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La classe moyenne face à la crise : "voir petit" une réalité déprimante mais bien installée
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La classe moyenne à la loupe

Pour beaucoup de Français appartenant à la classe moyenne, la crise a été synonyme de "petit". "Petits calculs" et "petites économies" font désormais partie de leur quotidien. Première partie de notre série consacrée à la classe moyenne (1/4).

Véronique  Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier

Véronique Langlois et Xavier Charpentier ont créé en mars 2007 FreeThinking, laboratoire de recherche consommateur 2.0 de Publicis Groupe.

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Premier enseignement de cette plongée au cœur des classes moyennes : la baisse du pouvoir d’achat comme élément structurel de la vie de ces Français est une réalité, une réalité lourde, pesante, permanente, de longue durée. Une réalité à la fois mesurable, quantitative. Et sensible, qualitative, ce qui est peut-être pire.

Une réalité mesurable : quand les Français font de la micro-économie

C’est le premier constat : le pouvoir d’achat n’est plus le même qu’avant. Il s’est dégradé. Tous les débats qui pouvaient encore avoir lieu il y a 2 ou 3 ans sur la réalité statistique de la baisse du pouvoir d’achat des Français semblent aujourd’hui dérisoires, au regard de la réalité de vie qu’ils décrivent avec beaucoup de précisions. Parler du pouvoir d’achat, pour eux, c’est d’abord parler de faits vérifiés tous les jours. Et pour les plus âgés d’un changement dramatique.

"Je me souviens quand nous avons pris notre premier appartement avec mon futur mari, on allait faire les courses à Leclerc (les hard discounts n’existaient pas, je sais, ça fait un peu préhistoire) on remplissait le caddie pour 1 500 francs une fois par mois, il débordait, c’était le bon temps (je n’ai que 43 ans) j’ai l’impression que maintenant au lieu d’aller mieux, c’est de plus en plus la galère."

"Moi je mets 50 euros d’essence depuis des années rien n’a changé. Ah si, j’en ai deux fois moins qu’avant."

Au-delà du constat général, la baisse du pouvoir d’achat impacte leur façon de vivre de trois façons :

D’abord en envahissant tous les domaines de leur vie quotidienne. Rien n’échappe à cette paille de fer. Tous les aspects de la vie sont concernés : consommation courante, façon de s’alimenter, loisirs, vacances, temps libre, confort domestique…

"Je n’ai plus de budget loisir. Je suis allée une fois au ciné en 2 ans, nous ne partons plus aux sports d’hiver (une semaine par an auparavant) ni en week-end. Nous partons une seule fois en vacances, dans mon village familial où je peux profiter du prêt d’une maison (avant, nous louions toujours)."

Ensuite en faisant entrer le calcul dans la vie de tous les jours plus qu’il n’y est jamais entré. Ce qui envahit la vie, ce n’est pas seulement la pénurie c’est aussi la discipline qu’elle induit. Vivre, c’est calculer. La société de consommation devient une « société de calculation ». Le ticket de caisse devient un document précieux, que l’on conserve – plusieurs mois. Le calcul, la vérification en temps réel sont pratiqués de manière systématique.

"J’ai comparé mes tickets de caisse de l’année dernière et ceux de cette année (grande conservatrice lol) tout a augmenté. Comment ferons-nous dans 2 ans ou 5 ans. Cela me fait franchement peur."

"Nous avons économisé sur les courses : hard discount, promotion et calculette à la main pendant les courses."

"- Un truc qui est pratique pour être sûr en temps réel de ce qu’on met dans le caddie, c’est le système de self-scan mis en place par certains supermarchés !!! Tu connais ?
- Oui ça permet de savoir exactement combien y a dans le caddie… et surtout de vérifier les megasuper promos que fait le magasin en comparant les produits directement … Mais cela ne fait pas baisser le prix !!!"

En adoptant enfin un mot d’ordre déprimant : voir petit. Les calculs qui envahissent la vie, ce sont de « petits » calculs. Compter non seulement à l’euro près, mais aussi au centime près et souvent au demi-degré ou au jour près, le consommateur français est bel et bien engagé dans cette démarche.

"Pour le chauffage nous avons baissé le thermostat à 21° dans la journée plutôt que 21°5 (je travaille chez moi) ce qui fait encore quelques économies substantielles."

Une réalité sensible : quand les Français souffrent

Au-delà de la vie quotidienne dans ce qu’elle a de plus concret, la baisse du pouvoir d’achat, c’est une véritable souffrance. Des blessures d’autant plus vives qu’elles sont répétitives et ne peuvent jamais cicatriser. Prendre l’habitude de la restriction est par définition impossible dans une société qui reste en principe de consommation. Une réalité de perception qui s’exprime dans les récits de vie, les expériences partagées, et de façon plus globale dans le vocabulaire employé. A côté de celui de la débrouille, celui du sacrificiel émerge : « peser », « souffrir », « sacrifier », « en être à… ». Au fond c’est ça, voir son pouvoir d’achat baisser : « en être à… ».

"Notre pouvoir d’achat a fortement diminué nous obligeant à des sacrifices qui pèsent sur le quotidien et le moral (plus de ciné ni de restos…) les courses sont devenues un casse-tête pour pouvoir manger convenablement et équilibré avec un budget mini…"

"Mon dernier sacrifice était de partir en vacances en famille. Lors du mois d’avril, je suis descendue chez mes parents dans le Sud de la France et en raison des coûts du billet nous ne sommes pas partis à 3 mais seulement à deux avec mon fils."

"J’évite de rentrer dans un magasin de fringues si je sais que je ne peux rien y acheter, à quoi ça sert de regarder de toucher et de partir, aucun intérêt."

"Et oui je me souviens il y a 5 ans de cela le jour des courses était une fête, j’y allais en pensant avec quoi je pourrais composer des repas pour faire plaisir à chacun son tour. Aujourd’hui j’en suis à comment accommoder le riz et les pates de la meilleure façon ?"

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