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L’affaire de Nantes montre les difficultés de la France à épouser son siècle
©Reuters

Edito

Le feuilleton de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n'a pas connu son dénouement avec le rapport circonstancié de trois experts indépendants réputés. Et alors que les conditions du développement économique se sont profondément transformées, les protagonistes continuent de palabrer comme si l’on était encore à la période du Général de Gaulle.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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On avait cru que le rocambolesque feuilleton de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes allait connaitre son dénouement avec le rapport circonstancié de trois experts indépendants réputés. Pendant des mois, ceux-ci ont procédé à des auditions de deux cents personnalités de tous bords. Ils ont produit un document de grande qualité, qui énumère les différentes solutions possibles, sans toutefois prendre position. La balle est renvoyée au président de la République qui affirme qu’il prendra une décision au cours du mois de janvier. Il y a eu tant de déceptions dans le passé qu’on ne peut s’empêcher de ressentir un certain doute, avec la crainte qu’une fois de plus, l’affaire se termine par un non-lieu. Elle dure en effet de plus d’un demi-siècle : elle a commencé bien avant que le chef de l’Etat ne voie le jour et elle a multiplié les péripéties, les avancées et les reculades, au rythme des humeurs des politiques, avec les travers de l’administration comme de la magistrature, oscillant selon les époques entre Kafka et Courteline, sans que le pouvoir ait pu tracer un fil conducteur.

Pourtant, en cinquante deux ans, le monde a évolué, mais les protagonistes continuent de palabrer comme si l’on était encore à la période du Général de Gaulle. C’est lui qui avait chargé Paul Delouvrier, son grand bâtisseur, l’homme qui a multiplié les chantiers à base de béton. C’était l’époque où l’Etat était le grand maître alors que les populations s’adaptaient aux changements d’un pays qui connaissait un développement  rapide. Les aéroports étaient plaqués sur une région au milieu des champs, avec un  urbanisme qui se diversifiait autour. Mais on oubliait de créer des liaisons transversales, comme on le voit aux difficultés de circulation entre Rennes et Nantes par exemple. Aujourd’hui, personne ne conteste que l’aéroport en cause devrait avoir pour objectif de mettre fin à une période de sous-équipement. Nantes a seulement une piste de grande envergure, incapable de faire face au trafic dans les périodes  de pointe. Mais il faut tenir compte des rivalités qui se sont développées avec les autres villes équipées au trafic aérien comme Rennes ou Brest, qui ne souhaitent pas faire face à une nouvelle concurrence.

Car les conditions du développement économique se sont profondément transformées. La période de l’Etat-Roi est révolue. Il faut désormais tenir compte de deux paramètres essentiels : la décentralisation qui a fait monter une série de petits potentats locaux qui s’arcboutent sur leurs pouvoirs récents pour mettre des bâtons dans les roues pour faire prévaloir leurs situations personnelles. A l’autre bout de la chaine, il y a aujourd’hui la mondialisation avec les règlements européens et internationaux qui exercent  une influence croissante, tandis que certains pays comme la Chine manifestent un intérêt vif en particulier pour les territoires agricoles.

Par ailleurs, l’Etat aménageur et de plus en plus contesté par des populations qui se rebiffent, tandis que les idées écologiques gagnent du terrain et que l’empreinte carbone devient un porte-drapeau. Les quelques centaines de marginaux qui occupent quelques centaines d’hectares inquiètent le pouvoir, car la tentative de les faire évacuer en 2012 s’est soldée par un échec. Ils ont opéré un véritable enracinement, avec des enfants qui naissent sur ces territoires, et ils ont une faculté de mobiliser le cas échéant des milliers de manifestants venus du monde entier et adeptes d’une contre culture, à l’opposé du modèle de consommation occidental, sans hiérarchie, vivant en autogestion, Ils sont très minoritaires, mais ont réussi à faire oublier le  referendum de juin  2016 qui s’était pourtant  prononcé en faveur de la construction du nouvel aéroport. Ils ont infligé ainsi un camouflet à l’Etat de droit.

Il sera pourtant bien difficile à Emmanuel Macron de sortir de l’impasse dans laquelle se trouve le pays. L’aura dont il bénéficie présentement à l’étranger lui sera bien  utile. Mais rien ne dit  qu’elle sera suffisante dans une société malmenée de plus en plus comme le constate le Président de l’Assemblée nationale François de Rugy par une « dérive dans l’obstruction et l’enlisement ».

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