La Finlande éduque ses enfants à la détection de la désinformation. Et y parvient<!-- --> | Atlantico.fr
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Une professeure et ses élèves au coeur d'une école primaire à Vaasa, en Finlande.
Une professeure et ses élèves au coeur d'une école primaire à Vaasa, en Finlande.
©AFP / OLIVIER MORIN

Education

Un modèle nordique intéressant alors qu’une étude pour la Fondation Reboot et la Fondation Jean-Jaurès révèle que les jeunes Français font montre d’une préoccupante désaffection pour la science.

Charly Salonius-Pasternak

Charly Salonius-Pasternak

Charly Salonius-Pasternak est chercheur à l'Institut finlandais des affaires internationales. Ses travaux portent notamment sur les questions de défense et sur les Etats-Unis.

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Atlantico : La Finlande éduque ses enfants à détecter la désinformation avec une nouvelle méthode. Quelle est cette stratégie ?

Charly Salonius-Pasternak : Il est important de dire qu'il ne s'agit pas d'une seule approche, il n'y a pas de "classe" donnée pour traiter le sujet. Ce n'est pas dans toutes les classes - tu vas avoir du mal à en parler en menuiserie - mais si tu es en histoire ou en sciences sociales, alors le professeur peut en parler et le faire de différentes manières selon la matière, la situation, ou l'âge des élèves, etc. L'idée est d'avoir des discussions sur l'origine de l'information, est-ce fiable ou non, etc. Les enseignants comprennent que la désinformation est un sujet où ils doivent améliorer les connaissances de leurs élèves. En gros, quand un sujet revient en cours de maths. L'enseignant est encouragé à en discuter plutôt que de simplement l'ignorer et de parler de mathématiques. Il est plus important de couper les racines d'une rumeur que de faire des calculs, ils se rattraperont plus tard.

Pourquoi est-il nécessaire de faire cela ? Quelles sont les racines de cette politique ? La pandémie de Covid-19 ? La guerre en Ukraine? Autre chose ?

L'exigence explicite de traiter des choses comme celle-ci date d'environ une décennie. L'idée est d'éduquer mieux les gens pour qu'ils deviennent de bons citoyens. Ce n'est pas, contrairement à d'autres pays, suite à un évènement important que ces décisions ont été prises. Mais évidemment le climat actuel permet de bien rendre plus facile la justification de ce genre de politiques. L'actualité a pu servir d'exemple concret aux problèmes de désinformation. Est-ce que cela veut dire que tous les médias finlandais sont irréprochables ? Évidemment que non, mais il y a une prise de conscience que tous ne se valent pas.

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La Finlande s'est classée n°1 sur 41 pays européens en matière de résilience contre la désinformation pour la cinquième fois consécutive dans une enquête publiée en octobre. Est-ce la preuve du succès de cette politique ? Quelles sont les raisons de ce succès ?

Je pense que oui. Cela a à voir avec une culture générale des médias. C'est plus facile en Finlande pour de nombreuses raisons : confiance dans les institutions, confiance dans les enseignants, système scolaire complet, université gratuite, éducation des adultes gratuite, grande confiance dans les médias. Le simple fait qu'il y ait une justification possible après s'être débarrassé du feu est, en soi, un bon signe. Aux États-Unis, par exemple, les gens ne sont même pas d'accord sur les faits. 

Comparativement, les Finlandais croient davantage en une approche pratique et rationnelle. Ils ont, en général, une façon rationnelle de faire les choses et de résoudre les choses. Cela impacte parfois leur côté émotionnel. 

Selon un récent sondage français, la proportion de jeunes ayant une perception positive des sciences a baissé de 22 points en cinquante ans. Est-ce pour prévenir de telles situations que la Finlande a décidé d'agir ?

En Finlande, la croyance en la science n'a pas diminué pendant des décennies. Ce n'est pas quelque chose qui s'exporte en soi, mais ça peut donner des leçons. Sur la façon de parler des enseignants ou des politiciens. Il y a un respect des experts. Même les partis d'extrême droite, lorsqu'ils critiquent des décisions, ne critiquent pas - pour la plupart - la science qui les sous-tend. Bien sûr, il faut questionner la science, ça en fait partie, mais c'est un questionnement rationnel.

Quelles pourraient être les leçons de la politique finlandaise pour les autres pays européens ?

La confiance sociale dans le gouvernement, le discours public, les médias et la science, ne peut pas être transposée ou construite d'un coup. Mais c'est quelque chose à laquelle il faut tendre. Ce qui peut être fait, c'est de commencer le processus de discussion de la désinformation. Même dès la garderie si nécessaire. Développer l'idée qu'il est normal de discuter de notre source d'information est quelque chose qui peut être fait. La culture de la discussion peut être copiée.

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