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L’influence et l’importance de la religion dans la vie de Charles de Gaulle
©AFP

Bonnes feuilles

Christine Goguet publie Les grands hommes et Dieu aux éditions du Rocher. Décrypter la part de Dieu, cette partie secrète de chacun permet de côtoyer à coup sûr l'intimité et de révéler la face cachée de l'homme. Christine Goguet dévoile sous un jour nouveau douze grands hommes. Extrait 1/2.

Christine Goguet

Christine Goguet

Christine Goguet est journaliste et écrivain. Après avoir été directrice de Presse et chroniqueuse pour la télévision, elle est actuellement directrice de la mission Mécénat et Partenariats du Centre des Monuments Nationaux.

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Les de Gaulle comme les Maillot sont catholiques pratiquants de génération en génération. La religion est omniprésente à la maison. Le père lit des passages de la Bible le soir, et la mère des textes pieux. De Gaulle a fait siens, comme sa mère, les credo foi et patrie. L’influence de Jeanne, la mère bien aimée de Charles, et de ses tantes religieuses du Sacré-Cœur, est patente dans le domaine de la religion et du patriotisme. « Ma mère, écrit Charles de Gaulle, portait à la patrie une passion intransigeante à l’égal de sa piété religieuse. […] Le patriotisme est une véritable foi, il ne peut s’accroître en discutant, on ne doit pas lui commander mais on a le devoir de lui obéir. »

Charles de Gaulle, baptisé le jour même de sa naissance le 22 novembre 1890 à l’église Saint-André de Lille, réalise une partie de ses études primaires à l’école des Frères de la paroisse Saint-Thomas-d’Aquin. Cette éducation laissera chez lui une empreinte intellectuelle et spirituelle. « Si ma vie a pu avoir une signification, écrit-il dans une lettre, ce n’est que par la grâce de Dieu. J’en suis, en outre, reconnaissant à mes anciens maîtres, à leurs leçons et leur exemple. » Il connaît l’histoire de l’Église, transmise par l’enseignement des pères, dont Alexandre Michel considéré comme un « éducateur sans égal ». 

La ville de Lille est alors le terreau du catholicisme social. Adepte de ce mouvement, de Gaulle est un humaniste chrétien, opposant à la lutte des classes.  Le clergé du Nord, avec des prêtres comme l’abbé Lemire et des personnalités comme Eugène Duthoit que connaissait bien Charles Kolb-Bernard, ont rendu sensible la famille de Gaulle à ce courant moderniste de politique sociale. Le Général rejettera toujours une société de riches exploitant les pauvres. L’expression d’Henri Bazire, ancien président de l’Association catholique de la jeunesse française (ACJF), décrit bien le Général : « Social parce que catholique ». 

Charles fait sa première communion le 16 mai 1901 au collège de l’Immaculée Conception, rue de Vaugirard, à Paris. On peut le voir, cérémoniaire, dans un dessin de Robert Wild en 1905, dirigeant et dominant les enfants de chœur à la chapelle du collège. Il fait partie d’une congrégation de la Sainte-Vierge, organisation qui constitue « un point d’appui des œuvres » selon Albert de Mun. 

Lors de la crise résultant des lois de 1901 et de 1905 qui interdisent aux religieux d’enseigner, les de Gaulle se battent pour défendre leurs idéaux. Néanmoins, en 1901, à un banquet d’anciens élèves, Henri de Gaulle déclare, en faisant allusion aux discordes civiles et religieuses : « On doit servir sa patrie même quand elle se trompe, attendu que tout périt si on l’abandonne, et que sa chute est un plus grand mal que son erreur. » 

En 1907, le professeur Henri a inscrit son fils Charles au collège jésuite du Sacré-Cœur, à Antoing, en Belgique. L’adolescent, doté d’un fort caractère et d’une grande fierté, vit son premier exil. Il apprécie les lettres et le débat d’idées. Il a pour mission la rédaction d’une étude sur l’histoire de cette congrégation et effectue, en mai, une retraite à Notre-Dame du Hautmont, à Mouvaux. 

La même année, brancardier à un pèlerinage de malades à Lourdes, le jeune Charles trouve toujours le temps d’écrire à sa mère : « Ma chère maman, j’ai commencé ce matin mon métier de brancardier sous le soleil sans guère de repos, c’est assez dur, mais pas tant qu’on aurait pu croire. Hier après-midi, j’ai vu une jeune fille italienne paralysée et tuberculeuse guérie à la procession du Saint-Sacrement. » Nul doute : il vient d’assister à un miracle. Son père, lui, a fondé l’école Fontanes, 41 rue du Bac, et sert quotidiennement la messe à Saint-Thomas-d’Aquin. 

L’été 1908, Charles se rend en Allemagne dans la cure de Riedern. Il assiste à la messe tous les matins, assidu aux vêpres et au salut. Il prépare ensuite Saint-Cyr au collège Stanislas à Paris. Il en sortira diplômé en 1912, classé à la treizième place, pour rejoindre le 33e régiment d’infanterie, sous les ordres du colonel Pétain. Puis il commande la 7e compagnie sur le front de la Champagne. Touché à la jambe par balles avec éclats lors de son premier combat à Dinant en août 1914, il va monter en grade et devenir rapidement capitaine, adjoint du commandant du 33e  régiment d’infanterie. 

Avant d’être à nouveau blessé en 1915 à la main gauche. Morceau de bravoure : l’officier rebelle décide de tirer sur les tranchées ennemies alors que ses chefs lui en ont donné l’interdiction. Il est relevé huit jours de ses fonctions.

Verdun. À quelques encablures, le village de Douaumont. C’est ici que le régiment du jeune officier est anéanti par les Allemands. Blessé à plusieurs reprises, fait prisonnier en mars 1916, Charles, capitaine à l’époque, a connu 32 mois de détention, après de multiples tentatives d’évasion. Il est transféré au fort d’Ingolstadt, en Bavière, un camp destiné aux officiers prisonniers rebelles. Armistice du 11 novembre 1918 : l’officier est enfin libéré. Il va pouvoir retrouver les siens. Comme ses trois frères, il revient de la guerre décoré. 

C’est l’espérance, sœur de la foi, qui le fait avancer et croire en son destin… Ce soldat patriote destiné à la mort a survécu à trois blessures et à cinq évasions manquées. Survivant presque miraculeux, il pense avoir par conséquent une mission de source sacrée à remplir. Dans les déséquilibres de la vie, de Gaulle croit en l’action mystérieuse, disait-il, « d’une force profonde » qui nous soutient et nous permet d’avancer. Cette dimension mystique est présente tout au long du destin de Charles de Gaulle. 

En 1921, il épouse Yvonne Vendroux à l’église NotreDame de Calais. Il a rencontré l’année précédente cette jeune fille issue d’une famille d’industriels calaisiens. 

En 1934, le lieutenant-colonel de Gaulle visite la Boisserie et il est séduit par cette ancienne brasserie. La bâtisse classique et austère aux allures de monastère, construite au cœur d’un parc verdoyant de deux hectares à Colombey-les-deux-Églises, va être propice à la réflexion et à la méditation. Le bureau à la fenêtre ouverte sur la paisible campagne française lui permettra de se consacrer à l’écriture – il écrit beaucoup et a publié son premier livre, La discorde chez l’ennemi, en 1924. Résidence de vacances des de Gaulle et de leurs trois enfants, la Boisserie deviendra en 1946 leur demeure définitive et leur point d’ancrage familial.

Entre-temps, la guerre est déclarée. Colonel, de Gaulle est nommé en 1937 à la tête du 507e régiment de chars, à Metz. Il s’illustre dans plusieurs batailles, est nommé soussecrétaire d’État à la Défense mais, en juin 1940, il s’exile à Londres. C’est là qu’il apprend, le 16 juillet, la mort de sa mère par le récit d’un jeune Breton qui a assisté à son inhumation à Paimpont et qui lui a apporté la photographie de sa tombe. À cause de Vichy qui a détourné les mots travail, famille, patrie que sa mère défendait, il ne peut être au chevet de Jeanne pour lui dire adieu. Le 19 juin 1940, elle avait su, par le curé du village qu’un certain appel avait été lancé sur les ondes : « Mais c’est mon fils, monsieur le curé, s’était-elle exclamée, mais c’est mon fils ! » 

Les Allemands exigent alors que la tombe de Jeanne ne porte pas de nom par crainte qu’un culte ne lui soit rendu. En dépit de cette interdiction, chaque jour des dizaines de gerbes de fleurs y sont déposées, en offrande et encouragement au fils combattant. De Gaulle va prier pour elle. Il dira qu’elle avait offert à Dieu ses souffrances pour le salut de la patrie et la mission de son fils. 

En 1941, Charles de Gaulle donne au Journal d’Égypte une déclaration sous forme de prière : je suis un Français libre. Je crois en Dieu et en l’avenir de ma patrie. Je ne suis l’homme de personne. J’ai une mission et je n’en ai qu’une, celle de poursuivre la lutte pour la libération de mon pays. Je déclare solennellement que je ne suis attaché à aucun parti politique, ni lié à aucun politicien, quel qu’il soit, ni du centre, ni de la droite, ni de la gauche. Je n’ai qu’un but : délivrer la France. 

Tout au long de la seconde guerre mondiale, ses discours sont presque mystiques. Il parle d’« un grand mouvement de résurrection nationale de la patrie crucifiée, de sainte et juste guerre comme il avait envisagé une sainte revanche, une rénovation spirituelle et morale, et finalement de miracle de la France libre, de sacerdoce, du sacrifice ».

Il porte haut les couleurs du christianisme quand il affirme : « Il faut savoir souffrir pour triompher. » Ses références à « la fureur sacrée, l’idéal sacré, l’ardeur sacrée, les obligations sacrées » sont multiples. Le 6 janvier 1942, il lance une exhortation politico-religieuse : « La France a les promesses de la vie éternelle. » 

« On ne peut comprendre de Gaulle sans évoquer sa dévotion à l’archange saint Michel, prince des milices célestes, et l’esprit de croisade qui l’anime à Londres, sans rappeler que l’ordre des Compagnons de la Libération aurait dû s’appeler Croisés de la Libération ! », écrit Alain Larcan. 

À Londres, de Gaulle est de toutes les messes. Il communie et se recueille souvent dans la petite église de Saint-Mary, voisine de Frognal House, la villa de Hampstead. Il aime se retrouver seul en tête à tête avec Dieu. Il moque les hauts milieux de Londres où, selon le professeur Jacques Prevotat, « il passe pour un cagot ». 

Le 14 juillet 1940, Charles de Gaulle écrit : « Au fond de notre abaissement, ce jour doit nous rassembler dans la foi, la volonté, l’espérance. Dans la foi, car malgré le malheur, nous savons ce que nous sommes. Nous savons qu’une bataille perdue, une faillite des dirigeants, une capitulation signée ne scellent pas le destin du pays. » Il l’affirme haut et fort : « Il faut croire. » 

Lors de sa visite au Caire le 11 mai 1941, il examine le courrier reçu à Londres. Il y a là une photo de son fils Philippe à la parade des troupes françaises organisée par l’amiral Muselier pour la fête de Jeanne d’Arc. Jeanne d’Arc, résistante et catholique, porte une place à part dans l’univers gaullien. À tel point que Eisenhower dira de lui : « De Gaulle se prend pour Jeanne d’Arc. »

Extrait du livre de Christine Goguet, "Les grands hommes et Dieu", publié aux éditions du Rocher

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