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Une personne joue à un jeu sur son téléphone portable lors d'une vidéoconférence alors qu'il est en télétravail, le 14 mai 2020 dans la région de Nantes.
Une personne joue à un jeu sur son téléphone portable lors d'une vidéoconférence alors qu'il est en télétravail, le 14 mai 2020 dans la région de Nantes.
©Loic VENANCE / AFP

Droit à la déconnexion

Depuis le début de la pandémie, les outils numériques se sont démocratisés et sont de plus en plus utilisés sur le plan professionnel dans le cadre du télétravail notamment. Cette augmentation soudaine du temps passé en ligne pour des tâches professionnelles et sur des outils numériques lors de réunions interminables a pu avoir des conséquences néfastes.

Stéphane Blocquaux

Stéphane Blocquaux

Fort d'une expérience de 15 ans sur le terrain, docteur en Science de l'information et de la communication, Stéphane Blocquaux a mené diverses formations ou expertises auprès du ministère de la Santé, du Sénat, de la Fondation pour l'Enfance ou encore de la Protection judiciaire de la jeunesse.

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Atlantico : Une récente étude faite par Microsoft sur ses utilisateurs en 2020 a montré qu’au cours de l’année, on passait en moyenne 148% de temps en plus en réunion de travail (en ligne), que la quantité de mails reçus par les utilisateurs avait explosé, augmentant de 40 milliards entre février 2020 et février 2021, illustrant une augmentation aussi importante qu’imprévue de l’ensemble de nos usages numériques professionnels notamment : quelles sont les conséquences de cette augmentation brusque du recours au numérique et de son omniprésence sur les usagers ?

Stéphane Blocquaux : Il est certain que les systèmes de communication digitale sont parmi les grands gagnants de la pandémie. On parlait déjà depuis quelques années de Mooc, de cours à distance, d'autoévaluation en ligne, etc. Mais l'accélération a été foudroyante puisque le numérique n'était plus une option. C'est devenu une obligation qui a dû se traduire très rapidement dans la réalité. Il y a eu un flottement d'environ 15 jours et des solutions se sont développées de façon fulgurante. Des applications comme Sharepoint, Teams, Zoom, étaient inconnues et relevaient uniquement du domaine de l'innovation.

Concernant le télétravail, l’étude renseigne qu’il a mené de facto à une augmentation du temps de travail d’environ une heure par jour, tout en montrant que l’attention requise pour télétravailler était bien plus grande que pour le travail en "présentiel": comment faire en sorte que le télétravail ne soit pas synonyme de trop grande pénibilité et fatigue ?

Je n'ai jamais été de ceux qui partaient du principe que le numérique allait nous "faciliter" le travail. Pour certains, le numérique devait nous "libérer" de tâches ingrates et répétitives, optimiser nos performances, nous libérer du temps, etc. On s'aperçoit que le numérique n'est pas si libérateur que ça, bien au contraire. Jamais on n’a eu autant de chaînes au travail et jamais on a autant intensifié notre présence cognitive et psychique au travail que depuis qu'on est harassé de mails. C'est le syndrome Tamagochi, il faut en permanence l'entretenir. En télétravail, vous êtes tout le temps tenté de vérifier si vous n’avez pas reçu un ultime mail. Tout ça ne serait pas possible sans la force des systèmes de télétravail mis en place. C'était déjà le cas avant mais c'est exacerbé parce que tout ce qu'on gérait autour de la machine à café se gère maintenant par mail. La communication informelle du travail se traduit par un surcroît de communication asynchrone.

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Comment gérer l’accès effectif au droit à la déconnexion hors télétravail ?

Le droit à la déconnexion, c'est comme le droit à l'oubli pour le numérique, je n'y crois pas. C'est quasiment antinomique. C'est possible pour les gens qui ont des missions cadrées et précisées, pour d'autres c'est impossible. Pour toutes les professions de type cadre supérieur qui n’ont pas de temps de travail défini, c’est impossible de déconnecter. Quand on a une mission à remplir, on va toujours être tentés de regarder sa boite mail, même tard le soir. Il va certainement falloir réfléchir à une hygiène des pratiques numériques et une éthique du télétravail. Mais ça risque de peser peu face à la productivité qu'il va falloir déployer pour rattraper le massacre économique provoqué par le Covid. Par exemple, il faudrait arrêter d'envoyer des mails à des heures indues. On pourrait fermer certains serveurs d'envois professionnels de sorte à ce qu'un mail envoyé à 22h soit délivré seulement à 8h le lendemain. C'est toujours possible de contourner la chose mais ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas le faire.

L’étude affirme en outre qu’il faut une évolution dans les formes de communication et de travail à distance, et parfois ainsi privilégier le mémo vocal au lieu d’une visioconférence, tout en appuyant lors de ces visioconférences la proximité virtuelle entre les personnes (création par Teams du "together mode", par Zoom des "Immersive scenes"), qu’en pensez-vous ? 

Je crois beaucoup plus dans des réunions immersives grâce à la réalité virtuelle. Là il y a un vrai plus. C'est notamment étudié au Laval Virtual Center, en Mayenne. Mon groupe de recherche "Présence et Innovation" travaille sur l'idée que dans deux, trois ans on aura des réunions de type Teams totalement immersives grâce à des casques 3D. Là, vous serez dans la pièce et avec l'autre. Vous pourrez vous déplacer tridimensionnellement à l'intérieur de cette réunion avec des interactions possibles et un aspect ludique très agréable. Ça permettrait aussi de trouver un équilibre : ce n'est plus le travail qui pénètre notre domicile et notre intimité, c'est nous qui nous projetons dans un environnement de travail, en occultant les éléments parasites grâce à l'aspect immersif de la chose.

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