La voiture électrique, c’est bien, mais les Français la boudent… et ils n'ont pas tort<!-- --> | Atlantico.fr
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Les automobilistes ne considèrent pas que l'électrique soit la solution miracle.
Les automobilistes ne considèrent pas que l'électrique soit la solution miracle.
©Money SHARMA / AFP

Atlantico Business

Les campagnes de pub inondent les écrans télé. L'avenir de l’automobile passe forcément par l'électrique. Tout le monde le crie... politiciens, publicitaires et... constructeurs. Le hic, c'est que les automobilistes ne sont pas enthousiastes. Ils ont raison.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors que le gouvernement français fait des efforts considérables pour favoriser la mutation de l'automobile vers l'électrique, efforts financiers d'abord pour subventionner les achats de voitures électriques avec des primes qui vont jusqu'à 7 000 euros, efforts d'information et de pédagogie parce que la classe politique toute entière, sous la pression des courants écologistes radicaux, croit bon d'expliquer que la conversion rapide des systèmes de mobilité vers les carburants propres apportera une solution déterminante à la question du réchauffement climatique.

Effort des constructeurs aussi, qui sont bien obligés de se soumettre aux injonctions des administrations qui ont décidé d'arrêter les ventes de voitures thermiques neuves d'ici 2035. C’est du moins ce qui est prévu. Et pour doper le marché de l'occasion, des députés européens travaillent pour obliger les entreprises à n'acheter uniquement des voitures électriques dès 2030. C'est-à-dire dans moins de 6 ans. Pour beaucoup d'acteurs du secteur, le changement sera tellement fort et tellement difficile à respecter sans ruptures de fabrications ou de livraisons que le respect de ces dates paraît envisageable. Ne parlons pas des conséquences sociales, puisque toute la filière sera atteinte et la filière représente rien qu’en France près d'un million d'emplois de techniciens, de mécaniciens, qu'il faudra bien reconvertir du thermique à l'électrique, sauf que l'électrique n'aura nullement besoin d'autant d'emplois.

Cette conversion va être d'autant plus complexe pour tout le monde que si la quasi-totalité des acteurs et des experts considèrent le changement inéluctable, les automobilistes eux sont beaucoup plus perplexes. Le gouvernement voudrait que nous roulions à 100 % électriques, les constructeurs qui ont lancé des programmes de construction voudraient bien être sûrs de vendre leur stock, mais les automobilistes ne se précipitent pas chez les concessionnaires, en dépit des campagnes de promotion.

Plus grave, beaucoup de particuliers qui avaient choisi l'électrique il y a 3 ou 4 ans, qui avaient même installer des prises de charge à domicile, ne renouvellent pas leur choix à la fin de leur contrat de leasing de 3 ans et optent pour un retour à la voiture thermique. Tout est dit.

Bref, dans cette équation qui annonce une véritable révolution, on s'aperçoit que l'automobiliste traîne des pieds et reste une inconnue majeure.

En général, face à une innovation très importante, le consommateur n'hésite pas. Le téléphone portable par exemple est devenu en très peu de temps un phénomène mondial. Alors qu'au départ, les enquêtes marketing qui avaient été faites promettaient un succès mitigé, voire même un échec compte tenu des investissements nécessaires. La magie d'une innovation qui trouve son marché, c'est la capacité du client à inventer une utilisation du produit à laquelle ses inventeurs n'avaient pas pensé. Au tout début du téléphone portable, personne n'avait imaginé que le mobile, marié à l'internet, deviendrait un super couteau suisse capable d'effectuer une grande quantité de services de la vie quotidienne et professionnelle.

Avec l'automobile électrique, le produit et l'utilisateur ne sont pas sur la même longueur d'onde. Les voitures 100 % électriques représentent 14 % du marché en Europe. Ils viennent tout juste de dépasser pour la première fois le diesel (12 %), alors que le marché est travaillé depuis plus de quinze ans. Les ventes de voitures électriques représentaient déjà 12 % dans l'Union européenne en 2022… elles ont baissé en 2023. Puis ont décroché en septembre de cette année.

En clair, l'automobiliste ne considère pas que l'électrique soit la solution miracle. Et ce qui est très étonnant, c'est que les constructeurs le savent, les syndicats le savent, les administrations de l'État et de l'Union européenne le savent, mais ignorent les résistances et les contraintes et s'obstinent à maintenir des objectifs qui ne sont pas atteignables.

Les raisons pour lesquelles le client n'est pas au rendez-vous sont nombreuses : D'abord, en dépit des prévisions, les utilisateurs d'automobiles ne croient pas que la mobilité soit la première cause des émissions de gaz carboniques et ils ont raison. Il y en a d’autres, d’origine industrielle et en provenance des pays émergents. La voiture est un bon bouc émissaire, d'autant que les moteurs thermiques ont fait beaucoup de progrès en termes de sobriété énergétiques, et que l'administration ou les transports publics ne donnent pas l'exemple. La RATP et les grands transporteurs ne sont pas à la pointe du progrès. Ajoutons pour rester sur le volet écologique que les promoteurs de la formule restent flous sur les problèmes de batterie : fabrication, recharge, dépannage, recyclage. Nous n'avons que très peu d'informations pour nous garantir un bénéfice de décarbonation efficace et important sur la batterie.

Ensuite, les automobilistes considèrent à juste raison que la voiture électrique n'est pas en mesure de leur garantir une autonomie suffisante. Même si certains modèles offrent aujourd'hui près de 500 km d'autonomie, ils n'ont pas de garantie de ne pas rester en panne dans un lieu improbable où ils ne trouveront pas de recharges. Les équipements de recharges ne sont pas disponibles partout et à n'importe quelle heure. Les stations-services, les municipalités s'équipent, mais ça paraît très lent. Quant aux points de recharges dans les copropriétés, les syndics traînent des pieds. Ajoutons à cela que la durée de recharge électrique est une contrainte ; la voiture qui est l'outil de la liberté individuelle devient contraignante avec l'électrique.

Enfin, la question du prix n'est pas réglée. Il y a une sorte de supercherie dans la vente d'une voiture électrique. La multiplication des primes et subventions nous laisse croire que la voiture électrique ne sera pas plus chère qu'une thermique, rien n'est sûr. La voiture électrique moins chère, mais elle risque de venir de Chine.

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