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L’économie française va-t-elle mieux ou est-elle au bord du gouffre ?
L’économie française va-t-elle mieux ou est-elle au bord du gouffre ?
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Prospérité pour tous ?

L’économie française a subi une récession massive en 2020 avec la pandémie de Covid-19. Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont pourtant défendu leur bilan sur la compétitivité, la croissance, le chômage ou le pouvoir d’achat. Cette analyse est-elle conforme à la réalité ?

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : On entend beaucoup dire que l’économie française est à son meilleur niveau depuis plusieurs années, quels sont les indicateurs qui se sont effectivement améliorés ? Certains indicateurs se sont-ils au contraire détériorés ?

Croissance :

Alexandre Delaigue : Le premier indicateur est le niveau de croissance, il a augmenté de 7% en 2021. C’est extrêmement élevé mais cela doit être nuancé par les circonstances exceptionnelles que nous vivons. L’économie française a été mise à l’arrêt pendant la crise du Covid, avec une chute de 8% du PIB en 2020, mais mécaniquement lorsque l’activité reprend, il y a un effet de rebond. Néanmoins repartir de cette manière est déjà une bonne chose. On aurait pu avoir une paralysie de long terme.

Pour les prochaines années, il est difficile de faire une prédiction sérieuse en raison de la guerre en Ukraine et de toutes les perturbations des chaînes de production mondiales liées à la politique zéro Covid de la Chine notamment. Si la BCE décide de lutter contre l’inflation par les coûts, ce sera déterminant. Concernant le sentier de croissance, on sait très bien que depuis les années 1980, la croissance de l’économie française ralentit à chaque décennie. Dans la dernière décennie, nous étions quasiment à 0. C’est une situation que l’on observe dans presque tous les pays riches. La Grande-Bretagne et l’Italie se portent encore plus mal que nous. Nous sommes dans la moyenne. Mais on imagine mal ce qui pourrait améliorer les choses dans la politique du gouvernement français.

Emploi et chômage :

Le deuxième indicateur avancé est celui du chômage. Il était à 7,4% au dernier trimestre 2021. C’est un niveau plutôt bas par rapport à ce qu’on a pu avoir auparavant. C’est particulièrement notable car la situation aurait pu être particulièrement complexe avec la crise du Covid. Et le gouvernement s’en sert pour parler d’un succès. Cela doit aussi être nuancé. Une bonne partie de la création d’emplois correspond à des réformes qui ont poussé les gens à se déclarer auto-entrepreneurs plutôt qu’au chômage (+ 17% en 2021 par rapport à 2020). On ne sait pas si cela traduit une amélioration de la situation, si cela est vraiment pérenne. Il faut aussi regarder la qualité de l’emploi. Mais on peut aussi considérer que c’est mieux que rien. Par ailleurs, nous restons dans des créations d’emplois, notamment pour les jeunes, qui sont des emplois aidés, soit d’un point de vue administratif, statutaire, avec des contrats qui ne sont pas des CDD ou CDI classiques, soit de vrais emplois aidés. Il y a aussi eu une très forte baisse de charges qui a été pérennisée et un peu augmentée. Cela a un coût pour les finances publiques. L’amélioration de l’emploi n’a pas été générée miraculeusement. On pourrait espérer que cela amène à terme vers des emplois stables, mais par le passé ce n’est pas ce qui s’est passé.

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Dette publique :

La récession Covid et le quoi qu’il en coûte ont fortement creusé la dette publique qui dépasse désormais 2800 milliards. C’est l’un des points inquiétants. On a de moins en moins de marge de manœuvre pour réagir à des crises ou faire des adaptations qui seraient nécessaires. S’il y a besoin d’augmenter le budget de la défense, en raison du contexte international par exemple, cela va devenir difficile. L’Allemagne a pu le faire parce que son déficit public est relativement raisonnable et ses comptes équilibrés.

L’inflation :

Le sujet de l’inflation et de la hausse de l’indice des prix à la consommation (+4,5 % sur un an) suscitent des inquiétudes mais pour l’instant elle est plus basse que dans la plupart des pays comparables. Il y a quelques facteurs qui permettent de le comprendre en partie, comme le relatif contrôle des prix du gaz. Le fait aussi qu’une partie de notre énergie ne soit pas issue des énergies fossiles a aussi eu un effet protecteur, par rapport à des pays comme l’Espagne ou l’Italie.

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Taux de pauvreté :

Là encore, nous sommes dans des circonstances exceptionnelles. Le quoi qu’il en coûte a permis de soutenir massivement l’économie française en difficulté. Donc c’est normal qu’il est des conséquences sur la pauvreté. Mais ce sont des politiques de circonstances qui n’ont pas vocation à être pérenne.

Coefficient de Gini :

Notre système social fait que nous avons, après redistribution, des inégalités qui sont faibles comparativement aux autres pays. Là encore, ce n’est pas imputable au gouvernement lui-même. C’est une caractéristique de long terme de l’économie française.

Certains économistes s’inquiètent que la France soit simplement en retard sur ses voisins européens et que, notamment, elle se fasse rattraper par une inflation massive prochainement. Est-il possible que la situation de la France soit précaire et possiblement au bord d’un gouffre économique ?

Si on regarde la manière dont la France réagit aux crises, on note deux caractéristiques. Elle a tendance à être touchée un peu plus tard que les autres pays et de manière un peu moins importante. C’est valable pour les bonnes comme les mauvaises nouvelles. Il y a une forme d’inertie qui explique ce phénomène. On peut donc s’attendre à des effets plus tardifs d’inflation mais un peu moins fortement que dans les autres pays. S’il y a de l’inflation durable en zone euro, la BCE va ralentir l’activité pour faire diminuer l’inflation, et cela peut nous inquiéter. Il faut garder en tête que cela fait longtemps que nous n’avons pas vraiment eu d’inflation et nous n’avons pas véritablement de mécanismes institutionnels contre l’inflation. Et cela va jouer un rôle perturbateur dans le fonctionnement de l’économie. Mais cela aura un impact positif sur les finances publiques. Puisque l’inflation est notamment due à une crise énergétique, certains ménages vont nécessairement s’appauvrir. 

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