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La gauche et les écologistes dénoncent le risque d’inflation mais ne disent rien contre la hausse des prix de l’essence...
Silence coupable. Il faudra bien, un jour, que la gauche en général et les écolos en particulier, nous expliquent pourquoi ils protestent contre l’inflation mais restent indifférents à la hausse des prix de l’énergie.
Jean-Marc Sylvestre
Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.
Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.
Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.
Tout se passe comme si la hausse des prix du carburant rendait service aux leaders de la gauche écologiste. Cyniquement, beaucoup pensent que cette hausse va tuer l’automobile et que pour la planète, ça ne sera pas si mal. En attendant, ils ne se rendent pas compte qu’en ne faisant aucune pédagogie du changement, ils vont aussi tuer leurs électeurs.
Les semaines se suivent et se ressemblent. Cette semaine, les prix de l’essence ont touché les 2 euros du litre dans certains centres-villes. Alors en moyenne sur la France entière, le gasoil est à 1,67 euros et le sans plomb dépasse les 1,75 euros. Ça veut dire qu’on a encore pris 2 centimes par litre. Si ça continue à ce rythme, on partira en vacances l’été prochain avec un carburant à 2,30 euros le litre. Ça risque d’être chaud. C’est déjà chaud pour beaucoup de familles. Mais ça ne l’est pas pour les courants écologistes ou les responsables de gauche qui n’ont aucune solution pour calmer le jeu.
Il faut dire que les solutions pour lutter contre la hausse des prix sont rares et compliquées. Les explications à la hausse sont toujours les mêmes, le prix des carburants dépend de l’offre et de la demande. Des besoins et des capacités de production.
1e point: Avec la 4ème vague du variant Omicron, l’activité économique avait fléchi, la demande de pétrole s’était ralentie mais là, tout est reparti avec le recul du variant. Et cela dans le monde entier. Vous voyez bien aujourd’hui que la circulation automobile est redevenue presque normale.
2e point : Vous avez des pays producteurs qui spéculent un peu, mais vous avez aussi des régions pétrolières qui sont bousculées par les risques géopolitiques, donc les robinets sont menacés. A cause des tensions sur la frontière entre l’Ukraine et la Russie, la situation entre l’Arabie Saoudite et le Yémen, la sécurité n’est pas assurée. Or, nous sommes là dans les grandes régions pétrolières.
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Enfin, 3e point, il fait froid, dans tout l’hémisphère Nord, donc on consomme beaucoup d’énergie et vous avez certains pays producteurs qui retiennent leur niveau de production, parce qu’ils font de l’argent en contenant l’offre. Les pays producteurs ont besoin de reconstituer leurs cagnottes parce qu’ils ont vendu moins de pétrole ces derniers temps.
Tous ces facteurs font monter le prix du brut, et sans tomber dans le pessimisme, beaucoup d’économistes pensent que ça va continuer. Les banques américaines voient le baril de pétrole à plus de 100 dollars l’été prochain. Ce qui mettrait le litre d’essence à 2,30 /2,40 euros.
Dans ces conditions, le gouvernement ne peut pas faire grand-chose. Le gouvernement ne peut pas obliger les pays producteurs à produire plus qu’ils ne le font. C’est leur décision et l’Occident a peu de moyens de pression pour qu‘ils ouvrent les vannes. En plus, l’intérêt des pays producteurs, c’est de vendre leur pétrole le plus cher possible et en vendre le moins possible pour que ça dure longtemps.
Donc, le gouvernement ne peut rien faire pour réguler la production.
En revanche, il pourrait peut-être intervenir au niveau des différentes étapes du raffinage et de la distribution, mais c’est risqué. Il peut raboter les marges mais les pétroliers vont dire que s’il n’y a pas de marge, ils ne pourront pas investir pour réduire leurs émissions. Par ailleurs, du côté de la distribution, les marges sont très réduites. Les hypermarchés, par exemple, n’en font pratiquement pas. Ils utilisent les ventes de carburant comme produit d’appel.
Le gouvernement pourrait évidemment réduire les taxes sur les hydrocarbures, parce dans un litre d’essence, on paie plus de la moitié en taxes. Mais franchement, réduire les taxes sur l’essence serait suicidaire. Le gouvernement perdrait une grande partie de ses recettes fiscales qui sont là plus importantes que l’impôt sur le revenu. La structure budgétaire actuelle et le surendettement ne lui pardonneraient pas, les électeurs-contribuables non plus.
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Alors, le gouvernement peut toujours soulager la facture en distribuant de l’argent, des chèques carburants, des chèques énergie, des primes à l’électricité, mais ça coute un prix exorbitant, ça fragilise une entreprise comme EDF, et ça n’empêche pas le prix du brut de monter. En 2021, on a dû « cramer » près de 30 milliards d’euros pour calmer la grogne des automobilistes. On va sans doute continuer.
Alors, il y aurait bien une solution plus durable, qui serait de dépenser cet argent pour accélérer le passage à l'électrique, investir dans les voitures, les batteries, les stations de recharge qui sont très rares ... et aussi relancer la production d’électricité nucléaire.
Mais on ne voit pas dans les programmes pour la présidentielle l’affirmation d’une ambition très forte. Tout le monde est très frileux.
Pire que frileux, on peut être frappé du silence d’une partie de la gauche et des écologistes sur cette question. La hausse des carburants touche d’abord des populations assez défavorisées. Elles habitent la campagne, les petites villes et paient tout plein pot.
Et bien, sur ce point, les écologistes n’ont pas de solution, sauf à dissuader les gens d’utiliser leur voiture. Parce qu’un pétrole cher leur donne raison. Un pétrole cher signe l’arrêt de mort de l’automobile. Ils sont très contents mais ils n’ont rien pour la remplacer. Peut-être l’électricité, mais l’électricité est nucléaire et ils sont contre le nucléaire. Ils ne disent rien. Un jour viendra où les populations s’apercevront que les écologistes sont en partie à l’origine du renchérissement des énergies puisqu’ils s’opposent bec et ongles au nucléaire.
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Mais la gauche n’est pas plus bruyante. La campagne de la primaire n’a pas dit un mot sur le prix de l’essence. Elle a parlé de l’écriture inclusive, des violences faites aux femmes. Mais du prix de l’essence, non.
La gauche et l’ensemble de la classe politique préfèrent parler du risque d’inflation généralisée et des pertes de pouvoir d’achat. Ils sont à côté du sujet. Ils se trompent. Les hausses de prix sont très localisées ; les carburants, pétrole et gaz, l’électricité parce que son prix dépend du fuel et du gaz. Vous avez des produits alimentaires, et des composants industriels qui sont bloqués en Asie. L’immobilier, un peu, mais pour le reste, il n’y a pas de contamination aux autres produits et notamment aux salaires. Il y a assez peu de hausses de salaires, les syndicats ne sont pas vindicatifs sur les salaires, les seules hausses de salaires ont lieu dans les secteurs en tension avec des fortes productivités. Le digital et le e-commerce.
Cela dit, on arrive en campagne présidentielle, on peut avoir un mouvement revendicatif à la hausse. Un mouvement de rattrapage. Mais on ne voit pas un phénomène de contagion en Europe. Les États-Unis sont plus menacés que nous, mais ça restera limité.
L’économie est dominée par la croissance, l’investissement et l’emploi. Ces indicateurs sont bien orientés au vert. Donc l’économie génère du travail et de la richesse. Ça n’est pas inflationniste.
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