L’immigration coûte moins à l’Etat qu’elle ne lui rapporte ? Radioscopie des fausses interprétations d’une étude de l’OCDE<!-- --> | Atlantico.fr
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Des migrants sont pris en charge à Paris par une association et encadrés par des gendarmes lors d'une évacuation.
Des migrants sont pris en charge à Paris par une association et encadrés par des gendarmes lors d'une évacuation.
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Finances publiques

Selon l’OCDE, l’immigration rapporte plus qu’elle ne coûte à l’État. En étudiant le ratio entre les impôts versés, les cotisations payées par les immigrés et les dépenses publiques de l’État, l’OCDE estime que les migrants ne font globalement pas perdre d’argent à l’État. Certains facteurs majeurs ont-ils été délaissés dans le cadre de cette étude ?

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont

Gérard-François Dumont est géographe, économiste et démographe, professeur à l'université à Paris IV-Sorbonne, président de la revue Population & Avenir, auteur notamment de Populations et Territoires de France en 2030 (L’Harmattan), et de Géopolitique de l’Europe (Armand Colin).

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Atlantico : Dans sa dernière étude, l’OCDE présente plusieurs scénarios pour évaluer l'impact de l'immigration sur les finances publiques. Dans le premier scénario, l’OCDE considère que les immigrés ne doivent pas participer à leur financement. C’est dans ce scénario que la contribution nette des immigrés aux finances publiques est évaluée à 1,02% du PIB. Établir un tel postulat dans une étude sur les coûts de l’immigration vous paraît-il correct ? 

Gérard-François Dumont : Par définition, toute personne qui vient résider dans un pays entraîne des dépenses publiques. Par exemple, elle bénéficie des services publics qui s’occupent de l’accueil des immigrés et des titres de séjour, de ceux qui gèrent le contrat d’accueil et d’intégration, de ceux qui assurent la sécurité, de ceux concernant la santé, voire de ceux liés à la formation initiale et continue et de ceux qui s’occupent des naturalisations. L’immigré utilise aussi probablement des infrastructures construites avant lui et qu’il faut entretenir : réseaux d’assainissement, réseaux d’eau, routes, transports publics, voire trains ou aéroports. En troisième lieu, les démarches de toute nature qu’il effectue auprès des administrations publiques engendrent des coûts pour les budgets publics.

La meilleure preuve que tout résident sur un territoire entraîne des coûts est qu’il existe dans de nombreuses communes des taxes de séjour que les touristes doivent payer au prorata du nombre de jours passés dans ces communes à l’hôtel, dans une location ou en camping… Postuler que les immigrés n’auraient pas à participer au financement des finances publiques du pays dont lequel ils viennent habiter apparaît donc absurde. Tout immigré supplémentaire engendre des dépenses publiques à tous les niveaux, donc à celui de l’État, des caisses de Sécurité sociale ou des collectivités territoriales.

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Néanmoins, évaluer les dépenses entraînées par les immigrés a une signification très limitée car les immigrés ne peuvent être réduits à un immigré moyen qu’il suffirait de multiplier par leur nombre. L’immigré moyen n’existe pas et donc, la population des immigrés n’est pas modélisable. En conséquence, affirmer que l’immigration dans son ensemble a un impact positif ou négatif sur les finances publiques n’a guère de sens. En France, 10 % de la population totale est immigrée, mais ces immigrés sont des personnes d’origine géographique, d’âge ou de compétences professionnelles fort divers. Grosso modo, les immigrés originaires de pays de l’Union européenne apportent le plus souvent des compétences, un savoir-faire ou une volonté de travailler utiles à l’économie et au fonctionnement du pays. Par exemple, selon le dernier recensement, le taux de chômage des immigrés portugais en France est au même niveau que la moyenne nationale. En revanche, d’autres immigrés pèsent davantage sur les finances publiques en raison d’un chômage élevé. Ainsi, le taux de chômage des immigrés turcs et des immigrés algériens est environ trois fois supérieur à la moyenne nationale, respectivement de 27,2 % et de 30,1 %.

Quant aux « mineurs non accompagnés », dénomination qui recouvre en réalité des mineurs étrangers introduits illégalement en France, le plus souvent par des réseaux de passeurs, et qui ne soient pas nécessairement mineurs, ils n’engendrent évidemment que des coûts pour les finances publiques. Ils n’ont évidemment pas d’activité professionnelle La loi ordonne aux départements de les héberger et d’assurer leurs besoins. Et l’Éducation Nationale a l’obligation de les scolariser. Comme en outre, certains d’entre eux sont utilisés pour des activités illégales, ils mobilisent des forces de sécurité, voire la justice. Ils peuvent aussi mobiliser la Protection judiciaire de la jeunesse.

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Certaines études (CEPII en 2018) intègrent dans leurs calculs la première génération d’enfants des immigrés. En prenant en compte leurs enfants, les immigrés coûtent 1,41% de PIB à la France. Y a t-il d’autres facteurs que cette étude de l’OCDE omet de prendre en compte ? 

En réalité, évaluer l’impact des enfants d’immigrés sur les finances publiques est extrêmement difficile a priori compte tenu de la multiplicité des hypothèses à élaborer. Pour approcher la vérité, cela supposerait d’effectuer ce qu’on appelle des analyses longitudinales, donc portant sur une longue durée. Il faudrait donc étudier au long de sa vie ce que va être l’évolution de cet enfant. Comme tous les enfants, les enfants d’immigrés représentent d’abord un investissement puisqu’ils ne participent pas à la création de richesses. Pour satisfaire leurs besoins ou une partie de leurs besoins, leurs parents perçoivent des prestations familiales. Les collectivités territoriales, et notamment les communes, mettent à la disposition des parents des systèmes de garde et différents services culturels, de loisirs ou d’aide sociale. Tous les services publics, de sécurité, de santé ou d’éducation, sont mobilisés pour satisfaire les besoins de cette population des enfants d’immigrés comme elle le fait pour tous les enfants résidant en France. Cela impacte les finances publiques, mais peut être considéré comme un investissement. Lorsqu’il deviendra adulte et entrera dans la population active ayant un emploi, l’enfant d’immigré participera de façon plus ou moins intense à de la création de richesses et cela devrait permettre qu’il rembourse, par ses contributions aux recettes publiques, les dépenses publiques effectuées pendant son éducation. Cela appelle des analyses très fines. Toutefois, deux éléments ne jouent pas favorablement. D’une part, les enquêtes Pisa laissent douter d’une bonne qualité moyenne des actifs futurs. D’autre part, et cela est lié, compte tenu des insuffisances de l’Éducation nationale, l’importance des taux d’illettrisme n’est pas un facteur favorable. D’ailleurs, le taux de chômage des jeunes adultes en France est parmi les plus élevés de l’Union européenne.

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Y a t-il des éléments qui ne sont pas pris en compte par l’OCDE dans ses calculs ? 

Pour évaluer l’impact de l’immigration sur les finances publiques, il faudrait d’abord revoir cette formulation en précisant que l’objectif est d’évaluer l’impact des immigrations sur les finances publiques. Autrement dit, il serait impératif de prendre en compte la diversité des immigrés car les situations moyennes sont fort diverses, notamment selon les origines géographiques. Les immigrés venus en France pour contribuer au développement d’une filiale d’une entreprise étrangère, pour apprendre en France les méthodes des entreprises françaises internationales qui les embauchent avant de revenir dans leur pays, pour collaborer avec une institution internationale dont le siège social est en France sont en emploi. Ils arrivent en France avec des compétences professionnelles et souvent un capital financier. Ils ont un emploi, paient des impôts en France et participent largement aux recettes des finances publiques. À l’inverse, d’autres immigrés arrivent sans malheureusement de compétences professionnelles et/ou sans capital financier.

Enfin, il importe de raisonner en flux et non en stock comme on le fait trop souvent.

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