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La justice européenne frappe un grand coup contre Uber... mais voilà pourquoi elle pourrait bien l’avoir sauvé par la même occasion
©Reuters

L'étau se resserre

La Cour de Justice de l’Union européenne a jugé que le groupe Uber devait suivre des règles. Pour une fois, l’Europe a fait son travail. Uber va faire le sien.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La menace infligée à Uber par la Cour européenne porte deux bonnes nouvelles.

La première, c’est que l’Europe fait son travail de régulateur comme on aimerait qu’elle le fasse plus souvent. En bref, la Cour de Justice européenne juge que le groupe de VTC n’était pas qu’une simple plateforme de mise en relation entre des chauffeurs et des clients, mais un groupe de transport de personnes et par conséquent, il doit se comporter conformément aux régulations qui existent dans chacun des pays membres de l’Union européenne.. Quoi de plus normal. Rien à dire!

L’Europe ne se mêle pas d’organiser le système, elle veille à ce que les Etats puissent le réguler. Evocation du tarif minimum, autorisation préalable des chauffeurs et encadrement du temps de travail sont entre les mains des pays.

 Alors, cette affaire avait été déclenchée par l’Espagne qui considérait que les chauffeurs Uber faisaient de la concurrence déloyale aux taxis espagnols. C’était vrai avec les voitures Uber pop qui permettaient à des chauffeurs particuliers de faire le taxi. Cette question avait aussi fait polémique en France, mais elle a été réglée il y a presque deux ans par la suppression des Uber pop.

L’autre bonne nouvelle dans cette affaire, c’est que Uber, transporteur, va devoir se moderniser et innover une fois de plus.

Alors ce n’est pas forcement facile, mais le nouveau président du groupe, arrivé en septembre, est quand même aujourd’hui à la tête de la plus chère des startups du monde avec une capitalisation de 65 milliards de dollars. Draa Khosrowshabi va continuer ce qu'il a entrepris depuis septembre.

Son objectif ? Sa mission ? Assainir la gouvernance qui avait des habitudes de cow boy et fixer des procédures de fonctionnement qui soient compatibles avec l’écosystème dans lequel il travaille. En clair, il fallait respecter les règles de licence pour pouvoir confier une voiture à un chauffeur. Ce sera fait en France à partir du 1er janvier, date à laquelle Uber risque de perdre quelques chauffeurs français (peut être 2 à 3000) qui n’avaient pas la qualification et qui doivent l’obtenir. Alors, on peut discuter à l’infini sur les modalités et les conditions d’obtention de la licence en question. On peut regretter que l’examen soit inadapté à un enfant de la banlieue qui candidate mais c’est ainsi. Et la qualité des Uber en ressortira améliorée et grandie.

Le groupe va devoir aussi respecter la législation sociale et mettre en place une protection de ses chauffeurs indépendants sans pour autant leur préparer un avenir de fonctionnaires. Le tout est de préserver leur ambition de petit entrepreneur, parce que leur moteur est là : s’en sortir !

Alors, il ne faut pas rêver, le groupe Uber va devoir augmenter ses prix. Les prix que Uber facture à ses clients sont plus faibles que d’autres concurrents et la commission qu‘il prélève sur les chauffeurs est plus lourde.

Le système va devoir se rééquilibrer sinon, les chauffeurs dévalués abandonneront et les clients aussi.

Tous ces efforts n’empêchent pas de penser que Uber aura été le catalyseur de la modernisation de cette profession. Il a, pour une grande part, inventé une activité de service, de chauffeur privé, qui était réservée à une clientèle de professionnels et interdit à la classe moyenne. Uber a investi un marché qui n’existait pas.

C’est la raison pour laquelle Uber et ses cousins ont créé près de 15 000 emplois avec des jeunes de banlieue qui avaient assez peu de formation et pas de perspectives.  Beaucoup de concurrents sont venus sur ce créneau et c’est tant mieux.

Mais le changement le plus spectaculaire aura été la transformation de la profession de taxis sous la houlette de l’enseigne G7. Les chauffeurs de taxis ont commencé par faire de la résistance et voyant que ça ne déboucherait sur rien sinon leur propre asphyxie, beaucoup ont relevé les gants en offrant de la disponibilité et surtout de la qualité dans l’accueil du client. La plateforme de réservation utilisée par G7 ressemble désormais à toutes les plateformes qui existent sur le marché.

Alors, beaucoup penseront que la Cour de Justice européenne vient d’infliger à Uber un sérieux revers. C’est évidemment mal connaître la firme américaine qui doit gérer tous les litiges dans lesquelles elle est mise en cause, et s’en sort toujours pour mieux rebondir.

Qu’Uber ait démarré comme plateforme digitale de réservation, c’est une évidence, qu’elle soit devenue un groupe de transport dans le monde entier est une autre évidence. La maturité l'oblige à suivre des règles dont elle pouvait s’affranchir au début, mais pas question pour autant de se laisser asphyxier.

La mise en garde de la Cour de Justice s’adresse d’ailleurs indirectement à toute les plateformes de désintermédiatisation, Booking et autres Airbnb qui sont à la tête d’un véritable empire professionnel. Qui vont devoir comme Uber justifier en permanence la légitimité de leurs innovations.

Là encore, c’est une bonne nouvelle. Plutôt que de tuer la concurrence, la Cour européenne laisse la liberté aux Etats membres de laisser vivre cette concurrence selon les cultures ou les habitudes locales.

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