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Les migrations de travailleurs pourraient être un avantage dans la zone euro.
Les migrations de travailleurs pourraient être un avantage dans la zone euro.
©Yann Schreiber / AFP

Différences de compétitivité

La mobilité de la main-d'œuvre est un critère essentiel permettant de profiter à plein du potentiel des zones monétaires, en atténuant les chocs ou les cycles économiques propres à chaque pays. Mais cette solution est peu mise en œuvre dans la zone euro.

Gernot Müller

Gernot Müller

Gernot Müller est professeur d'économie à l'université de Tübingen et chercheur au CEPR. Il est titulaire d'un doctorat de l'Institut universitaire européen de Florence. Ses recherches portent sur la politique monétaire et fiscale, en particulier dans un contexte d'économie ouverte.

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Atlantico : Vous avez publié dans Vox un article intitulé "Migration et partage des risques dans les unions monétaires : la zone euro versus les États-Unis" (en anglais). Pourquoi est-il si important pour une économie comme la zone euro de maintenir des niveaux élevés de migration entre Etats ? Et pourquoi cette question est-elle si sous-estimée ?

Gernot Müller : Les migrations entre Etats sont importantes car les États membres de la zone euro présentent des performances macroéconomiques très différentes et nous ne pouvons pas nous attendre à ce que cela change de sitôt. Il y a plusieurs façons de résoudre ce problème. Si les pays avaient des monnaies indépendantes, les taux de change s'ajusteraient pour faciliter le processus d'ajustement. Les pays à fort taux de chômage dévalueraient, les pays à faible capacité de production comme l'Allemagne verraient leur monnaie s'apprécier. Hélas, cette option n'est pas disponible dans la zone euro. Il faut donc trouver d'autres moyens de faire face à des évolutions asymétriques. L'une des possibilités consiste à mettre en place d'importants systèmes de transfert entre les pays, ce qui est en train de se produire, mais le soutien politique est limité pour des raisons faciles à comprendre. Il existe d'autres alternatives, mais la zone euro ne s'en sort pas particulièrement bien dans les deux cas (comme le montre notre étude). Nous pensons que la migration entre Etats en Europe serait un moyen relativement simple et politiquement faisable de faire face au problème. Il est en effet surprenant qu'il y ait si peu de discussions à ce sujet. D'autant plus que cette question a été largement débattue par les économistes avant la création de l'euro.

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L'euro peut-il survivre à long terme sans la migration intra-européenne des travailleurs ?

Eh bien, l'euro s'est avéré assez résistant jusqu'à présent. Nous ne sommes donc pas trop pessimistes à cet égard. Néanmoins, viser la survie n'est pas particulièrement ambitieux. Nous devrions viser plus haut et faire de la zone euro une zone monétaire qui fonctionne bien. Cela impliquerait, selon nous, une augmentation des migrations entre Etats. C'est aussi tout à fait dans l'esprit du projet européen. 

Comment peut-on augmenter les taux de migration dans la zone euro ? Devons-nous suivre l'exemple des États-Unis ou inventer notre propre voie ?

C'est une question difficile. Commençons par les États-Unis. Ici, tout porte à croire que la migration interétatique a diminué dans un passé récent et les raisons de ce déclin ne sont pas entièrement comprises. On ne sait donc pas très bien ce que "suivre" les États-Unis signifie ici. En tout état de cause, tenter d'imiter les États-Unis serait probablement une tentative vaine pour l'Europe d'accroître la mobilité de la main-d'œuvre au sein de la zone euro. Les différences historiques et culturelles ont engendré des attitudes différentes à l'égard de la migration interne aux États-Unis et en Europe. S'il y a convergence, c'est un processus lent. Quoi qu'il en soit, le marché unique a supprimé tous les obstacles juridiques à la migration au sein de la zone euro, comme nous le soulignons dans le document. On pourrait aller plus loin en ciblant spécifiquement les obstacles bureaucratiques restants qui expliquent pourquoi les gens n'envisagent pas la migration en réponse au cycle économique. Nous disposons de nombreuses preuves anecdotiques de ces obstacles, mais nous avons besoin d'une politique plus systématique pour les identifier et les supprimer. Nous espérons que le fait d'intégrer le potentiel de partage des risques de la migration dans la discussion pourrait ouvrir la voie à une telle politique.

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