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L’Angleterre ne sera pas en finale de l’Europe
©Reuters

Les entrepreneurs parlent aux Français

Ce vote était le cri sans appel, et universel, poussé par les malmenés du système, qui crient ainsi leur défiance des politiques, les leurs, qu’ils trouvent déjà passablement déconnectés des réalités, et ceux des autres états, qui les regardent à peine à l’arrière de leurs limousines aux vitres fumées.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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1-0 à la mi-temps. Dans le courant de fonds, qui agite la sphère anti-européenne, les anti ont gagné la première partie. La seconde est à portée de vote et de mécontentement. Cette Europe qui provoque de longs sanglots, d’automne ou d’été, chez nos politiques, dès qu’ils la voient condamnée ou attaquée, est devenue trop conceptuelle et bien trop peu concrète pour ses citoyens.

La première fracture entre les pratiques technocratiques et le réalisme du quotidien, vient de se réaliser. Les Anglais nous rappellent avec brutalité, que l’Europe n’est plus qu’un rêve qui se conjugue au passé, et qu’à trop vivre sur sa rente de paix, elle en  a oublié le rêve d’avenir. Elle a oublié que chacun attend qu’elle démontre sa capacité de compréhension du quotidien de ceux qu’elle « administre ». Ils ont rappelé à tous, que la force des symboles marche un temps, mais que ce temps à fait long feu. La réponse aux questions existentielles que se posent nos concitoyens, les plus modestes notamment, n’est pas adressée par l’Europe, qu’ils voient comme l’ennemi de leur avenir et un fossoyeur de leur passé. L’exemple anglais pourrait être « contaminant », surtout si l’île de l’amiral Nelson ne sombre pas corps et âme, comme l’avaient prédit tous les partisans du « REMAIN ».

Un mécontentement fourre-tout. Les Anglais interrogés parlent de tant de sujets, qu’il est clair qu’une grande confusion tient lieu de réflexion intellectuelle. On y parle d’immigration, de perte de pouvoir économique, de chômage, de perte d’identité. On y parle d’austérité, beaucoup, de sacrifices. En clair, de raisons qui sont bien autant le fruit et la responsabilité de leur propre pays, que celui de l’Europe. On peut, avec arrogance, parler de victoire des ignorants, avec cette condescendance qui explique si bien ce rejet d’une Europe qui ne leur ressemble plus, ne les considère plus, leur reprend plus qu’elle ne leur donne. A force de prendre les pauvres et les modestes à l’écart d’une société dans laquelle on ne fantasme que par le riche et le puissant, ils rappellent que désormais, lorsqu'un pays se souviendra qu’il est une démocratie et qu’il fera parler le peuple, le peuple rappellera à ses élites qu’il doit se battre pour elle ou mourir par les urnes.

Et les élites devraient se souvenir, que leur incapacité à rendre à nos pays la croissance, l’utopie et le pouvoir, leur coûtera plus cher à chaque élection, pour une raison arithmétique simple : Les pauvres sont bien plus nombreux ! Donc au final, ils auront raison.

Ce vote était le cri sans appel, et universel, poussé par les malmenés du système, qui crient ainsi leur défiance des politiques, les leurs, qu’ils trouvent déjà passablement déconnectés des réalités, et ceux des autres états, qui les regardent à peine à l’arrière de leurs limousines aux vitres fumées.

Le pauvre ou le modeste, qu’il soit en France, aux Etats-Unis ou au Royaume Uni est le même. Il est entré en défiance depuis 15 ans environ, il rentre en combat désormais. Il pousse des candidats qui l’entendent, et sont leur reflet, même si la plupart ne le font que pour atteindre leur but personnel. Il voit ses perspectives d’emploi baisser, ses bassins d’emploi s’affaisser, sans espoir de retour, et accuse l’Europe de n’avoir été d’aucun secours. Pire, de lui demander de se serrer encore la ceinture, lui qui n’a même plus de taille à force de serrer !

Il voit une Europe qui cède à l’immigration, une immigration qui lui volerait ses seules chances d’emploi.

Il voit une Europe de limousines et de privilèges, quand eux souffrent et restent, de plus en plus nombreux, au chômage. Il voit des hommes principalement blancs et âgés, issus des mêmes cercles favorisés, qui décident de leur sort sans aucune considération pour leur existence. De grandes phrases, une absence d’acte.

Il voit une Europe, qui ne lui apporte rien, et menace de lui retirer beaucoup. Le peu qui lui reste. Il ne sait plus qui décide de quoi, et met dans le même sac, son dirigeant national et ses « copains » européens.

Rejet et défiance. Pauvres et riches. L’Europe n’a pas réalisé qu’elle avait déçu, qu’elle n’excitait plus, qu’elle s’auto justifiait, plus au profit de ceux qui en vivent que pour ceux qui la vivent. Les Anglais ont dit « Exit », mais un référendum, auprès des français, à part le microcosme parisien, aurait, aujourd'hui, le même résultat. En effet, les perceptions sont les mêmes et la défiance y est identique. Punir l’Europe c’est aussi punir leurs dirigeants, isolés dans les villes capitales, où ne peuvent vivre désormais qu’une infime partie de la population, et qu’ils accusent de ne décider qu’entre eux, entre les 1.5% de la population la plus riche, sans le moindre égard pour les 98.5% d’autres. Le monde entre en révolution. Nous y sommes sourds, mais les gens ne sont pas aveugles ! Et ils ont en main une arme redoutable. Le bulletin de vote. Ce petit bulletin de papier, ou électronique, va couper des têtes et déstabiliser des régions entières. Durablement.

Plus de destin commun. L’Anglais qui a dit NON au maintien en Europe, ne croit plus en un destin commun. En tant qu’insulaire, il a pu le considérer comme une nécessité et y a cru un temps. Rattacher une île à une puissance mondiale, l’Europe, semblait attractif et naturel. Rejoindre une Europe qu’on a contribué à la libérer, était une évidence pour chacun. Il y avait alors une utopie, un rêve, un contexte. La reconstruction. Nous étions tous Européens, avant même d’être nationaux. L’Europe promettait l’épanouissement et la richesse, mais n’avait pas précisé qu’il y aurait des victimes, nombreuses, parmi les pays qui l’ont voulu, qui la financent et qui la gèrent.

Et aujourd'hui, la majorité estime, chiffre à l’appui, que le bilan est négatif. Chômage et déficit pour commencer.

Pour que chacun puisse croire à un destin commun, il faut une croyance, une utopie. Elle n’est est plus las. Chacun d’entre nous s’interroge chaque jour, sur cette Europe trop forte technocratiquement et si faible démocratiquement. Quel destin pourrait elle nous promettre, quand ses propres dirigeants peinent autant à se mettre d’accord entre eux sur des sujets majeurs. Elle n’a pas su générer de super héros, de champions qui auraient permis de personnaliser l’utopie, enclencher la machine à gagner. En clair, l’Europe est pour eux un monstre peuplé de sourds et d’aveugles, qui ne parlent pas mais « signent » dans une seule langue qu’ils se partagent entre eux.

Un peuple ne peut se projeter en dehors de son environnement proche qu’à la condition d’être confiant en lui même. C’est humain. Faute de projection dans l’Europe et démuni de toute confiance dans son environnement immédiat, il ne peut que craindre ce qui vient de l’extérieur, un monde plus vaste face auquel il ne se trouve aucun pouvoir, et au contraire, toutes les chances d’y perdre le peu qu’il lui reste. Alors il préfère une incertitude connue à une promesse incertaine. Et il en sera de même partout en Europe.

Si l’Angleterre ne sombre pas comme promis, c’est un tsunami proXIT qui se profile dans nos pays. Car chacun aura compris que ceux qui la défendaient comme un rempart contre la fatalité lui mentait. Et si l’Europe, lui vole, en trichant, sur son vote, elle le paiera plus cher encore et très vite.

Partout les forces se recomposent, de nouveaux partis, inconnus, prennent le pouvoir, localement et nationalement. La défiance gouverne et les vendeurs de rêve prospèrent. Rester aveugle quand on voit les nuages s’accumuler et annoncer le cyclone serait une erreur fatale. Nous verrons si les politiques, quitteront leur drap d’arrogance, et règleront leur sonotone. De ce retour à la réalité et à l’écoute des peuples, dépendra la force des constructions du passé. Rafraîchies pour affronter l’avenir, au profit du plus grand nombre. Ou en cendres, pour l’éternité.

Dans un environnement aussi instable, demander la confiance, l’investissement et l’emploi, aux entrepreneurs et aux acteurs de l’économie est une plaisanterie. Et elle ne fait rire personne.

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