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La croissance ne profite-t-elle qu'aux riches ?
La croissance ne profite-t-elle qu'aux riches ?
©Reuters

Machine à sous

L'idée selon laquelle la croissance économique des dernière décennies s'est faite au profit des 1 % les plus riches a la vie dure. Les causes des inégalités actuelles sont pourtant plus complexes et résultent directement de choix politiques.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Mamta Murthi, économiste de la banque mondiale, responsable de l’Europe centrale et des pays Baltes, publiait le 17 février un billet consacré à l’impact de la croissance sur les « bottom 40 % », soit les 40 % de la population les moins favorisés au titre de l’échelle des revenus. 

L’économiste se réjouit de constater le retour de la croissance en 2014 dans les pays ici concernés ; Croatie, Roumanie, Pologne, Pays Baltes etc. Et ce, tout en se posant la question du partage des fruits de cette croissance. Le constat se veut positif : le partage est équitable et l’amélioration du niveau de vie n’échappe pas aux catégories les moins aisées de la population. La Roumanie fait exception car les revenus des « 40 % » progressent même au-delà du total de l’ensemble.

Croissance des Revenus des « bottom 40% » et de l’ensemble de la population. Europe Centrale et Pays Baltes.

Source. Banque Mondiale.

L’économiste constate que le taux de chômage des « 40 % » est plus élevé que la moyenne totale. En conséquence, toute reprise de la croissance, créatrice d’emplois, va permettre l’accroissement des revenus des plus fragiles. Afin d’améliorer la situation, Mamta Murthi propose d’accompagner cette croissance de deux programmes. L’aide aux personnes les plus éloignées de l’emploi, aussi bien en termes géographiques que de compétences, et le recul de l’âge de la retraite. Cette dernière proposition pourrait surprendre, mais la réalité est qu’un nombre important des personnes concernées par la pauvreté sont de jeunes retraités. Le recul de l’âge de la retraite permet dès lors à ces personnes d’être absorbées par le marché de l’emploi, et de percevoir ainsi des revenus plus importants.

« En Europe centrale et dans les Pays Baltes, 10 à 30 % des pauvres sont des ménages uniquement composés de personnes de plus de 65 ans. Alors que certaines de ces personnes peuvent travailler, la plupart ne dépendent que de leurs pensions ou d’autres transferts comme seule source de revenus. Etant donné que les gouvernements continuent de réduire leur déficit budgétaire, ils devraient penser attentivement aux types de dépenses qu’ils souhaitent couper. Maintenir des niveaux de revenus adéquats aux personnes âgées les plus pauvres permet de partager la prospérité. Le coût d’une telle approche peut être amorti en restreignant l’accès à la retraite aux personnes moins âgées, ce qui peut également inciter de jeunes retraités à reprendre un emploi. »

Malgré son caractère spécifique, l’article de Mamat Murthi rejoint les thèses défendues en fin d’année 2013 par deux économistes américains, Dean Baker et Jared Bernstein dans leur ouvrage: « Getting back to full employment » (Revenir au plein emploi) : le moyen le plus efficace de lutter contre la pauvreté et les inégalités n’est rien d’autre que le retour de la croissance et du plein emploi.

« Les arguments en faveur du plein emploi sont évidents, non controversés, et même non partisans : les gens ont besoin d’un travail pour s’en sortir par eux-mêmes, et le manque d’emplois frappe ces gens aussi fortement qu’il frappe la nation. C’est une perte d’un point de vue social d’avoir une économie qui n’est pas en situation de plein emploi. Quand nous avons une personne ayant la volonté et la capacité de travailler qui ne peut trouver un emploi en raison de la faiblesse de l’économie, nous nions le désir de cette personne à réaliser son potentiel et nous perdons sa contribution à l’ensemble de l’économie et de la société. Et quand ce nombre grossit pour atteindre des millions, nous ne pouvons que constater la perte calamiteuse qui nous frappe aujourd’hui et qui se propage à travers les générations. Cette calamité est plus importante pour ceux qui ne peuvent trouver un emploi et pour ceux qui ne peuvent trouver suffisamment d’heures de travail pour satisfaire leurs besoins »

Au contraire « lorsque le marché est proche du plein emploi, même les personnes les moins éduquées ont une capacité plus forte de demander un meilleur salaire. Ils peuvent demander une augmentation, ou trouver un nouvel emploi si leur patron le leur refuse. En ce sens, le plein emploi est un facteur déterminant de la distribution des revenus. »

Malgré les apparences, les deux économistes n’enfoncent pas des portes ouvertes. Le plein emploi permet de restreindre le marché du travail, donnant ainsi la main forte aux salariés, et notamment aux plus fragiles d’entre eux. Dès lors, aucune autre politique ne peut approcher de près ou de loin ses effets sur la lutte contre la pauvreté et les inégalités. Il reste à ajouter que le plein emploi n’est pas une utopie économique, il est un choix politique. Un choix politique qui ne fait pas partie du programme en Europe, car comme le déclarait Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne en janvier 2013 « Notre mandat n’est pas le plein emploi ».

Pour en savoir plus sur ce sujet, lisez le nouveau livre de Nicolas Goetzmann :Sortir l'Europe de la crise : le modèle japonais, (Atlantico éditions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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