La guerre en Ukraine nous contraint à un nouveau quoi qu’il en coûte. Mais quel serait le plus efficace ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron s'exprime lors d'une allocution sur la guerre en Ukraine, le 2 mars 2022.
Emmanuel Macron s'exprime lors d'une allocution sur la guerre en Ukraine, le 2 mars 2022.
©Ludovic MARIN / AFP

Impact économique

Ce quoi qu’il en coûte acte II était évoqué en creux par Emmanuel Macron lors de son allocution de mercredi soir dans laquelle il a indiqué vouloir protéger les Français des conséquences de cette guerre. Pour autant, toutes les stratégies en la matière ne se valent pas.

Pierre Bentata

Pierre Bentata

Pierre Bentata est Maître de conférences à la Faculté de Droit et Science Politique d'Aix Marseille Université. 

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Atlantico : Lors de son discours consacré à l’Ukraine, Emmanuel Macron n’a déclaré n’avoir « qu’une boussole » : « Vous protéger. » « Nous épaulerons les secteurs les plus exposés en recherchant de nouveaux fournisseurs, de nouveaux débouchés commerciaux », a-t-il détaillé.Est-ce un nouveau quoi qu’il en coûte dont il est question ?

Pierre Bentata : Ce qu’on pressent, même si c’est étonnant de la part d’Emmanuel Macron, c’est que cela pourrait être des aides davantage ciblées. Il a précisé qu’il allait aider les secteurs les plus exposés. Il n’a pas parlé de quoi qu’il en coûte global mais il a aussi précisé vouloir « protéger » les Français. Si protéger veut dire protéger tous les pouvoirs d’achat, cela signifie qu’on ne sortira pas du quoi qu’il en coûte. Si ce sont des aides sectorielles, on pourrait avoir une nouvelle forme d’accompagnement. Mais on assiste bien au retour d’une politique publique d’aides, d’instruments exceptionnels et certainement de nouveaux crédits et de nouvelles inventions sur la fiscalité des défenses publiques.

Y sommes-nous contraints par la situation ?

C’est en tout cas important pour le gouvernement de communiquer dessus. Il y a une vraie inquiétude de la population. Il y a aussi une vraie dépendance énergétique européenne. On sait qu’il va y avoir un impact significatif, même si on n’arrive pas à l’estimer. Il y a un emballement sur les matières premières et des inquiétudes sur les marchés. Il y avait déjà de l’inflation qui montait et l’inquiétude va la renforcer. On va avoir un phénomène de rareté des matières premières qui va se faire sentir. Donc il va y avoir une augmentation des prix et un effet fort sur l’économie et le porte-monnaie des ménages. Vu les mesures prises, il y va y avoir des conséquences économiques mais c’est un mal nécessaire. On demande un effort moins important qu’un effort de guerre mais qui sera tout de même un choc au porte-monnaie. Les effets à court terme seront peut-être plus graves chez nous qu’en Russie, mais ce n’est pas grave.

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Mais quel impact la folle valse des milliards (souvent inutilement) dépensés laissera-t-elle pour le monde d’après le Covid ?

On a vu que le quoi qu’il en coûte pour le Covid s’est transformé en une dépense incontrôlée. Comment, cette fois-ci protéger intelligemment l’économie sans céder à cela ?

Il ne faut pas répéter ce qu’on a fait pour le Covid. Il faut des mesures ciblées et qu’on sait débrancher. Inonder les ménages ou les entreprises, fournir des aides aveugles sans faire la part des choses et qu’on ne sait pas arrêter car on zombifie ou met sous tutelle une partie de l’économie, il ne faut pas le faire. Il faut donc aider les secteurs qui ont des problèmes et à l’intérieur de ces secteurs aider les entreprises clés et pas la totalité. Pour ne pas trop distordre le marché, il ne faut pas les arroser mais subventionner leur activité. Il faut les inciter à se comporter comme en dehors d’une crise et combler le manque à gagner. Aujourd’hui, avec le quoi qu’il en coûte Covid on a créé des entreprises zombies et on ne sait pas les chiffrer. On devrait actuellement être en période d’arrêt des perfusions. Or avec la crise ukrainienne, on va prolonger cela. Mais ce faisant, on perd en visibilité sur les entreprises qui vont réellement bien ou non. Les signaux du marché sont cassés et on va renforcer le phénomène. Si on répand de la monnaie hélicoptère sur toute l’économie, on va avoir beaucoup de mal à assainir l’économie.

Quelles sont les mesures concrètes à mettre en place ou à éviter ?

Il ne faut pas faire de mesures comme les prêts garantis par l’Etat, les chèques aux ménages, etc. Si la crise va venir grever le pouvoir d’achat des Français, il n’y a jamais eu autant d’épargne en réalité. Et cela se traduit par une surconsommation par rapport à ce que l’offre peut fournir. Ce qu’il faut faire en amont, c’est demander aux grosses entreprises de fixer des prix – qui seraient ceux estimés en l’absence de crise – et d’essayer d’avoir une subvention d’exploitation aux entreprises. Ce sont les entreprises qui achètent des matières premières à l’étranger qu’il faut aider. Et laisser le reste de la chaîne s’adapter normalement. Il faut aider les entreprises en amont de la chaîne de valeur.

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Le quoi qu’il en coûte : fausse croissance et vrais problèmes

Alors que la BCE semblait partie pour arrêter le Quantitative easing, est-ce que cela devient hors de question ? Avec quelles conséquences ?

Cela va dépendre de l’enlisement du conflit. Il est sûr que la BCE n’a aucun intérêt à rehausser ses taux ou bloquer la production de monnaie. Pour autant, il ne faut pas qu’elle mette davantage de monnaie en circulation ou qu’elle baisse ses taux car cela entrainerait une surchauffe économique. La banque centrale est dans une situation compliquée, elle devrait augmenter ses taux mais comme il y a des entreprises zombies et qu’on ne sait pas combien, elle est paralysée. Elle devrait utiliser le frein monétaire et elle ne peut pas le faire. Le seul moyen de ne pas faire d’erreur actuellement est sans doute de suivre ce que fait la Fed, ce qui n’est pas terrible comme politique économique. Il y a peu de chance qu’elle fasse quoi que ce soit, même si c’est un facteur aggravant d’inflation et d’instabilité à long terme sur notre économie.

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