La réforme des rythmes scolaires ou comment ne pas traiter les 5 plaies qui sapent la réussite de l’Ecole<!-- --> | Atlantico.fr
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"Le métier de professeur n'attire plus".
"Le métier de professeur n'attire plus".
©Filckr

Réforme buissonière

Alors que le gouvernement a fait des rythmes scolaires le centre de son projet de refondation de l'Ecole, celui-ci n'inclut pas de réévaluation de certains fondamentaux éducatifs. Ni l'apprentissage du français, ni les mathématiques n'y trouvent en effet de place.

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Alors que la réforme des rythmes scolaires bat son plein dans le premier degré (ou plus exactement dans 1/5ème du premier degré), il conviendrait de s'arrêter sur les difficultés réelles de notre école plutôt que de s'amuser de commune en commune à répartir différemment heures de cours et heures d'activité pour, à l'arrivée, une identique absence de résultat. Alors au lieu de disserter sur la notion absconse de rythmes scolaires, si l'on listait les vrais problèmes de notre école ?

L'apprentissage de la langue française

Tout part de là. Chaque nouvelle réforme rogne davantage sur les horaires de français, tant au primaire qu'au collège et au lycée. A la place ? Numérique, langue vivante (enseignée le plus souvent par un professeur des écoles qui tente de faire au mieux alors qu'il n'y est pas formé), débat citoyen et tutti quanti. Un élève qui entre aujourd'hui en seconde a perdu par rapport à il y a une trentaine d'années au moins deux ans de scolarité en français. D'autant que le qualitatif vient s'ajouter au quantitatif : déstructuration de la grammaire et de l'enseignement systématique de l'orthographe, séquences pédagogiques fourre-tout, manuels d'apprentissage de la lecture aux présupposés idéologiques aberrants recommandés par les instituts de formation et la hiérarchie des professeurs... N'en jetons plus. Si déjà l'on résolvait ce problème, nous serions sauvés.

Le paradoxe des mathématiques

« En France, on sélectionne par les maths. » C'est vrai, mais l'enseignement des mathématiques est paradoxalement l'un de ceux qui a le plus souffert. L'introduction massive des statistiques au détriment du calcul et de la logique (qui a besoin de savoir poser une opération quand on a des calculatrices sophistiquées, hein ?) est un frein réel au développement du raisonnement. La création d'énoncés à rallonge visant absolument à contextualiser les problèmes mathématiques dans des situations (plus ou moins) concrètes font que ceux qui sont mauvais en français deviennent de fait mauvais en maths, car la première difficulté pour eux est de comprendre ce qu'on leur demande, et non de faire des maths. Et c'est ainsi qu'on se retrouve avec des classes entières de 3e qui tapotent frénétiquement sur les touches de leur machine, mais sans savoir dans quel sens poser leur règle de 3.

Les programmes

Faut-il les changer ? Apparemment oui, puisqu'on les renouvelle de plus en plus fréquemment (tant pis pour la stabilité, et tant mieux pour les éditeurs de manuels scolaires). Mais pour en faire quoi ? Entre ceux qui imposent des méthodes et des structures venues d'un autre monde (à grands coups de tableaux de compétences), ceux qui sont flanqués de centaines de pages d'accompagnements pour vous expliquer comment les mettre en œuvre, et ceux qui sont pleins à craquer à tel point qu'il faut régulièrement les « alléger » (en même temps, a-t-on vraiment besoin d'étudier l'Inde des Gupta en 6ème ou de passer son année sur la notion de développement durable en 5ème ?), on ne s'en sort pas. Alors que des programmes simples, structurés et organisés de façon logique, partant du simple pour aller au complexe seraient en réalités bien suffisants. Pensons donc les programmes en respectant leur logique disciplinaire, en les mettant en cohérence les uns avec les autres (terminologie employée, époques étudiées...), et en ne s'en servant pas comme prétexte pour y introduire l'idéologie du moment.

Le problème de la place de l'enseignement professionnel

Alors que la durée des études s'allonge inexorablement, on a de plus en plus de mal à recruter dans certains métiers plus manuels et dans certains secteurs industriels. L'enseignement professionnel souffre d'un déficit de reconnaissance dans la société, chez les élèves et leurs parents, pour qui il est vécu comme un échec. Pourtant, le véritable échec est plutôt de s'engager dans une voie pour laquelle on n'est pas fait ! L'institution tient à ce sujet un double discours, vantant d'un côté l'égale dignité de toutes les filières, tout en jugeant de l'autre les établissements sur leur taux de passage en voie générale. A l'arrivée, on se retrouve avec d'un côté des élèves de seconde générale en totale perdition car ils n'ont pas le niveau pour suivre, et de l'autre des bacheliers professionnels qui pensent pouvoir s'inscrire à l'université et qui, pour 95% d'entre eux, en ressortent sans diplôme. Cherchez l'erreur...

Le recrutement et la formation des professeurs

Les candidats sont de moins en moins nombreux (c'est particulièrement flagrants en mathématiques et en lettres classiques), le métier ne fait plus rêver (il y a longtemps que la sécurité de l'emploi et la perspective des vacances scolaires ne contrebalancent plus les débuts de carrière apocalyptiques dans les établissements « prioritaires » de banlieue et les salaires chiches au regard d'un Bac +5 et de l'obtention d'un concours).... Bref, le métier de professeur n'attire plus. Pénurie de professeurs des écoles dans l'académie de Créteil, recours massif à l'utilisation de contractuels non formés et balancés du jour au lendemain devant les classes pour combler les trous, absence d'une formation réellement utile pour les collègues stagiaires, système de mutation kafkaïen, pressions hiérarchiques de plus en plus pesantes (en revanche, en cas de pépin, cette même hiérarchie n'hésitera souvent pas à vous lâcher), gestion de classe de plus en plus compliquée (et que dire de la « gestion des parents et de leurs fédérations »?) : pourquoi des individus brillants voudraient-ils encore d'un tel métier ? Les professeurs sont d'ailleurs les premiers à déconseiller à leurs enfants de suivre leurs traces, car ils ne voient pas comment les choses vont s'améliorer.

En bref : un enseignement en français solide sur un nombre d'heures suffisant, des cours de maths efficaces, des programmes simples et cohérents, une redéfinition du rôle et de la place de la voie professionnelle, et de l'ambition dans le recrutement de professeurs que l'on traiterait comme des concepteurs et non comme des valets de pied. Finalement, ça a l'air faisable, non ?

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