L'incroyable succès de Sorare : le mariage miraculeux entre le foot et les cryptos<!-- --> | Atlantico.fr
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Le co-fondateur et PDG de Sorare, Nicolas Julia, s'exprime lors d'une interview durant la journée d'ouverture du Web Summit à Lisbonne le 1er novembre 2021.
Le co-fondateur et PDG de Sorare, Nicolas Julia, s'exprime lors d'une interview durant la journée d'ouverture du Web Summit à Lisbonne le 1er novembre 2021.
©PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP

Atlantico Business

Sorare, comment ça marche et qu’est-ce qui se cache derrière l’insolente réussite financière de Sorare ? Le César de la plus fructueuse startup française de l’année a mis en avant un modèle économique qui paraît pouvoir se développer à l’infini. Explications.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Sorare est sans doute la plus exceptionnelle startup de l’année. Premièrement parce qu’elle a réussi la plus grosse levée de fonds sur les marchés internationaux. Le tour de table qu’elle a constitué lui a apporté 680 millions de dollars. Cette entreprise était pratiquement inconnue il y a un an. Elle est valorisée aujourd’hui 4,3 milliards de dollars, c’est à dire qu’à elle seule, elle vaut plus cher que Doctolib, Blablacar et OVH réunies, qui sont déjà trois belles licornes françaises.

Mais aujourd’hui, la majorité du monde de la finance ne la connaît toujours pas et surtout, rares sont les banquiers capables de comprendre ce qu’elle fait et pourquoi elle vaut si cher aujourd’hui.

Parce que Sorare n’est rien d’autre qu’une plateforme digitale, c’est à dire un moteur informatique qui met en relation des millions de joueurs. S’il faillait utiliser les critères de choix d’investissement de Warren Buffett, à savoir que vous n‘investissez que dans une entreprise que vous connaissez et dont vous comprenez le produit, personne de censé n’aurait mis un dollar dans Sorare. Dans Blablacar oui, on connaît, dans Doctolib aussi. Mais Sorare, ne demandez pas à un geek de vous expliquer, il va s’arranger pour être incompréhensible.

Alors Sorare, qu’est-ce que c’est et comment ça marche ? 

Les deux fondateurs de la plateforme, Nicolas Julia et Adrien Montfort, expliquent que leur startup mise sur la technologie émergente des NFT pour créer un jeu en ligne d'échange de vignettes de joueurs de football. Traduit en langage courant, c’est un jeu vidéo de management d’équipe de football, dans lequel les joueurs achètent, vendent, échangent et gèrent une équipe virtuelle avec des cartes de joueurs numériques, lesquelles cartes ressemblent à celles des Panini, mais en NFT. Les fameux NFT sont des actifs numériques et cryptographiés, c’est-à-dire inscrits dans la blockchain. Elles ont une valeur reconnue dans la blockchain, mais sont immatérielles.

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Ces cartes sont donc digitales, mais aussi rares. La rareté étant définie au départ par le concepteur du jeu et contrôlée par la technique de blockchain qui garde en mémoire l’historique du joueur et de la carte. Donc les cartes ne sont pas falsifiables, ni duplicables, mais négociables à un prix fixé par le marché des joueurs en fonction des performances des vrais joueurs et de l’espérance de performance. Donc il y a derrière la valeur d’échange une spéculation possible.

Plus concrètement encore, le jeu propose aux joueurs de composer des équipes de cinq cartes de joueurs de football. Les équipes sont ensuite classées en fonction de la performance des joueurs lors des matchs disputés. Des points et de l’expérience sont alors attribués en fonction de ces performances. Les cartes sont classées selon 4 niveaux de rareté. L'accumulation d’expérience et la rareté d'une carte augmentent la valeur de la carte et permet ainsi d'obtenir un score plus élevé. Deux fois par semaine, les managers ayant aligné la meilleure équipe sont récompensés par de nouvelles cartes.

L'acquisition de cartes se fait selon un système d’enchères auquel tous les managers peuvent participer. Les managers peuvent ensuite acheter et vendre leurs cartes à d'autres joueurs sur la plateforme. Les prix vont varier en fonction des performances des joueurs sur le terrain et seront également soumis au modèle économique de l'offre et de la demande. Les cartes sont des objets de collection numériques sous licence officielle. L'utilisation de la technologie blockchain permet à Sorare de garantir la rareté et la sécurité de chacune des cartes émises, donc la valeur de marché à tout instant. Sorare fonctionne sur le réseau Ethereum, une des cryptomonnaies les plus utilisées dans le monde avec le bitcoin.  

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Mais pourquoi Sorare a-t-elle atteint une telle valeur ? Sauf incompréhension dans le fonctionnement du modèle (ce qui est tout à fait possible chez l‘auteur de cet article plus habile à commenter les secrets de la macro économie que ceux des crypto monnaies), il semble que le modèle économique recèle des gisements de croissance incroyables et peut être même infinis.

D’abord, il s’appuie sur le succès mondial du football, incontestablement le sport spectacle le plus pratiqué et le plus observé dans le monde.

Ensuite, les joueurs paient pour rentrer dans le jeu, ils achètent des cartes de joueurs (utiles) si on veut les revendre en espérant faire une plus-value.

Enfin, les joueurs peuvent jouer les uns contre les autres et essayer de remporter des lots dans une vingtaine de championnats différents. Il suffit de créer son équipe composée de cinq cartes. Chaque championnat a ses restrictions (rareté, âge, fédération, etc.) et les lots permettent de gagner d’autres cartes. Le plus grand championnat peut permettre de remporter 3 ETH, soit l’équivalent de 5 300€ en quelques minutes. Ce sont les performances des joueurs choisis dans les matchs qu’ils jouent dans la vie réelle qui déterminent une note.

Alors, pour fixer la note, Sorare se base sur les datas de Opta, le statisticien de référence dans le monde du foot. Cette note de performance (de 0 à 100) sera multipliée par le bonus de votre joueur pour atteindre sa note finale. Le bonus est un mix de la rareté, de l’expérience et d’autres critères comme le capitanat.

Là ou Sorare semble déterminant par rapport à d’autres jeux, c’est qu’il permet de gérer ses actifs, ses investissements (les cartes de joueurs). Un bon gardien de but par exemple est une valeur sure.

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Mais au-delà de la mécanique du jeu et des jouets, la plateforme signe des accords de licence et des sponsorings avec les plus grands clubs de foot du monde, qui ont compris, eux, aussi que le jeu était devenu un réseau de communication efficace avec leurs clubs de supporters et de fans. Les plus grands joueurs du monde s’arrangent pour être sur la plateforme. Cela devient presque un réseau social, en tout cas c’est devenu une marque.

Le PDG, cofondateur de la société, Nicolas Julia, considère que sa mission est de devenir « un jeu dans le jeu.  Nous voulons créer le plus grand groupe de divertissement dans le monde du sport », déclare-t-il au magazine Forbes. Et Sorare utilisera l’argent récemment levé pour accélérer la croissance de l’entreprise au sein du football, se développer dans d’autres sports, embaucher de nouveaux talents et ouvrir son premier bureau aux États-Unis (qui représente plus de 20% des revenus de l’entreprise, selon Nicolas Julia) dans les prochains mois.

Pour Forbes, le magazine américain, la startup française est devenue un cas d’école pour illustrer ce que peut produire comme valeur le mariage entre les cryptomonnaies, la technologie de la blockchain et le jeu sportif. « Dans le cas de Sorare, les joueurs échangent et gèrent une équipe avec des cartes numériques sous la forme d’actifs numériques uniques, à savoir des jetons non fongibles vérifiables via la blockchain ethereum. ».

Les cartes les plus chères, à l’effigie de joueurs vedettes comme Cristiano Ronaldo ou Antoine Griezmann, se vendent près de 100 000 euros ou plus.

« Antoine, par exemple, joue régulièrement au jeu », explique Nicolas Julia. « C’est un vrai fan et il m’apporte des retours sur le score ». Dès le mois de décembre 2020, le défenseur du FC Barcelone Gérard Piqué a rejoint la startup en tant que conseiller stratégique. Sorare affirme avoir plus de 600 000 utilisateurs enregistrés sur la plateforme et avoir accordé des licences à des joueurs de plus de 180 clubs professionnels, dont le Real Madrid, Liverpool, la Juventus, la Fédération française de football et la Fédération allemande de football. Selon l’entreprise, plus de 150 millions de dollars de cartes ont été échangées sur la plateforme depuis janvier, et le nombre d’utilisateurs actifs mensuels a été multiplié par 34 entre le deuxième trimestre 2020 et le deuxième trimestre 2021, tandis que les ventes trimestrielles ont été multipliées par plus de 50 sur la même période.

 « Nous sommes ravis du succès que nous avons rencontré jusqu’à présent, mais ce n’est que le début », déclare Nicolas Julia. « Nous pensons qu’il s’agit d’une énorme opportunité de créer le prochain géant du divertissement sportif, en apportant Sorare à davantage de fans et d’organisations de football, et de présenter le même modèle éprouvé à d’autres sports et fans de sport dans le monde entier ».

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