anticiper et à nous adapter à ces changements, pouvons-nous penser que le futur sera soutenable ? 

Isabelle Thomas : Avec mon équipe (ARIACTION.com), nous avons développé une méthode d’analyse de la vulnérabilité en zone inondable et un outil complémentaire pour choisir des stratégies de résiliences adaptées localement (Résiliaction). Les gouvernements se sont rendu compte que lorsqu’on travaille sur les inondations, nous regardons principalement les dommages aux bâtiments au lieu de nous tourner vers les dommages psycho-sociaux, environnementaux et de fiscalité municipale. Nous devons donc développer des scénarios de réaménagement intelligents et résilients, en encourageant la relocalisation si c’est nécessaire pour assurer la sécurité des personnes. Il faut que nous nous adaptions aux changements climatiques tout en restant prudents et conscients des dangers. Pour cela, nous devons mettre en avant l’innovation, par rapport notamment aux secteurs, aux bâtiments et aux matériaux. Si nous prenons en compte ces enjeux et que nous avons conscience de leur complexité, je pense sincèrement que nous saurons trouver des stratégies adaptées pour rendre notre futur soutenable.

Existe-t-il des exemples de grands chantiers à entreprendre pour améliorer notre anticipation et notre résilience ? 

Isabelle Thomas : Ces grands chantiers doivent permettre d’améliorer la connaissance du risque autant que la mise en œuvre de projets sur nos territoires. Pour nous adapter, nous devons bien commencer par comprendre les risques auxquels nous faisons face et pour cela, nous devons faire des efforts de communication. Au Québec, le gouvernement a pris acte des enjeux liés aux inondations suite aux catastrophes de 2017 et 2019 et est en train de refaire le cadre réglementaire et la cartographie en zone inondable. Il est important de considérer ce qui se fait ailleurs, en France par exemple. Mes recommandations sont notamment de réintégrer la nature en ville, ce qui est absolument fondamental. Il faudra également bien expliquer aux citoyens quelles sont les meilleures façons de s’adapter. 

[1]     Oury, Jean-Paul (2020) Greta a tué Einstein : La science sacrifiée sur l’autel de l’écologisme. VA PRESS.

[2]     Rougemont, M. de (2021) La grande illusion du sauvetage de la planète par une remise à zéro. Comment les cercles économiques et financiers se laissent convaincre avec complaisance. MR-int. Disponible chez Amazon

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