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Jusqu’à quand pourrons-nous financer nos dépenses de santé par la dette ?
©BERTRAND GUAY / AFP

Dépenses à crédit

Le système de santé français a longtemps été considéré comme le meilleur du monde. La pandémie nous a montré que ça n’était pas vrai. En plus, si ce système est financièrement le plus généreux pour les patients, il ne peut être financé aujourd’hui que par de la dette. Ça n’est évidemment pas durable.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Jusqu'à l’arrivée du coronavirus, le système de santé a été considéré comme un des meilleurs du monde. La pandémie a montré que ça n’était pas vrai. Les résultats ne sont évidemment pas à la hauteur de ce que le système coute, parce que le système de santé français reste très généreux, sûrement l’un des plus généreux au monde. Sauf que pour rester aussi généreux, les dépenses sont de plus en plus payées par de l’endettement.

Dans le dernier rapport de la DREES (la branche recherche statistique du ministère de la Santé et des Solidarités), on apprend donc que les Français ne paient réellement que 6,9% de leurs dépenses de santé, c’est ce qu’on appelle le reste à charge. Tout le reste des dépenses, soit 93%, est payé, remboursé par la Sécurité sociale pour une grande partie, soit par des mutuelles obligatoires ou facultatives.
Mais surtout, ce que l’on remarque, c’est cette part tend à diminuer d’année en année, c’est-à-dire que le système prend en charge un plus grand nombre de dépenses. A 6,9% en 2019, nous étions à plus de 9% de reste à charge il y a 10 ans.

Si l’on regarde du côté des chiffres par habitant, un Français a consacré 3 102 euros en moyenne à sa santé l’année dernière, en comptant les soins hospitaliers, de médecine de ville, de médicaments ou de biens médicaux, mais ce n’est pas le montant final qu’il devra payer en totalité.
Sur ces 3 102 euros, 78% sont remboursés par la Sécurité sociale ou assurances santé obligatoires. Les complémentaires santé privée complètent 13,4% de ce montant. Et enfin, 6,9% restent donc à charge du patient, ce qui au final, revient en moyenne à 213 euros.

Comment doit-on interpréter cette tendance d’une baisse du reste à payer ?

Le rapport de la DREES avance plusieurs pistes.

La première est une conséquence liée aux médicaments prescrits. Les auteurs notent un « net repli de la consommation de médicaments non remboursables », de -8,4%. Cela peut être du fait des patients qui se limitent en consommant moins de médicaments non remboursés, ou les médecins qui en prescrivent moins.

Une deuxième explication réside dans les tarifs des médecins. Les professionnels ont ajusté leurs pratiques, en ajustant à la baisse leurs dépassements d’honoraires qui restent, selon la plupart des mutuelles, à la charge du patient.

La dernière raison, c’est évidemment la tendance démographique de fond du vieillissement de la population. Ce qui fait augmenter les dépenses de santé certes, mais les soins aux personnes âgées sont parmi les mieux remboursés, notamment les affections longue durée (ALD).

Si ces soins augmentent en proportion, ils réduisent donc le reste à charge de la population de manière générale.

Les chiffres datent d’avant le Covid et l’explosion de la pandémie. Il faudra attendre un an pour avoir des chiffres plus complets. Mais on sait déjà que la gratuité des tests va faire exploser la facture. Cette mesure a été estimée à un coût de 250 millions d’euros par mois depuis leur prise en charge à 100%. 1 million de test serait effectué en France en ce moment, sachant que pour un test PCR, le prélèvement et son examen en laboratoire coûtent 73 euros à la Sécurité sociale.

La prévision de déficit de la Sécurité sociale n’a pas encore été actualisée, mais en juin, il devait déjà s’élever à 52 milliards d’euros, contre une prévision initiale de 5,4 milliards d’euros, en additionnant le régime général et le fonds de solidarité vieillesse.

A partir d’une telle situation, la sécurité sociale a quatre solutions :

La première, la plus facile est de s’endetter sur les marchés. Ce qui se passe actuellement et notamment depuis le Covid 19. Avec des taux d’intérêt proches de zéro, cette dette est certes supportable, mais elle n’est garantie que par l’Etat. Or, 50 milliards de déficit, c’est 50 milliards d’endettement supplémentaires qu’il faudra bien financer, c'est donc à terme 50 milliards de coupes dans les dépenses ou 50 milliards de prélèvements supplémentaires.

La deuxième solution est d’augmenter les recettes de cotisations, ce qui augmenterait mécaniquement le cout du travail puisque ces cotisations santé sont chargées sur le salaire. Hypothèse compliquée à l’heure où on a besoin de compétitivité et de créer des emplois.

La troisième solution serait de fiscaliser une partie des besoins pour les faire supporter par l’impôt. Là encore, très compliquée dans un pays qui détient déjà le record du monde de la pression fiscale.

Reste la quatrième solution qui serait d’engager une vaste réforme structurelle en considérant que les dépenses de santé sont évidemment du ressort de la solidarité, mais qu’elles peuvent aussi être gérées selon la logique assurancielle. Un peu comme l’assurance automobile. L‘assurance automobile est obligatoire, mais l’assuré peut choisir son assureur, il peut choisir, au-delà d’un seuil minimum obligatoire, les risques et négocier sa prime selon son comportement de conducteur. Le bon conducteur bénéficie d’un bonus. Le mauvais est pénalisé par un malus.

Le système a beaucoup de défauts mais il fonctionne et les ressorts de son fonctionnement sont bien connus. Les acteurs du système les plus fragiles sont protégés par la branche solidarité de la Sécurité sociale, mais les autres sont en concurrence et la concurrence est évidemment un facteur de progrès et d’efficacité. Par ailleurs, chacun est responsabilisé sur la façon de se conduire et de conduire.

Le rapport à la santé pourrait être géré selon les mêmes principes. Le développement des assurances complémentaires, l’arrivée obligatoire des mutuelles ont préparé le terrain d’une telle évolution. Ce type de réforme permettrait de mesurer la performance des hôpitaux, les assureurs auraient intérêt à travailler avec les établissements les plus efficaces. Quant aux assurés, ils auraient intérêt à veiller à leur comportement et leur protection. La santé est injuste évidemment, mais certains terrains et certaines attitudes prédisposent plus que d’autres à certaines maladies, l’alcool, le tabac, la mal bouffe, l’hygiène personnelle sont sans doute responsables de 80 % des maladies les plus graves.

En matière de traitements, le système de santé français est sans doute encore l’un des meilleurs du monde... mais le système est aussi l’un des plus mauvais dans le domaine de la prévention. La prévention serait le moyen le plus efficace de faire des économies.

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