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La grippe coûte cher à l’économie française et encore plus quand le vaccin est a côté de la plaque comme cette année
©Reuters

Ça pique !

Selon une récente étude américaine, le vaccin contre la grippe de cette année ne serait efficace que pour 23% des personnes.

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard

Frédéric Bizard est professeur d’économie à l’ESCP, président de l’Institut de Santé et auteur de « L’Autonomie solidaire en santé, la seule réforme possible ! », publié aux éditions Michalon.

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Atlantico : Selon une récente étude américaine, le vaccin contre la grippe de cette année ne serait efficace que pour 23% des personnes. Assurance-maladie, CPAM... Peut-on évaluer le coût de cette efficacité relative du vaccin pour la collectivité ?

Frédéric Bizard : Il faut rappeler que la grippe saisonnière est une infection respiratoire aiguë qui se transmet très rapidement dans la population. Elle touche des millions de personnes chaque année en France et peut entrainer des complications graves chez les personnes fragiles. Elle est responsable d’un nombre élevé de décès chaque hiver. En 2013, l’Institut de veille sanitaire (INVS) a recensé 818 cas graves de grippe admis en service de réanimation, dont 153 décès. Ce n’est là que la partie visible de l’iceberg. La grippe est responsable d’une mortalité et morbidité indirecte très importante liée à des complications d’une autre maladie aggravée par une grippe.

Chaque année, l’Assurance Maladie invite par courrier plus de 10 millions de personnes à se faire vacciner. Ces personnes font partie des groupes à risques: personnes âgées de 65 ans et plus, personnes souffrant de certaines maladies chroniques (diabète, insuffisance cardiaque…), entourage familial de nourrissons de moins de 6 mois, personnes obèses, femmes enceintes et professionnels de santé. Parmi ces 10 millions, seules 50% se font vacciner soit 5 millions de vaccins qui sont remboursés pour l’ensemble de la population en France (gratuits pour les personnes à risque).

Le vaccin grippal 2015 va moins bien protéger la population que les années passées, ce qui va se traduire par une moindre diminution des coûts directs et indirects liées à la grippe saisonnière liée à la vaccination.

Egalement, existe-t-il un coût pour les ménage, les entreprises ? Dans quelle mesure est-ce que cela représente-t-il une charge pour l'économie ?

Les coûts liés à la grippe sont  de plusieurs natures: les coûts liés aux soins (assurance maladie et ménages), les coûts sociaux dus à l’absentéisme et à la perte de productivité (entreprises). Ils dépendent de plusieurs critères dont la sévérité de l’épidémie. A l’échelle mondiale, en cas de pandémie, les coûts estimés vont de 500 milliards USD pour une intensité légère à 2500 milliards USD (équivalent d’un an de PIB français) pour une pandémie sévère.

En cas de pandémie grippale (diffusion rapide et géographiquement étendue d’un nouveau sous-type de virus), l’endiguement de la pandémie par le système de santé  et la modification des comportements de consommation pour éviter l’infection sont des coûts très élevés. On estime que les efforts pour éviter l’infection représentent 60% des coûts, les soins et l’absentéisme 28% et les décès 12%.

Depuis 1995, l'efficacité des vaccins contre la grippe varie entre 10 et 60%. A partir de quelle efficacité peut-on dire que le vaccin est économiquement efficace, lorsque l'on prend en compte les coûts d'élaboration, de promotion, de logistiques ?

Les taux que vous évoquez me paraissent très faibles, la faible efficacité de cette année est relativement exceptionnelle et la normale est plutôt entre 40% et 90% avec une moyenne autour de 60% à 70%. Outre les vaccins, on retrouve ce niveau d’efficacité chez de nombreux médicaments, sans pour autant remettre en cause leur utilité.

Le vaccin de la grippe est une des stratégies préventives les plus coûts efficaces (évaluation de l’utilité par rapport aux coûts). Une année de vie sauvée en bonne santé (QALY) revient à 1 000 USD pour le vaccin de la grippe, contre 120 000 USD pour le méningocoque et 45 000 USD pour le papillomavirus humain.

La rentabilité économique de la vaccination dépend de multiples critères dont l’efficacité du vaccin (faible cette année), la virulence de la souche, le coût de la vaccination et le nombre de personnes vaccinées. On ne peut donc pas fixer un seuil minimum d’efficacité dans l’absolu.

La rentabilité d’une stratégie préventive est liée à la capacité de cibler les personnes vulnérables, qui sontavant tout les personnes âgées pour la grippe. Les personnes de plus de 65 ans représentent plus des trois quarts de la cible et 82% des personnes réellement vaccinées. La rentabilité économique de la vaccination sur les personnes à risque ne fait aucun doute dans tous les scénarii. Le bénéfice sera faible cette année du fait de la faible efficacité mais l’utilité reste élevée.

Comment pourrait-on le rendre plus efficace, qu'est-ce qui aujourd'hui fait défaut ?

Il existe probablement des marges de progression dans la modélisation de la composition des vaccins. L’OMS publie dès février (soit près de huit mois à l’avance) la composition des vaccins grippaux de l’année suivante. Elle  provient d’une estimation à partir des souches de l’année précédente présentes dans l’hémisphère nord et sud.

Outre l’amélioration de l’efficacité du vaccin se pose la question du taux de vaccination de la population cible et de l’extension de cette population cible. Avec un taux de 50% de la population cible en 2013 (contre 60% en 2009), dont 53% pour les plus de 65 ans, on peut penser que le niveau d’immunisation de la population cible atteint un point bas critique qui augmente le risque de pandémie. N’oublions pas que la vaccination n’est pas un geste utile uniquement pour soi mais aussi pour les membres de son entourage, et donc pour la collectivité en général.

Enfin, sur un plan économique, on pourrait envisager de vacciner une partie de la population active, au moins celle dont le coût d’absentéisme est le plus élevé.

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