La bataille des mots : anatomie du populisme<!-- --> | Atlantico.fr
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François-Bernard Huyghe publie « La bataille des mots » chez VA éditions.
François-Bernard Huyghe publie « La bataille des mots » chez VA éditions.
©WILLIAM WEST / AFP

Bonnes feuilles

François-Bernard Huyghe publie « La bataille des mots » chez VA éditions. La réélection d'Emmanuel Macron a montré une France fracturée et où domine le vote protestataire. Pro et antisystème, mondialistes et souverainistes, populistes et élites, identitaires et progressistes… les lignes de front sont multiples. Chacun tente d'imposer sa phraséologie. Extrait 1/2.

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe

François-Bernard Huyghe, docteur d’État, hdr., est directeur de recherche à l’IRIS, spécialisé dans la communication, la cyberstratégie et l’intelligence économique, derniers livres : « L’art de la guerre idéologique » (le Cerf 2021) et  « Fake news Manip, infox et infodémie en 2021 » (VA éditeurs 2020).

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Populisme est une injure qui disqualifie celui qui ne partage pas nos valeurs, le pays qui n’est pas de notre camp, le mouvement social qui nous inquiète, la source d’information trop douteuse, les idées trop simplistes, les programmes trop autoritaires, les gens trop repliés sur leur identité fantasmée… Quelque part entre idéologie, pathologie, démagogie, utopie et mythologie, le populisme, se voit reprocher

a) de reposer sur une vision fausse du réel (ses partisans seraient, par exemple enclins à trouver des responsables uniques à leurs malheurs compliqués)

b) de prétendre exprimer une volonté univoque des masses faisant fi du principe de représentation et de l’État de droit

c) de stimuler des passions dangereuses (telles la haine de l’autre, la jalousie, la colère et le fantasme de la pureté ethnique)

d) de rejeter toute forme de complexité, de compétence, de coopération internationale, d’ouverture, voire d’acquis des Lumières au profit du schéma binaire eux contre nous, citoyens authentiques contre exploiteurs…

Pourtant, en dépit de dizaines de travaux académiques, il n’existe guère de consensus sur un concept positif et moins encore scientifique. Impossible d’abord de trouver un corpus d’idées populiste par essence, impliquant une certaine politique étrangère, sociale ou économique, une philosophie du pouvoir… Du reste, les premiers partis qui se sont définis comme populistes, d’extrême-gauche en Russie dans les années 1860, de petits propriétaires ruraux américains dans les années 1870, n’avaient guère de doctrine en commun, sinon la référence à un peuple malheureux. D’autres ont cherché à définir un « style populiste » : dirigeants démagogues, braillards, excessifs flattant les foules et dénonçant les élites… Ou foules refusant toute contrainte de la réalité et en imputant tout leur malheur à des coupables : gouvernants, journalistes, experts, riches bénéficiaires du système, bref, ceux d’en haut. Mais à ce compte qui n’est pas même marginalement un populiste ?

Le populisme renvoie à un rapport stratégique (entre dirigeants et dirigés). Il suppose une hostilité, car il n’existe pas sans adversaires d’en haut. Le populisme – souvent renvoyé à la lutte du bloc populaire contre le bloc élitaire, des everywhere contre les somewhere ou des périphériques contre les centraux – suppose, certes, une réaction des classes malheureuses, insatisfaites qui ne profitent du « système » (de la modernité, de l’ouverture, etc.) ni matériellement, ni culturellement, ni symboliquement. De là leur défiance envers qui prétend les représenter, les diriger ou surtout les morigéner.

Le populisme se manifeste quand il y a crise des idées tenues pour évidentes et des rapports sociaux réputés stables. Quand les grilles droite/gauche fonctionnent mal, quand une partie de la population ne se reconnaît plus dans ceux qui sont censés la diriger ou lui dire quoi penser. Ce sont des moments où le conflit des croyances et des intérêts n’est plus ritualisé ni médiatisé par les appareils politiques et culturels. Le peuple – ou sa fraction « populiste » – réclame justement sa légitimité souveraine. Il intervient, souvent maladroitement, sur la scène politique où il veut imposer d’autres règles. Il veut surtout s’exprimer, à travers des revendications qui disent « nous sommes le peuple, nous voulons être entendus, voir notre souffrance, ne plus être méprisés, etc. ». Si le populisme existe en opposition aux élites, c’est en ce qu’il leur reproche de ne plus être ni issues du peuple, ni représentatives, ni soucieuses de son sort.

Dard O., Boutin C. et Rouvillois F. (Dir.), Le dictionnaire des populismes, Cerf, 2019

Extrait du livre de François-Bernard Huyghe, « La bataille des mots », publié chez VA éditions

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