L’opinion publique française sait qu’elle aura besoin de l’énergie nucléaire, mais elle n’ose pas encore le dire<!-- --> | Atlantico.fr
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En acceptant le développement de l’énergie nucléaire, la France aurait le moyen de répondre à tous ses besoins, pour atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.
En acceptant le développement de l’énergie nucléaire, la France aurait le moyen de répondre à tous ses besoins, pour atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique.
©PHILIPPE DESMAZES / AFP

Atlantico Business

Pour des questions de sécurité d’approvisionnement, de coût et de lutte pour le climat, les Français finiront par se convaincre que l'énergie nucléaire va redevenir incontournable. Même les écolos y pensent.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Tout arrive. Il faut croire que la crise rend intelligent. Les Français (y compris à gauche, y compris chez les écologistes) commencent à se convaincre que la France aurait intérêt à redécouvrir l’énergie nucléaire. Les hommes politiques le sentent. Emmanuel Macron commence à le dire. Mais quelle prudence, alors que la campagne présidentielle devrait offrir l’opportunité d’une pédagogie de masse.

En acceptant le développement de l’énergie nucléaire, la France aurait sans doute le moyen de répondre à tous ses besoins, en toute indépendance et à un coût compétitif pour atteindre ses objectifs de lutte contre le réchauffement climatique. Ce n’est ni un pari militant ou idéologique,c’est l’enjeu pour les cinquante prochaines années que le Cérémé voudrait voir relever par le prochain président de la République, quel qu’il soit.

Le Cérémé (Cercle d'Étude Réalités Écologiques et Mix Énergétique) est un think tank spécialisé dans l’étude des mix énergétiques qui jouit d’une légitimité forte par son expertise dans les milieux industriels et politiques.

Et le Cérémé s’est fixé comme objectif d’alimenter le débat sur les choix énergétiques de la France. Depuis la fin de l’année dernière, les animateurs du Cérémé sont sortis du silence pour alerter l’opinion publique sur les insuffisances et les déficits des différents scénarios proposés par RTE. Or, ce sont ces scénarios RTE qui ont été utilisés par Emmanuel Macron pour présenter ses choix de politique énergétique, à Belfort au début de cette année.

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Les propos d’Emmanuel Macron à Belfort ont officialisé un changement notoire quant à la politique française de l’énergie, puisqu‘il a reconnu la nécessité de réserver une part importante à l’énergie d’origine nucléaire.

D’abord, parce que la France a une histoire et une expertise forte dans le domaine du nucléaire.

Mais aussi parce que l’environnement international a souligné les risques d’une forte dépendance à l'égard de l'étranger et notamment de la Russie.

Donc si la France veut répondre aux besoins en électricité, éviter les ruptures, tout en participant comme elle s’y est engagé à lutter contre le réchauffement climatique, il lui fallait certes opter pour des énergies renouvelables, mais surtout ne pas abandonner le nucléaire parce que l’éolien, c’est bien, sauf que les centrales éoliennes sont de moins en moins bien acceptées dans le paysage et qu’en plus, on s’est aperçu que l’éolien avait du mal à faire le job quand il n’y a pas de vent.

Le président a donc repris l’essentiel du rapport RTE 2050, dont les scénarios plafonnent la part de l'électricité nucléaire à 50% du mix alors même, rappellent les dirigeants de Cérémé, que « la comparaison des six scénarios démontrait la supériorité, sur tous les critères, du scénario comportant le plus de nucléaire".

Et pour le démontrer, le Cérémé a demandé au cabinet Roland Berger d’étudier et de tester la mise en œuvre du scénario le plus ambitieux en terme de nucléaire et de rendre publiques les conclusions de ce qui vient d’être fait.

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Xavier Moreno, le président fondateur de l’association Cérémé, est formel : "Notre plan prévoit une relance beaucoup plus importante du nucléaire, avec un prolongement des centrales actuelles jusqu'à 70 ans et 24 EPR en fonctionnement à horizon 2050, soit 80% du mix électrique à cet horizon" contre 70% aujourd'hui, prévient encore Xavier Moreno, président fondateur de l'association. Et surtout, un plafonnement à 50% seulement, à l’horizon 2050 dans les projets RTE, qui sont retenus par Emmanuel Macron.

Les ingénieurs de Cérémé et les analystes du cabinet Berger ne sont pas tendres avec les études officielles de la filiale EDF parce que notamment, ces études ne tiennent pas compte des moyens à mettre en œuvre pour assurer la sécurité des approvisionnements. RTE compte sur une forte intégration des énergies naturelles et renouvelables (les éoliennes), lesquelles sont très vulnérables aux conditions météorologiques.

Donc si les objectifs sont d’avoir une électricité décarbonéemais au prix de courir un risque de ne pas pouvoir couvrir les besoins aux heures de pointe, l’opinion publique a de fortes chances de grogner et de ne pas accepter cette contrainte.

Nos voisins allemands en savent quelque chose. Sous la pression des Verts, ils ont abandonné le nucléaire il y a plus de dix ans, tout le monde a applaudi mais ils se retrouvent aujourd'hui être les plus gros pollueurs de l'Union européenne parce que leurs parcs d'éoliennes ne suffisent pas, parce qu’ils sont obligés de brûler du gaz russe et parfois même du pétrole et du charbon. En pleine guerre en Ukraine, la dépendance devient insupportable.

Ce qui est intéressant dans le scénario retenu par Cérémé (le n4), c’est que le mix proposé assure une sécurité d'approvisionnement supérieure aux scénarios de RTE ainsi qu'une performance climatique équivalente. Mais, le rapport Roland Berger montre aussi que, sur la question des coûts, il s’avère le plus compétitif. Il chiffre les investissements nécessaires à 591 milliards d'euros, à horizon 2050, contre respectivement 745 pour le n3 et 912 milliards d'euros pour le mix présenté à Belfort.

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Restent deux questions de fond : la première porte sur la capacité de la filière à remplir un engagement aussi ambitieux quand on sait les difficultés et les retards accumulés dans la construction et la mise en route des EPR actuels. La deuxième porte sur les questions de sécurité quand on sait que le plan prévu intègre un allongement de la durée de vie des centrales actuelles et qu’il faut évidemment les entretenir et les sécuriser.

Ces questions sont de vraies questions qui, techniquement sont solubles, évidemment. Quand on veut, on peut. Mais il faut le vouloir ne pas se cacher derrière de faux prétextes. La difficulté porte donc sur la communication et la pédagogie qui sont, certes, de la responsabilité des hommes de la filière, mais aussi et surtout, des responsables politiques. C’est évidemment à eux de convaincre que ces choix sont incontournables. Alors que pendant des années, beaucoup d’entre eux ont vécu (et beaucoup continuent à vivre) sur le commerce de la peur du nucléaire.

Pour aller plus loin : le livre de Fabien Bouglé. Nucléaire, les vérités cachées, face à l’illusion des énergie renouvelables (éditions du Rocher)

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