L’économie en 2024 : le pire n'est jamais sûr, mais peut mieux faire…<!-- --> | Atlantico.fr
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La Banque de France n'est pas catastrophiste dans ses prévisions 2024, elle s'est calée sur ses objectifs.
La Banque de France n'est pas catastrophiste dans ses prévisions 2024, elle s'est calée sur ses objectifs.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Atlantico Business

L'inflation en baisse, mais pas de récession. La Banque de France a publié ses prévisions annuelles qui correspondent à ses objectifs. Pas de récession, peu d'inflation, mais des risques persistants sur le chômage, une géopolitique dangereuse et une capacité politique à réduire les dépenses publiques très théorique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Mieux que prévu, mais peut mieux faire. Les pessimistes chroniques qui dominent la classe politique, relayés par les médias, seront déçus. La Banque de France n'est pas catastrophiste dans ses prévisions 2024, elle s'est calée sur ses objectifs. C'est assez malin, mais ça prouve qu'elle pense ne pas se tromper.

En bref, la France ne s'en sort pas si mal puisque les économistes de la banque centrale nous prévoient que l'Hexagone descendra l'inflation à moins de 3%, sans récession, alors que beaucoup nous promettaient un hiver très rigoureux avec deux trimestres négatifs, comme en Allemagne. On va donc faire mieux que l'Allemagne, la croissance va se ralentir à 0,8%, en deçà de la prévision officielle que Bercy avait retenue pour construire son budget à plus de 1%. Seule vraie tache au tableau, la France devrait connaître une hausse du chômage à plus de 7% de la population active. A priori, la France pourrait évidemment mieux faire, mais la catastrophe n'est pas inscrite au programme sauf interventions extérieures.

Au niveau de l'activité, la croissance va donc se ralentir comme dans l'ensemble du monde occidental, mais l'atterrissage se fera en douceur. Pourquoi ? Parce que l'inflation va se tasser à moins de 3%, ce qui avec une hausse moyenne des salaires prévisible de 4%, va générer un pouvoir d'achat qui pourra soutenir la consommation. Les taux d'intérêt ne vont sans doute pas baisser tout de suite, mais tout le monde fait comme si la hausse était programmée à Washington (c'est officiel) et à Paris à partir de juin prochain (mais ça n'est pas officiel). Ce que l'on sait à Paris, c'est que les taux longs, à dix ans, ont commencé à baisser d'un point, ce qui peut faire respirer les trésoreries d'entreprise et commencer à débloquer l'immobilier qui est complètement gelé.

Sur les trois moteurs de la croissance, deux continuent de tourner (doucement, mais ils tournent) : la consommation (grâce au pouvoir d'achat) et l'investissement grâce aux perspectives de baisse de taux. Le seul qui a du mal à tourner, c'est l'exportation, parce que notre principal client, c'est l'Allemagne, et l'Allemagne est en panne sévère.

Par ailleurs, le problème sur lequel les commentateurs vont se nourrir touche à la variable du chômage qui va progresser à plus de 7%, ce qui rendra impossible de respecter la promesse d'Emmanuel Macron de terminer son mandat à moins de 5%. Ce chiffre va donner lieu à beaucoup de commentaires politiques visant le président de la République.

En réalité, le chiffre du chômage à 7% n'a rien de surprenant, car il est encore meilleur que le taux moyen du chômage en France depuis près de 30 ans. Ce qui est surprenant en France, c'est qu'avec 7% de chômage, on a encore beaucoup de secteurs en tension, c'est-à-dire des offres d'emplois non satisfaites, dans l'hôtellerie-restauration, le bâtiment, l'agroalimentaire, le tourisme, le digital, les services à la personne, le gardiennage, etc. Les besoins sont de 300 à 400 000 emplois par an, un chiffre qu'on peut approcher à celui de l'immigration dont l'économie aurait besoin.

Alors :

- qu'il y ait un problème de salaires qui ne sont pas à la hauteur, c'est vrai et ça devrait être solvable.

- qu'il y ait un problème d'environnement du travail, mobilité, transports publics et logement surtout, c'est une évidence. Les stations touristiques, par exemple, ne trouvent pas de salariés parce qu'elles n'ont pas de capacité de logements. Elles ont des hôtels, des logements Airbnb, mais les logements classiques disponibles à la location longue durée à un prix acceptable, constituent une denrée extrêmement rare.

- qu'il y ait un problème de formation, c'est également évident. L'enseignement reçu est décalé par rapport aux besoins. Problème de l'éducation nationale.

- mais il y a aussi un problème de motivation au travail. Pourquoi aller travailler si le travail est trop compliqué ou trop pénible, et si le patron ne fait pas trop d'effort lui-même. On estime en France que le plein emploi est atteint avec 5/6% de chômage. On estime que 5% de la population active est sans travail, sans formation, sans stage, sans projet, et ne sachant à peine lire ou écrire le français, ou sans famille, etc. Le taux de No-no est un peu plus faible aux États-Unis (3% -) mais c'est le vrai et grand problème des sociétés développées. Tout le monde est responsable, mais tout le monde n'accepte pas d'en prendre sa part. Ce n'est plus un problème politique et social que strictement économique.

Au-delà de cette question qui n'est pas soluble à court terme, le scénario dessiné par la Banque de France recouvre les hypothèses de l'Insee et de la plupart des laboratoires de conjoncture.

Le scénario est plausible à deux conditions.

- La première porte sur la géopolitique. Pour l'instant, les risques de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient sont assumés par les milieux d'affaires. Pour perturber les modèles, il faudrait vraiment que Vladimir Poutine ait perdu complètement la tête et Xi Jinping aussi, mais c'est peu probable. Il existe des forces de rappel . Les milieux d'affaires savent que le monde a dressé des lignes rouges à ne pas dépasser. En revanche, ceux qui sont dangereux, ce sont les courants terroristes qui échappent au contrôle de leur sponsor. Le Hamas, par exemple, est difficile à comprendre. Le Qatar, qui avait une emprise sur les dirigeants du Hamas, a abandonné son rôle d'hébergeur et de médiateur. Les groupes du Hamas sont des électrons libres et armés par l'Iran. L'Iran est sans doute l'État le plus radicalisé aujourd'hui du monde arabe, mais les gouvernants ne sont pas aimés et protégés par leur population. Cela limite leur pouvoir. Le seul vecteur terroriste qui inquiète le monde entier aujourd'hui, c'est le vestibule des Houthis du Yémen, qui sont en capacité de bloquer l'accès à la mer Rouge et au canal de Suez. Moyennant quoi, ils pourraient bloquer la moitié du commerce mondial.

A priori, les Houthis n'obéissent à personne, mais ont besoin d'acheter des armes. Leur fournisseur est en Iran, mais ils ont du stock pour faire beaucoup de dégâts. Actuellement, tous les grands transporteurs du monde, les pétrolier et les port- conteneurs se sont mis en cale sèche et prévoient un changement de route. Si cette rébellion se poursuit, elle risque de provoquer un désastre sur l'économie mondiale (inflation et pénurie).

La deuxième condition est franco-française. Le modèle français ne tient que si et seulement si on réussit à contenir la progression de notre endettement. Condition nécessaires pour calmer les taux d'intérêt. Mais pour calmer l'endettement, il faut que le ministre de l'économie promette de réduire les dépenses publiques de fonctionnement. Moins de dépenses de fonctionnement, c'est moins de déficit donc moins de frais financiers, et plus d'investissement. Le ministre de l'économie peut promettre, reste à savoir si la situation politique lui permettra de tenir la promesse.

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