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Qu’est-ce que l’origine de l’inflation française peut laisser entrevoir comme situation pour la France par rapport aux Etats-Unis ?
Qu’est-ce que l’origine de l’inflation française peut laisser entrevoir comme situation pour la France par rapport aux Etats-Unis ?
©Philippe HUGUEN / AFP

Equilibre des finances publiques

Pour la France malheureusement, l'impact de l'inflation sur les finances publiques devrait être principalement négatif.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Que cela soit au Canada, aux États-Unis ou en France, l’inflation atteint des niveaux records impactant fortement les finances publiques. Mais ce phénomène n’a pas les mêmes sources dans tous les pays. Dans quelle mesure y-a-t-il une incidence différente sur les finances publiques selon que l’inflation soit d’origine interne comme aux États-Unis ou importée comme en France ?

Michel Ruimy : Il est communément entendu que l’inflation a un impact favorable, à court terme, sur les finances publiques. Deux arguments sont essentiellement avancés. Le premier est qu’une hausse des prix des biens à la consommation entraîne mécaniquement un accroissement supplémentaire, en valeur, des recettes de TVA pour un volume donné de consommation, d’impôt sur le bénéfice des sociétés consécutivement à une augmentation des profits, des cotisations sociales suite à une hausse des salaires… Le second est, puisque la valeur de la production intérieure brute s’élève, le ratio Dette publique / PIB diminue. Il est alors plus aisé de rembourser une dette qui, elle, n’a pas bougé.

Ces deux raisonnements sont incomplets car ils ne prennent pas en compte notamment l’origine de l’inflation. Si celle-ci est surtout d’origine interne aux Etats-Unis (hausse des salaires), elle impacte davantage la valeur du PIB et le rapport Dette publique / PIB que si elle est importée comme en France, où le PIB courant augmente peu.

Par exemple, la reprise économique post-Covid en France s’est appuyée sur une forte demande intérieure qui a engendré une inflation qui a permis une augmentation, en valeur et en volume des assiettes fiscales. Mais si, comme aujourd’hui, l’inflation provient d’un renchérissement des énergies et matières premières importées, alors les prix augmentent mais le PIB, l’emploi et la consommation sont affectés négativement (l’économie s’appauvrit).

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Il convient donc de bien saisir que l’origine de l’inflation est déterminante pour apprécier son effet sur les finances publiques.

Comment expliquer cette différence selon les sources de l’inflation ?

Outre l’origine de l’inflation, il convient aussi de tenir compte de la vitesse de propagation de la hausse des prix. A la suite d’un renchérissement du baril de pétrole, les prix à la consommation augmentent plus vite que ceux à la production, à l’inverse d’un choc de demande.

De manière générale, lorsque les tarifs s’élèvent, les recettes fiscales augmentent, en général, plus vite que les dépenses publiques. Ainsi, en théorie, l’inflation permet, mécaniquement, un surcroît de recettes de TVA, d’impôt sur les sociétés, de cotisations sociales perçues… tandis que certaines dépenses publiques indexées sur l’indice des prix (pensions de retraites, allocations familiales, allocations logement…) le sont progressivement, dans un délai inférieur à 1 an - 1 point d’inflation supplémentaire augmente automatiquement ces dépenses sociales de près de 5 Mds EUR -. En revanche, d’autres (contrats de fourniture des collectivités territoriales, des hôpitaux, salaires de la fonction publique…) le sont plus tardivement sans compter les récentes mesures exceptionnelles prises par le gouvernement afin de protéger le pouvoir d’achat des ménages et limiter l’impact du renchérissement des approvisionnements pour les entreprises (indemnité inflation, renforcement exceptionnel du chèque énergie, boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité…) qui viennent creuser le déficit public. En d’autres termes, dans le contexte actuel, toutes les primes, toutes hausses de salaires… sont, au final, versées aux pays producteurs de pétrole et de gaz et contribuent à la croissance de ces pays et non aux recettes de l’Etat.

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Ainsi, si l’inflation peut réduire, à court terme, le déficit public, son effet est appelé à se dissiper rapidement (dès la deuxième année). Ceci est vrai à quantités données (consommation, revenus, dépenses publiques…). Or, en réalité, tout varie.

À plus long terme, y a-t-il une inflation qui a un effet plus neutre que d’autre ? Qu’est-ce que l’origine de l’inflation française peut laisser entrevoir comme situation pour la France par rapport aux Etats-Unis ?

La vitesse d’accumulation de la dette publique dépend fondamentalement du solde primaire du budget (situation budgétaire non compris les intérêts versés sur la dette) et de l’écart entre le taux d’intérêt nominal d’emprunt (r) et le taux de croissance de l’économie (g), multiplié par le niveau de la dette.

Une grande part de la dette publique française (environ 2 500 Mds EUR) est réalisée à taux fixe. Seuls 10% de la dette négociable d’État à plus d’1 an sont indexés sur l’inflation : 30% de ces titres le sont sur l’inflation française, 70% sur celle de la zone euro. Ainsi, l’inflation a un effet immédiat pour le 1/10ème de la dette (1 point d’inflation supplémentaire entraîne un coût supplémentaire d’environ 2,5 Mds EUR) et un effet progressif lié à la hausse des taux d’intérêt de marché au fur et à mesure du refinancement de la dette, pour le reste de la dette. L’inflation ayant augmenté bien plus vite que les taux d’intérêt jusqu’à présent, le premier effet domine à court terme. A plus long terme, la hausse des taux devrait dominer. La hausse des taux consécutive à l’inflation met du temps à se transmettre dans la charge de la dette.

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Une telle hausse de la charge de la dette ne pose pas de problème si le PIB augmente dans les mêmes proportions (écart stable de « r – g »). Or, la hausse du taux d’intérêt nominal est calée sur la hausse des prix à la consommation (cf. objectif de la Banque centrale européenne). Si le PIB est affecté négativement par le choc énergétique, la dette française s’accumulera d’autant plus vite que celle des Etats-Unis, toutes choses égales par ailleurs.

Les mesures anti-inflation ont-elles un effet sur une inflation importée ? Que devraient faire les pouvoirs publics face à ce type d’inflation ?

Un des buts des politiques économiques modernes est la recherche d’un équilibre monétaire : le point mort entre inflation et déflation, de sa nature exacte, de ses conditions. Or, l’inflation tend à devenir, de nos jours, une épidémie. Elle se propage de pays à pays. Face à une épidémie, les malades contaminent les bien-portants et ces derniers cherchent à se prémunir.

La difficulté présente est que personne n’avait prévu la soudaineté de l’invasion de l’Ukraine. Face à une situation d’urgence (absence de stockages stratégiques), des réponses urgentes sont prises, pour l’instant, sans effet sur l’économie en raison des liens de dépendance avec la Russie. C’est pourquoi, il convient de desserrer cette contrainte extérieure en faisant preuve de solidarité, en l’espèce européenne. Un des facteurs de succès de la mise en place de cette solidarité est le consentement des pays. Rien n’est moins sûr…

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