Jordan Bardella, tout faire pour éviter les foudres du FMI, et des marchés, mais toujours très flou pour créer de la richesse<!-- --> | Atlantico.fr
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Jordan Bardella lors d'une conférence de presse.
Jordan Bardella lors d'une conférence de presse.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Atlantico Business

Plus conservateur que libéral. Jordan Bardella a fait de LFI son adversaire premier, il espère désarmer les critiques de l’aile droite du groupe Marconiste pour élargir sa majorité et il essaie donc d’acheter la neutralité des chefs d’entreprise, mais il ne dit pas comment le système pourra créer de la richesse.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les chefs d’entreprise n’y trouveront pas leur compte. Jordan Bardella veut restaurer la sécurité, l’autorité, les services publics de la santé et de l’école, mais il n’a pas de stratégie pour renforcer le redressement de l’économie et sa compétitivité dans la concurrence mondiale. Le maillon faible de son programme de gouvernement reste l’économie. Les analystes politiques ont évidemment relevé l’ambition de Jordan Bardella dans sa gestion de l’État régalien, notamment dans la restauration de la sécurité et de l’autorité. Cela passe par le renforcement des services de police et de justice, une régulation très stricte de la politique migratoire, une réorganisation de l’administration de la santé et de l’école, et même un reformatage du modèle d’assistance sociale au profit des «  français », avec de nombreux détails qui répondent aux demandes du marché politique.

Il y a une véritable demande correspondant à de vrais besoins. C’est une évidence , personne ne peut nier qu’il y a en France un problème grave de sécurité et même d’ultra violence, et personne ne peut prétendre que les services publics (qui coûtent un "pognon de dingue") fonctionnent correctement : c’est vrai dans la justice, la santé et surtout dans l’école. Donc sur tous ces points, Jordan Bardella aura été écouté et sans doute entendu. D’où le succès électoral  aux européennes et dans les sondages.

Mais là où Jordan Bardella est beaucoup plus sobre et prudent, c’est quand il ouvre le dossier économique et notamment les outils et moyens qu’il faudra installer pour gérer le redressement de l’économie, retrouver les chemins de la croissance dans un contexte de concurrence internationale nouvelle et violente pour tous ceux qui ne s’y sont pas préparés.

Il reconnaît que les entreprises françaises sont fragiles, mais il ne leur reconnaît pas un rôle premier dans la production de richesse. Il ne dévoilera ni stratégie claire de croissance, ni chiffrage d’un objectif de croissance.

Alors, il justifie sa prudence par la nécessité de faire un audit précis de la situation, mais cette justification ne trompe personne. Tout le monde sait que la maison France est gravement endettée, déficitaire sur le budget, déficitaire sur le commerce extérieur. Les audits du FMI, de Bruxelles et de la Cour des comptes ont dressé ce diagnostic. Le président de la République, son Premier ministre et surtout Bruno Le Maire en sont très conscients.

Sur ce point-là, il est évident que Jordan Bardella veut gagner du temps parce qu’il sait très bien qu’à se précipiter sur le malade, il risquerait de l’asphyxier. C’est d’ailleurs ce que ferait LFI de Jean Luc Mélenchon ,  s’il arrivait au pouvoir.

Mais il y a une autre raison à la prudence de Jordan Bardella : il n’a sans doute pas les moyens de redresser rapidement l’économie française, il n’a surtout pas de stratégie claire. Les chiffres sont flou, parce que l’idéologie qui soutient la stratégie est elle-même très floue : conservateurs oui mais certainement pas libéral.

Le Rassemblement National s’est construit sur des idées proches du souverainisme, du nationalisme industriel, sur le protectionnisme, en s’opposant à la construction européenne et même à la mondialisation, y compris quand cette mondialisation permettait de financer du pouvoir d’achat. Le RN n’a jamais été libéral. Dans son ADN, le moteur de la croissance, c’est l’État : un État fort, centralisé, entrepreneur, investisseur et social.

Cette équation a fonctionné tant que Jean-Marie Le Pen a développé son parti en s’interdisant l’accès au pouvoir. Le Front National n’est jamais resté qu’une force d’opposition. Dans ce cas-là, il pouvait tout se permettre. Mais à partir du moment où sa fille, Marine Le Pen, et ses amis ont cherché à transformer son parti en un parti d’alternance avec une prétention assumée d’exercer le pouvoir, il lui a fallu élargir son audience, expurger le discours de tout ce qu’il y avait d’excessif, de provocant et même d’injurieux.

Et revenir dans le cercle de la raison avec des propositions responsables. Elle a commencé par reconnaître l’intérêt de l’Union européenne, puis l’euro. Elle a renoncé à revendiquer une sortie de l’UE, modifié ses positions publiques par rapport à la Russie et à l’Atlantique.

Après la campagne des européennes que le RN a gagnée, et que le mouvement s’est engagé dans la campagne des législatives, Jordan Bardella a fait le ménage dans le programme de gouvernement qui avait été publié en 2022 par Marine Le Pen. Il en a éliminé  toutes les mesures les plus démagogiques et les plus coûteuses pour éviter de se fracasser sur le mur des réalités : exit la retraite à 60 ans, exit les augmentations violentes du SMIC, exit les exonérations d’impôts, exit la pénalisation des riches ou des ultra-riches, exit le projet de bouleverser le fonctionnement de l’Union européenne, exit le projet d’annuler les accords de libre-échange.

Aujourd’hui, il ne reste rien ou presque. Jordan Bardella a modéré ses critiques à l’encontre de la stratégie Macron de transformer la France en start-up nation. Jordan Bardella a même reconnu qu’il faudrait écouter les marchés parce qu’on en a besoin. Jordan Bardella a même annoncé aux entreprises qu’il poursuivrait la suppression des impôts de production, ce que le RN (comme LFI d’ailleurs) appelait il n’y a pas si longtemps les cadeaux aux riches et aux entreprises.

Ce que l’on sait maintenant est que la France restera dans l’Union européenne et respectera ses directives budgétaires notamment tout en essayant, comme l’Allemagne, de modifier le montant et la répartition des contributions. Ce que l’on sait est que le gouvernement baissera la TVA sur l’énergie sans être sûr que cette baisse aura un effet significatif sur le pouvoir d’achat. Ce que l’on sait est que l’effort portera sur le développement du nucléaire et qu’il fera tout pour attirer les industries. Mais Jordan Bardella n’a rien dit sur la position française dans la concurrence mondiale et notamment face à la Chine, il n’a rien dit sur la protection douanière de l’Union européenne, rien sur les accords de libre-échange. Les mesures structurelles sont remises à plus tard : la fiscalité (sauf sur quelques points marginaux pour faire plaisir aux alliés républicains) etc. Quant au chiffrage, Jordan Bardella ne dévoile que le coût de la baisse de TVA (7 milliards d’euros pour cette année), autant dire même pas le montant des recettes de poche.

Les propos de Jordan Bardella vont agacer la classe politique . Il a fait de LFI son adversaire premier, il espère avoir désarmé les critiques de l’aile droite du groupe Marconiste , et essaie d’acheter la neutralité des chefs d’entreprise. Bref, pour éviter les foudres du FMI, il se met sous la surveillance des agences de notations. Reste à savoir si son électorat suivra.

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