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L’Europe submergée par le plus grand flux de migrants clandestins de son histoire
©Reuters

Vide politique

Selon les estimations, 3000 migrants clandestins seraient décédés en tentant de traverser la mer Méditerranée en 2014. Un triste record qui révèle combien l'Europe manque d'une politique de gestion des flux cohérente.

Atlantico : On estime le nombre de migrants clandestins morts en essayant de traverser la mer Méditerranée en 2014 à 3000 victimes. Ce chiffre a-t-il eu des précédents dans l'histoire de l'Europe ?

Catherine de Wenden : C'est un problème récurrent depuis la fin des années 1990 mais avec Mare Nostrum, l'opération menée par l'Italie entre octobre 2013 et octobre 2014 pour sécuriser les traversées, les migrants, ayant plus d'assurance d'être secourus, sont venus plus nombreux traverser la Méditerranée. Les Italiens affirment même que leur nombre a été multiplié par trois.

La multiplication du nombre de crises dans des pays voisins de l'Europe a provoqué cette croissance des traversées clandestines. La Libye par exemple est aujourd'hui une sorte de carrefour des départs et du transit, alors qu'autrefois le régime de Kadhafi avait une meilleure maîtrise de ces flux. Les candidats à l'Europe, et qui proviennent d'Afrique sub-suharienne par exemple traversent aujourd'hui la Libye, en achetant les douaniers. Il y a aussi la corne de l'Afrique, la Somalie et l'Erythrée sont des grands pays de départ compte-tenu de leur pauvreté, sans oublier la Syrie, l'Irak ou l'Afghanistan. En Algérie, en Tunisie ou au Maroc, ceux qu'on appelle les harragas, les "grilleurs de frontière", partent aussi. Crise politique, absence d'horizon et économie mafieuse de la frontière, créée par leur sécurisation, ont encouragé les départs.

Quel est le profil de ces migrants ? D'où viennent-ils ? Où vont-ils pour y trouver/fuir quoi ? Comment cet afflux est-il amené à évoluer ?

En ce qui concerne les populations réfugiées, il s'agit surtout de personnes plus âgées venues avec leurs familles de Syrie ou d'Irak se réfugier en Italie et fuir une crise politique. Les "grilleurs de frontière", qui ont entre 18 et 35 ans, décident aussi de tenter leur chance. Ils sont aidés par des passeurs ou ils se lancent dans des opérations plus individuelles pour échapper plus à une crise morale ou économique que politique. Ils espèrent trouver en Europe un horizon nouveau.

Ils se dirigent là où ils ont des réseaux de connaissances, c’est-à-dire l'Italie, l'Espagne, Malte ou la Grèce, et où ils ont des chances de trouver du travail, notamment en Grande-Bretagne, très attractive car ils peuvent y travailler en tant que demandeur d'asile et où il y a peu de contrôles d'identité. L'Allemagne attire aussi par sa prospérité économique et les pays du nord sont également intéressants par leur Etat-providence et leurs conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Mais ce qui compte surtout ce sont les liens familiaux et la langue.

Si les crises se perpétuent, il est certain que cet afflux va encore s'intensifier. Il ne faut pas oublier que depuis 2011 la Syrie a été à l'origine de 4 millions de départs. Il y a aussi la menace de l'Etat islamique sur l'Europe de lui envoyer en masse des migrants si elle intervient militairement.

Pour autant, l'Europe n'est pas la seule destination. Aujourd'hui il y a autant de migrants qui vont vers le sud que de migrants qui vont vers le nord de la planète. Les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens de payer des passeurs, vont se réfugier dans le pays voisin.

Quelle pression ce phénomène exerce-t-il sur les pays européens ? Tous sont-ils concernés de la même façon ?

Les pays les plus concernés sont ceux qui ont des frontières communes avec des pays qui permettent le transit comme la Grèce, à cause de son voisinage avec la Turquie. Il y a aussi les pays de la rive nord de la Méditerranée comme l'Italie, avec des quantités d'épisodes de migrants arrivés sur de grandes embarcations, mais aussi, sur des plus frêles embarcations, des personnes qui arrivent de Tunisie en Italie. Malte, la France et l'Espagne,  et notamment les îles Canaries et l'enclave de Ceuta et Melilla, sont également des cibles très prisées.

Les pays européens ont en général une réponse sécuritaire sans qu'il n'y ait d'effet considérable car ils ne travaillent que dans le court terme. Il faudrait plutôt réfléchir avant de se lancer dans des guerres qui provoquent énormément de flux de réfugiés, comme en Irak ou en Afghanistan.

L'Italie a arrêté le projet Mare Nostrum, trop coûteux, qui organisait des patrouilles maritimes qui ont sauvé de nombreux clandestins (plus de 100 000 ont été repêchés en moins d'un an). Ce genre de surveillance au niveau européen pourrait-il être envisageable ?

L'Europe a des pays qui font partie des plus puissants du monde et a donc les moyens d'organiser ce genre de surveillance et de sauvetage puis de trouver une situation rationnelle à la situation des migrants clandestins. Aujourd'hui, l'approche européenne de l'immigration clandestine est sécuritaire. On n'arrive pas à sortir d'une politique militaire de l'immigration, c'est-à-dire surveiller, contrôler et dissuader. On n'a pas réussi à diminuer les flux et au contraire ils ont augmenté. C'est contre-productif.

Aux Etats-Unis, consolider les frontières à El Paso, San Diego et en Arizona n'a fait que pousser les migrants à choisir des passages plus dangereux. La dissuasion est-elle vraiment la meilleure solution ?

La dissuasion est un échec car les gens finissent toujours par la contourner et en plus cela développe le marché mafieux du passage clandestin. Aujourd'hui, cela pompe les économies des pays du sud, dans les familles, les villages et les communautés. C'est complétement dramatique car c'est de l'argent qui n'est pas redéployé dans le développement local.

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