La démocratie est assiégée. Et ses pires assaillants ne sont pas toujours ceux que l’on croit<!-- --> | Atlantico.fr
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démocratie count every vote
démocratie count every vote
©SPENCER PLATT / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Aux États-Unis... et ailleurs

Alors que de nombreuses incertitudes demeurent aux Etats-Unis, la démocratie serait-elle menacée par ceux auxquels on s’attendait le moins ? N’a-t-on pas trop tendance à célébrer la démocratie uniquement quand elle va dans le "bon" sens ? Assiste-t-on à un rétrécissement du champ de ce qui doit être décidé par le vote ?

Chantal Delsol

Chantal Delsol

Chantal Delsol est journaliste, philosophe,  écrivain, et historienne des idées politiques.

 

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Atlantico.fr : Certains écologistes estiment que la démocratie est trop lente pour faire face à l’urgence climatique. La démocratie serait-elle menacée par ceux auxquels on s’attendait le moins ? 

Chantal Delsol : Les écologistes, et même les plus modérés, ont toujours dit que leur problème était là : les questions écologiques sont des questions de long terme, tandis que la démocratie ne travaille jamais qu’à court terme (en raison de la taille des mandats). La réponse avouée ou non est : pour répondre vraiment aux questions écologiques, il faudrait récuser d’une manière ou d’une autre la démocratie. D’ailleurs le père de la pensée écologique actuelle, Hans Jonas, dans son Principe de responsabilité qui est la Bible de nos Verts, a écrit plusieurs pages pour faire l’éloge de Staline en disant que seul un régime de cette sorte pourrait promouvoir les bonnes mesures en ce qui concerne la nature.

Le mépris envers ceux qui portent au pouvoir des personnalités dites populistes est-il une remise en cause de la démocratie ?

Dans l’affrontement entre les progressistes (appelons-les comme çà) et les populistes (appelons-les comme çà), les deux parties d’une manière ou d’une autre récusent la démocratie. Les populistes mettent en cause certaines libertés publiques et égratignent les constitutions. Les populistes ignorent les peuples quand ils votent mal, par exemple lors des referenda sur l’Europe. Mais plus généralement, c’est un déni de démocratie que de mépriser les peuples (« un panier de gens déplorables » disait H.Clinton) quand ils ne sont pas progressistes. C’est une manière de dire qu’il faudrait supprimer la démocratie, qui permet à des gens ignorants de s’exprimer. En ce moment, on entend des intellectuels newyorkais parler des électeurs de Trump avec un tel mépris qu’on se demande pourquoi ces intellectuels se disent encore démocrates : qu’ils défendent publiquement une oligarchie, ce serait plus honnête.

N’a-t-on pas trop tendance à célébrer la démocratie uniquement quand elle va dans le “bon” sens ? N’est-elle pas devenue un simple moyen d’arriver à ses fins davantage qu’une valeur en soi ?

La démocratie n’a jamais empêché qu’il existe un courant dominant peu porté à la tolérance. C’est ce que nous appelons aujourd’hui le politiquement correct. Mais cela existe à chaque époque, démocratie ou pas. Il y a un siècle, l’homosexualité était fustigée et aujourd’hui ce sont les homophobes qui le sont. Il y a changement de morale, mais il y en a toujours une, qui tente de s’imposer par le conformisme et la dérision.

La crise sanitaire montre que beaucoup de mesures contraignantes ont été prises sans consultation du peuple ou même du parlement. Assiste-t-on à un rétrécissement du champ de ce qui doit être décidé par le vote ?

La crise sanitaire est d’abord affaire de science, et la science par définition ignore la tolérance. Devant une pandémie les critères de la démocratie sont forcément bouleversés. Cependant c’est le politique qui doit choisir entre les mesures proposées par la science. Et c’est le politique qui hiérarchise les valeurs : la priorité de la santé sur l’économie ou l’inverse, et dans quelle mesure. Les mesures contraignantes sont prises par des gouvernants qui ont été élus, et cela ne me choque pas. Ce qui me choque, c’est l’hygiénisme de nos gouvernants : il n’y a que les corps qui comptent, au détriment de tout le reste. Mais en élisant Macron, nous le savions. Il est un fils de l’époque – aucun principe supérieur au-delà de la vie nue : la peau ! dirait Malaparte. 

Quel est le bon équilibre à trouver entre un tout référendum et une démarche autoritaire ?

Il n’y a d’équilibre que dans la décentralisation et une certaine autonomie des petites régions. C’est là qu’on peut faire des referenda, et c’est  là qu’aucun régime autoritaire ne peut jamais voir le jour. Autant dire que la France en est loin. 

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